SAÔNE-ET-LOIRE : Des économies, même en situation délicate
Dès le départ, les onze exploitations viticoles du réseau Écophyto de Saône-et-Loire employaient bien moins de produits de traitement que leurs consœurs de Bourgogne. Leur IFT se situait en moyenne à 12,7. Elles appliquaient donc 12,7 doses homologuées de fongicides, d'herbicides ou d'insecticides par ha. Un chiffre 31 % inférieur à l'ITF de référence en Bourgogne (18,4).
En 2011, année de faible pression, les viticulteurs du groupe ont fait encore mieux : leur IFT était 49 % inférieur à celui de leur région. En 2012, en revanche, « les vignes ont subi des attaques sans précédent de mildiou et d'oïdium, indique Audrey Dupuits, l'animatrice du réseau. Résultat, l'IFT du groupe a grimpé à 21,1, un niveau supérieur à la référence régionale, mais tout de même inférieur de 10 % à la consommation moyenne des exploitations de Saône-et-Loire l'an dernier ».
« Pousser la réduction aurait conduit à des attaques très graves », note Guillaume Paire, conseiller viticole à la chambre d'agriculture et ancien animateur du réseau.
Les viticulteurs du groupe ont enregistré des baisses de rendement en 2012 qu'ils attribuent aux conditions climatiques de l'année (gels, floraison difficile et grêle) et à la forte pression. Mais « aucun n'a mis en cause la réduction de doses », souligne Audrey Dupuits.
Depuis 2010, ils ont optimisé la pulvérisation, réduit les doses lors des premiers traitements et enherbé leurs vignes. Certains ont supprimé les insecticides contre les tordeuses et limité les antibotrytis. Grâce à ces efforts, ils ont fait des économies. En 2012, ils ont ainsi dépensé 684 €/ha en coûts de traitements (hors main-d'œuvre et carburant) en moyenne, contre 804 €/ha pour l'ensemble des viticulteurs du département.
VAUCLUSE : « Les vignerons ont pris des risques importants »
Depuis 2010, les huit vignerons du réseau Écophyto du Vaucluse enregistrent chaque année un IFT moyen inférieur à l'IFT régional de référence, qui est de 8,8.
Ce dernier a été établi en 2006, une année où « la pression parasitaire a été exceptionnellement faible dans le Vaucluse, fait remarquer Marie-Véronique Arrigoni, leur conseillère à la chambre d'agriculture. En 2012, la pression oïdium a été la plus forte de ces trois dernières années, tout comme celle du mildiou dans certains secteurs. Malgré cela, l'IFT moyen du groupe a été de 8,4, un chiffre qui reste inférieur à la valeur de référence ».
La saison 2012 a été difficile. « Nous avons essayé de réduire au maximum le nombre de traitements contre l'oïdium », explique-t-elle. Dans ces conditions, l'un d'entre eux a subi une attaque d'oïdium sur une petite zone. Il a choisi de ne pas déclarer cette partie de sa production en appellation, mais en vin de pays.
Pour obtenir ces résultats, les vignerons ont réduit les doses en début de saison en fonction du volume foliaire. Ils se sont aussi appuyés sur Mildium, un processus de décision visant à réduire les traitements contre le mildiou et l'oïdium, avec des résultats satisfaisants. Certains exploitants ont mis en place la confusion sexuelle contre les tordeuses. Parmi ceux qui utilisaient du désherbant sur le rang, deux sont passés au travail du sol intégral. Quant à ceux qui sont en bio ou en biodynamie, leurs IFT sont très bas car ils appliquent de faibles doses de cuivre et de soufre.
« Les économies réalisées par les exploitations sont plus ou moins importantes selon les millésimes, relève Marie-Véronique Arrigoni. Et Écophyto nécessite de passer plus de temps à consulter la météo, à faire des observations dans les parcelles et à s'informer. »
VAR : Des exploitations bien aidées par la météo
« Fin 2012, sept des neuf exploitations de notre réseau ont atteint l'objectif de terminer avec un IFT de 30 % inférieur à leur niveau initial. Certains affichent même une baisse de 50 % par rapport à 2010 », annonce Mathieu Combier, l'ingénieur du réseau Écophyto du Var. Il faut dire que les conditions climatiques de 2011 et de 2012 ont favorisé la réduction des intrants.
Au sein du groupe, les viticulteurs réalisent des observations toutes les semaines pour repérer les attaques de maladies et compter les vers de la grappe. Ils déclenchent les interventions contre les ravageurs si les seuils de nuisibilité sont atteints. Contre les maladies, ils adaptent les doses à la pression, privilégient les matières actives les moins toxiques et emploient le cuivre à dose réduite.
En 2011 et 2012, aucune exploitation du groupe n'a subi de pertes de récolte liée aux bioagresseurs, malgré la baisse significative de l'IFT. Mieux encore, « la diminution du nombre de passages se traduit par une économie de temps de travail de cinq heures par ha dans l'une des exploitations, poursuit Mathieu Combier. Cette réduction intervenant sur une période de forte activité, cette exploitation a réduit ses frais de main-d'œuvre de 180 €/ha » (coût calculé sur des références régionales). À l'inverse, une autre propriété n'a fait aucune économie du fait de difficultés d'entretien des sols et de pression de vers de la grappe.
Le coût des intrants phytos varie selon les domaines de 140 à 770 €/ha. « À l'exception d'un cas, ce coût a baissé en moyenne de 30 % par ha en 2012 par rapport à 2010, signale l'ingénieur. En additionnant les économies de main-d'œuvre dues à la baisse du nombre de passage et les économies d'intrants, nous obtenons une baisse des charges de 400 €/ha au mieux. » Toutefois, « nos résultats ne sont pas forcément transposables au niveau national », insiste Mathieu Combier.
MARNE : Bien mieux que la référence champenoise
En 2011, l'IFT moyen du groupe de la Marne avait été de 8,4, soit le tiers de l'IFT régional de référence (23,8). « Les maladies avaient été très faciles à gérer », rappelle Yohan Kouzmina, conseiller viticole à la chambre d'agriculture et responsable du réseau. Rien de tel en 2012. « L'oïdium a atteint un niveau encore jamais vu en Champagne. Et il y a aussi eu du mildiou. Ces conditions ont rendu plus difficile la réduction des doses, détaille le conseiller. La forte pluviométrie n'a pas permis aux vignerons d'accéder aux parcelles avec autant de réactivité que nécessaire. »
Malgré cela, l'IFT moyen du groupe a été de 15,9, soit très en dessous de la référence régionale. Les vignerons du réseau n'ont pas subi de pertes de rendement ou de qualité par rapport à leurs collègues du département.
Pour obtenir ces résultats, ils ont soigné le réglage de leurs pulvérisateurs et calculé les quantités de bouillie selon la surface réellement plantée et non selon la surface cadastrale. Certains ont mis en place l'entretien mécanique du sol ou ont enherbé quelques parcelles.
MAINE-ET-LOIRE : Un bio fait des étincelles
En 2011, l'IFT moyen des douze exploitations du réseau Écophyto du Maine-et-Loire n'avait été que de 7,4, soit moitié moins que l'IFT régional de référence. En 2012, il est remonté à 12 (17 % en dessous de la référence). Malgré cela, l'un des domaines a subi une perte de récolte sur une petite parcelle. « La climatologie a été défavorable et la pression de maladies forte, décrit Guillaume Gastaldi, le responsable du réseau à la chambre d'agriculture. Mais nos résultats montrent qu'il existe une marge de manœuvre pour limiter le coût de protection de la vigne. »
Dans ce groupe, les exploitations ont des pratiques très diverses. Celle dont l'IFT est le plus bas – 5 – en 2012 est conduite en bio. Son budget phytosanitaire (coûts des produits et des passages) a été le plus faible (643 €/ha). « Elle a réalisé onze passages, appliquant 2,5 kg/ha de cuivre métal pour toute la saison, du soufre et aucun insecticide. Son vignoble était très sain et elle a récolté 47 hl/ha de cabernet, un rendement satisfaisant », déclare le conseiller.
Deux autres exploitations ont limité leurs dépenses à 739 et 811 €/ha avec neuf passages, un désherbage uniquement en post-levée à dose réduite et aucun antibotrytis. Le premier de ces domaines a fait des économies en intégrant du cuivre et du soufre à son programme fongicide. Le second n'a appliqué des insecticides que sur la moitié de son vignoble, après comptage. Et il a désherbé mécaniquement, utilisant des herbicides chimiques uniquement sur des taches.
« Les exploitations aux IFT les plus faibles sont celles où le vigneron prend le plus de temps pour observer ses parcelles sensibles, soit un jour par semaine, constate Guillaume Gastaldi. Cela permet de se rassurer et de raisonner vraiment les traitements et les doses. » À l'arrivée, le budget phytosanitaire (coûts des produits et des passages) du groupe s'élève en moyenne à 956 €/ha.
LOIR-ET-CHER : Sous le feu nourri du mildiou
Dix exploitations, toutes labellisées Terra Vitis, forment depuis l'année dernière le réseau Écophyto du Loir-et-Cher. Comme tout le département, elles ont subi une pression exceptionnelle de mildiou en 2012. Leur IFT moyen a atteint 13,8, plus que l'IFT régional de référence situé à 12. « Il fallait préserver la récolte », précise Alice Reumaux, conseillère viticole à la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher et animatrice du réseau.
Celui qui a obtenu l'IFT le plus bas – 5,9 – n'y est pas parvenu et a enregistré une perte de rendement. Il a trop attendu pour démarrer les traitements et n'a pas assez resserré les cadences. À l'inverse, « une autre exploitation a eu un résultat satisfaisant avec un IFT de 7,1, indique la conseillère. Elle a bien positionné ses traitements, avec une bonne qualité de pulvérisation. Elle a réduit ses doses suivant le modèle Optidose. Elle a travaillé les sols et n'a effectué aucun traitement insecticide ni antibotrytis ».
Au sein du groupe, le coût des fongicides s'échelonne de 131 à 428 €/ha, avec une moyenne à 320 €/ha. Parmi les leviers mis en œuvre, Optidose a donné des résultats concluants sur l'oïdium en permettant de réduire les doses (jusqu'à 60 % de la dose homologuée) lors des trois premiers traitements. Une des exploitations a réalisé des économies en utilisant du soufre en début de saison. Une autre a pratiqué, sur une partie de son vignoble, trois traitements à base d'argile kaolinite calcinée contre les cicadelles vertes. Elle a donc limité de façon significative les grillures tout en obtenant la même maturité que sur la partie traitée deux fois avec un insecticide classique. Les vignerons du réseau ont également été formés aux bons réglages du pulvérisateur.
GIRONDE : Moins de produits, plus de passages
Pour sa première année, le réseau girondin a affronté une forte pression d'oïdium et de mildiou. Malgré cela, l'IFT moyen du groupe a été de 12,6, soit 30 % en dessous de l'IFT régional de référence (18). L'objectif de réduction a donc été atteint dès le départ. Mieux encore, « dans cinq exploitations sur les onze du réseau, la consommation de phytos est inférieure de 50% à la valeur régionale de référence », se réjouit Jean-Baptiste Meyrignac, responsable du réseau à la chambre d'agriculture de Gironde.
Certains vignerons ont acquis de nouveaux matériels pour le travail du sol ou l'épamprage mécanique. Tous ont été formés aux bons réglages du pulvérisateur. Optidose et Mildium ont également été mis en œuvre. Une exploitation en bio a expérimenté un Mildium optidosé. Elle a réalisé quinze passages, hors travail du sol. Son IFT est le plus faible (5). Le domaine a subi un impact sur le rendement (48 hl/ha), mais pas sur la qualité. « La marge de sécurité sera relevée l'année prochaine pour cette exploitation afin d'éviter une défoliation précoce », anticipe Jean-Baptiste Meyrignac.
Et de poursuivre : « Le nombre de passages n'a pas diminué pour les vignerons du groupe en raison de la pression de l'année, de l'utilisation de produits de contact lessivables et du retour au travail du sol. Alors qu'ils appliquaient un herbicide deux fois par an, ils ont pu avoir à intervenir mécaniquement deux fois par mois durant la saison. » Dernier enseignement : « Le temps d'observation est essentiel. En saison, une heure en début de semaine et une autre en fin de semaine sont nécessaires.»
Du nouveau dans le calcul de l'IFT
L'indicateur de fréquence de traitement (IFT) représente le nombre de doses homologuées de fongicides, d'herbicides et d'insecticides sur un hectare au cours d'une campagne. Pour chaque traitement, l'IFT se calcule en divisant la dose appliquée par hectare par la dose homologuée pour le produit considéré. Ainsi, si on utilise une dose pleine d'antimildiou, l'IFT sera de 1 pour ce traitement. Si on utilise une demi-dose, il sera de 0,5. Le ministère de l'Agriculture a mis en ligne un outil pour le calculer (www.calculette-ift.fr). Les préparations naturelles peu préoccupantes, les stimulateurs des défenses naturelles de plantes et les engrais foliaires n'entrent pas dans le calcul de l'IFT. Depuis peu, les produits de biocontrôle sont également exclus de l'indicateur. Ils font l'objet d'un calcul à part, qui établit le « nombre de doses unités vert biocontrôle » ou « Nodu Vert ». Les phéromones utilisées en confusion sexuelle ou les fongicides à base de Bacillus subtilis sont sur la liste des produits de biocontrôle consultable sur le site du ministère, rubrique « médiathèqu'Écophyto ».
Plusieurs leviers mis en place
L'un des premiers moyens pour réduire la consommation de produits phytos consiste à améliorer la qualité de pulvérisation. « Un pulvérisateur bien réglé peut réduire les doses jusqu'à 30 % et même 50 % selon la pression », martèle Jean-Baptiste Meyrignac, de la chambre d'agriculture de Gironde. L'utilisation de Mildium (processus de décision permettant de réduire les traitements contre le mildiou et l'oïdium) et d'Optidose (adaptation des doses à la surface foliaire et à la pression) contribue aussi à réduire l'IFT, en particulier lors des premiers traitements. Mildium suppose toutefois de prendre du temps pour les observations et d'être suivi par un conseiller. Certains vignerons emploient aussi des produits alternatifs. Pour diminuer les herbicides, ils reviennent au travail du sol, parfois intégral ou plus souvent associé à un enherbement. « Mais cela entraîne des investissements en main-d'œuvre et en matériel. Il est nécessaire de veiller au tassement du sol », prévient Alice Reumaux, de la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher.