TAILLE. Trop occupé par ses activités commerciales, Pascal Leblanc (à gauche) ne taille pas lui-même ses vignes. Il confie cette tâche à Yannick Fradin (à droite), son employé à temps complet, et à un saisonnier. Ici, il vient contrôler la taille guyot simple sur une parcelle de cabernet franc. PHOTOS F. BAL
« Les ventes en bouteilles sont toujours là pour contrebalancer les pertes des ventes au négoce. Ce n'est pas logique. » À 45 ans, Pascal Leblanc, à la tête du domaine des Saulaies, à Faye-d'Anjou (Maine-et-Loire), dresse un constat mitigé de son parcours. Vingt-trois ans après avoir rejoint ses parents sur le domaine familial, il n'est pas parvenu à résoudre le problème de valorisation de ses vins. Ce n'est pas faute d'avoir essayé.
À son arrivée en 1990, le domaine compte 32 ha et produit 2 000 hl en année normale. Il vend la moitié de ses vins en cubis, 40 % en vrac au négoce et 30 000 bouteilles. Le gel de 1991 lui porte un coup dur. Mais l'effondrement des prix qui suit l'abondante récolte de 1992 est plus rude encore. « J'ai dû convaincre mes parents de se séparer de la partie vendue à perte au négoce, explique Pascal Leblanc. Cela faisait mal au cœur, mais nous avons bien fait. » En quatre ans, ils arrachent 14 ha de grolleau et de pineau d'aunis. Aujourd'hui, il reste 17,7 ha.
Durant cette période, le vigneron décroche un marché professionnel de 20 000 bouteilles, qu'il a conservé. Pendant les vendanges, la famille instaure un week-end portes ouvertes et reçoit une douzaine de groupes de 40 à 50 personnes.
« Les salons coûtent trop cher »
Au début des années 2000, après le départ à la retraite de ses parents, Pascal Leblanc remplace les cubis par des bibs. Il participe à cinquante-cinq soirées par an chez des particuliers qui réunissent une trentaine de personnes de leurs amis et famille en Bretagne, en Normandie, en Lorraine et dans le Nord. En revanche, le viticulteur ne fait pas de salons « car ils sont hors de prix, sans compter les frais annexes ».
En 2006, l'Angevin se rend à l'évidence : ce n'est pas suffisant. Il faut exporter. Il s'associe avec huit confrères dans un GIE qui s'achèvera sur un échec. Pascal Leblanc y perdra 9 000 euros.
L'an dernier, le domaine a vendu 400 hl en bibs, 50 000 bouteilles (375 hl) et 120 hl de cabernet d'Anjou en vrac au négoce. À l'automne, il a dû déstocker à perte 220 hl, dont 100 hl de cabernet d'Anjou déclassés en vin de France, pour régler des problèmes de trésoreries récurrents. De petites récoltes, comme en 2006, 2007, 2008 et 2012, et l'engorgement du marché en sont les causes. Côté investissement, Pascal Leblanc se limite au minimum. Il achète toujours du matériel d'occasion, en Cuma ou en copropriété. C'est ainsi qu'il possède une machine à vendanger Braud SB 53 Saphir depuis sept ans.
En janvier 2003, il a eu du nez en climatisant son chai, « sinon, j'aurais perdu des vins à cause de la canicule ». En 2005, le viticulteur angevin complète l'équipement en thermorégulant ses cuves avec un groupe de froid et des drapeaux.
Son vignoble est renouvelé régulièrement, au rythme de 0,5 ha par an. Les parcelles sont enherbées depuis 1992. Aujourd'hui, elles le sont à 12,5 ou 25 % de leur surface, avec des bandes de 45 cm tous les rangs ou un rang sur deux. Depuis quatre ans, il fait appel à Philippe Drouet. Pour 180 €/ha, ce conseiller indépendant lui permet d'être bien plus précis dans le réglage de son pulvérisateur et donc plus économe. L'an dernier, il n'a dépensé que 280 €/ha en coûts de traitement, contre 611 €/ha en moyenne dans la région.
Au chai, Pascal Leblanc raisonne davantage les vinifications. Par exemple, il n'emploie plus de tanins pour les rouges. Il chauffe la vendange de 25 à 30°C en fin de fermentation pour obtenir des vins ronds et souples. Il y a quatre ans, il a introduit une macération préfermentaire de 24 heures pour ses cabernets d'Anjou, des rosés demi-secs, afin de leur donner « du fruit, de la couleur et de la longueur en bouche ».
Début 2013, le viticulteur s'est résigné à signer un contrat de vente en moût pour trois ans avec un courtier. « Cet accord est un engagement sur les volumes mais pas sur les prix, déplore-t-il. Mais en vendant du moût, au moins, je n'aurai pas les frais de vinification, de suivi et de stockage des vins. » Pour améliorer sa rentabilité, il doit valoriser en bouteille les vins qu'il vend en bib. Il lui faut donc trouver de nouveaux marchés. Pour cela, il entend retenter sa chance à l'export, seul, car « chat échaudé craint l'eau froide, indique-t-il. Mais partir à l'étranger alors que je ne parle pas bien anglais ? C'est difficile ». Il cible donc le Canada. Peut-être fera-t-il appel à un agent pour les autres marchés. Quoi qu'il en soit, le temps presse. « Les seuls vignerons qui investissent sont ceux qui exportent », observe-t-il.
Et si c'était à refaire ? « J'éviterais quatre erreurs magistrales »
«En 2006, avec huit autres vignerons du Val de Loire, nous avons décidé de créer le GIE Loire Links pour l'export. Notre groupement est entré en activité en 2008. Ce fut un échec. Nous avons commis quatre erreurs magistrales. La première a été d'inclure quatre vignerons angevins – donc concurrents – dans le groupement. La deuxième, de ne proposer qu'une partie de la gamme des vins du Val de Loire (muscadet, saumur, chinon, saint-pourçain et anjou).
Troisième bévue : nous nous sommes lancés sans nous connaître. Or, nous n'avions pas les mêmes façons de voir les choses. La dernière faute, titanesque, concerne le recrutement du commercial.
Le groupe n'a pas voulu d'une personne expérimentée à 4 000 € par mois. Résultat : nous avons choisi un commercial qui voulait exclusivement travailler en ligne de chez lui. Nous avons perdu deux ans avant de le remplacer. Sans résultats. En quatre ans, le GIE n'a vendu que 4 000 bouteilles, alors nous avons arrêté les frais. »