ROUSSILLON : Des techniques utilisées en milieu aride
« Depuis six ans, 2011 mis à part, nous subissons une sécheresse estivale marquée chaque année, avec un rendement départemental moyen autour de 30 hl/ha », constate Marc Guichet, conseiller à la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales. Pour s'adapter à cette évolution du climat, il ne conseille pas seulement d'irriguer mais aussi d'adopter des techniques utilisées dans les zones arides. « Labourez dès la fin des vendanges et décompactez le sol en profondeur en période de repos végétatif. Cela facilitera la pénétration des pluies et limitera leur ruissellement vers les cours d'eau », indique-t-il.
Autre conseil de Marc Guichet : appliquer un cuivre à 700 ou 800 g/ha en fin d'été pour protéger le feuillage du mildiou au-delà de la récolte. « Dans les parcelles qui ont bénéficié de ce traitement en 2011, la sortie de grappes a été correcte en 2012 », affirme-t-il. L'explication est simple. La teneur des sols en azote issu de la minéralisation de la matière organique est à son maximum à partir de septembre. En octobre, lorsqu'il pleut enfin, la vigne peut absorber ce nutriment pour reconstituer ses réserves. À condition que son feuillage soit en bon état. Dans les sols superficiels ou sablonneux, la minéralisation ne suffit pas. Là, Marc Guichet recommande d'apporter 30 u/ha d'azote en février ou en mars pour soutenir le démarrage de la végétation. « Dans ces sols, un petit apport régulier est nécessaire pour maintenir la vigueur au fil des années, rappelle-t-il. L'ammonitrate convient très bien. Il n'y a pas besoin de faire cher et compliqué. »
VALLÉE DU RHÔNE : Replanter des cépages plus variés
Dans les appellations Côtes-du-Rhône et Côtes-du-Rhône villages, les rendements moyens entre 2000 et 2010 se situent bien en dessous du maximum autorisé, avec des écarts qui dépassent 10 hl/ha certaines années. « Les difficultés économiques passées ont freiné le remplacement des manquants alors que les maladies du bois ont gagné du terrain », constate Biliana Arsic, responsable technique à l'ODG. Le gel de février 2012 a aggravé la situation. « Nous avons eu des déclarations de pertes de fond sur 3 000 ha. Dans ces vignes, le taux de manquants atteint 24 % en moyenne », relève-t-elle. Bien des parcelles méritent donc d'être replantées, d'autant plus que le vignoble est âgé. Dans les Côtes-du-Rhône villages, par exemple, 18 % des vignes ont plus de 50 ans.
Dans certaines zones, le premier facteur limitant reste l'eau. Pour faire face à des sécheresses plus marquées, l'ODG souhaite développer l'accès à l'irrigation et élargir la palette des porte-greffe et des cépages. « Beaucoup de vignerons cultivent seulement du grenache et de la syrah, regrette Biliana Arsic. Cette année, nous avons intégré le carignan et le cinsault dans le plan collectif de restructuration, car ces cépages donnent des rendements plus réguliers. »
Dans d'autres situations, la concurrence de l'enherbement ou des adventices est trop forte. « Dans les parcelles où le chien-dent n'est pas maîtrisé, il finit par peser sur le rendement », souligne la technicienne. Les impasses d'engrais liées aux difficultés économiques ont aussi des conséquences négatives. « Il faudrait reprendre la fertilisation. Mais quand positionner les apports pour profiter de pluies, devenues plus rares et plus aléatoires ? Le pilotage gagnerait à être affiné. Parfois, la vigueur est excessive au printemps et la vigne souffre ensuite d'autant plus de la sécheresse estivale. »
CHARENTES : Observer et fertiliser au cas par cas
À Cognac, le rendement moyen plafonne depuis dix ans. Durant les années de crise, les viticulteurs ont dû ralentir le renouvellement du vignoble, alors attaqué par les maladies du bois. Pour répondre à la demande du marché à l'horizon 2026, le cabinet de consultants Eurogroup a calculé qu'il faudrait renouveler ou complanter 5,9 % du vignoble par an durant les cinq prochaines années. Pour cela, il faut des moyens financiers.
D'autres leviers (apporter plus d'engrais, tailler plus long ou retourner l'enherbement) pourraient également être utilisés. « Mais attention, l'augmentation de rendement n'est pas toujours au rendez-vous, car plusieurs facteurs contribuent à son élaboration », intervient Vincent Dumot, de la station viticole du BNIC.
« Dans nos essais, en gardant trois lattes au lieu de deux, le rendement n'augmente que de 10 % malgré une charge supérieure de 50 % », souligne-t-il. Enfouir l'enherbement peut réduire la concurrence les années sèches et accroître le rendement. « Mais qu'en sera-t-il les années suivantes ? L'enherbement améliore la portance du sol, facilite les traitements en période humide et réduit la vigueur ainsi que la sensibilité aux maladies. Le supprimer, c'est perdre ces effets positifs. Sans compter que le retour au travail du sol peut également favoriser la chlorose. »
Conserver l'enherbement et fertiliser davantage pourrait être un bon compromis. Mais dans certaines situations, le rendement ne bouge pas pour autant. Et il peut même diminuer, si la vigueur de la vigne devient excessive. « Il n'y a pas de recette valable partout, reconnaît-il. Avant d'envisager un changement, mieux vaut faire un essai dans la parcelle concernée sur un rang ou deux, et peser les raisins pour voir s'il y a une amélioration ou non. »
Le Point de vue de
Frédéric Belmas, vigneron sur 18 ha, à Saleilles (Pyrénées-Orientales)
« En trois ans, j'ai regagné 10 hl/ha »
« Depuis dix ans, 2011 mis à part, mon rendement moyen diminue. Au début, j'ai pensé que le climat, plus sec, était en cause. Et comme mon objectif n'était pas de produire au maximum, je ne me suis pas inquiété. Mais les nécessités économiques m'ont rattrapé. À 25 hl/ha, je ne m'en sortais plus. Il y a trois ans, j'ai fait appel à la chambre d'agriculture. En s'appuyant sur des analyses de sol et des observations dans les parcelles, mon conseiller a cerné les problèmes. Aujourd'hui, j'apporte 20 u/ha d'azote au printemps dans une partie des vignes. Elles ont regagné de la vigueur et la sortie de grappes s'est améliorée. Pour réduire la concurrence, je détruis le couvert hivernal plus tôt, dès février, et je désherbe mieux le rang. Après les vendanges, j'applique un cuivre pour protéger le feuillage. Du coup, la taille démarre plus tard, mais les vignes ont le temps de faire leurs réserves. Je griffe aussi le sol après les vendanges et je décompacte un rang sur deux après la chute du feuillage pour que les pluies pénètrent mieux. En trois ans, le rendement s'est régularisé autour de 35 hl/ha, alors que certaines parcelles arrivaient à peine à 15 hl/ha auparavant. L'an dernier, sans augmenter les frais, j'ai vendu une citerne de vrac en plus.
De la trésorerie bienvenue ! Je vais continuer avec l'objectif de récolter 40 à 45 hl/ha de moyenne. Pour y arriver, je vais pousser le rendement dans les vignes en IGP. Dans une parcelle de cinsault, je suis déjà remonté à 80 hl/ha en 2011 et 60 hl/ha en 2012. Elle produit un vin de petit degré, avec lequel je sors un assemblage à 12,5 ° d'alcool que mes clients apprécient pour leur consommation quotidienne. »
Le Point de vue de
Christophe Lazib, technicien de la coopérative La Comtadine, à Puyméras (Vaucluse)
« De meilleurs rendements avec des vignes jeunes »
« La plupart de nos adhérents ont régulièrement renouvelé leurs vignes ces dernières années. Avec un vignoble rajeuni, ils obtiennent des rendements supérieurs de 20 % à ceux qui n'ont pas replanté, et ils peuvent profiter à plein de la remontée des cours. Pour les soutenir dans leurs efforts de plantation, je prends en charge toutes les démarches administratives pour obtenir des aides à la restructuration. Je les accompagne également dans la conduite du vignoble. Là, nous faisons face à plusieurs problèmes.
Dans les parcelles où le chiendent s'est installé, il faut combiner désherbage en début de printemps et travail du sol intensif pour arriver à en venir à bout. Dans les parcelles où l'enherbement est trop concurrentiel, je conseille aux vignerons de le détruire un rang sur deux, ce qui procure un apport de matière organique bienvenu au moment où ils l'enfouissent. Nous observons surtout cette situation dans des parcelles de bas-fonds, revendiquées en IGP. L'objectif pour ces dernières est de dépasser 90 hl/ha. Le suivi de la nutrition permet également de progresser. En 2012, des analyses de pétioles ont révélé des carences en potasse, sans doute dues au fait que la sécheresse avait poussé les racines à explorer des zones plus profondes et moins bien pourvues. Cet hiver, j'ai conseillé un premier apport de 80 u/ha dans ces parcelles. Nous allons voir le résultat cette année. »