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HYBRIDE 9273 (À GAUCHE) ET GRENACHE (À DROITE). Le 18 septembre 2012, sur la parcelle d'essai du château Duvivier, dans le Var, le grenache est très attaqué par le mildiou, au point que les ceps sont partiellement défoliés, contrairement au 9273, dont le feuillage est intact. Ce cépage, obtenu par l'Inra, donne d'intéressants rosés, comme deux autres cépages issus du même géniteur.
Nom de code : 7489. Cet hybride vit depuis des lustres à l'Inra de Bordeaux (Gironde). « On ne connaît pas son origine génétique. Mais il présente une bonne résistance au mildiou et à l'oïdium », constate Louis Bordenave, de l'institut girondin. Son croisement avec différentes variétés de raisins de table a conduit à l'inscription de quatre variétés destinées aux particuliers – le perdin, l'amandin, le candin et l'aladin.
L'Inra a également croisé cet hybride avec des variétés de cuve. Il a ainsi obtenu de nombreux descendants restés dans les oubliettes jusqu'à ce qu'un chercheur suisse, Pierre Basler, s'y intéresse. En 1997 et 1999, ce dernier a planté vingt-six de ces hybrides pour les observer au château Duvivier, à Pontevès (Var), un domaine conduit en bio.
Plantation dans une parcelle difficile
En 2002, il en retient cinq, les plus intéressants vis-à-vis de la tolérance au mildiou et à l'oïdium et de la qualité du vin. Ce sont tous des cépages noirs. En 2004 et 2005, le château Duvivier les plante sur un demi-hectare, avec du villard noir, un cépage reconnu pour sa résistance aux maladies, et du grenache, un cépage sensible. « Nous avons implanté l'essai dans notre parcelle la plus sensible aux maladies, signale Antoine Kaufmann, le régisseur du château. La vigne est conduite en cordon de royat et est taillée court. Nous avons enherbé un rang sur deux avec des légumineuses. L'autre rang est travaillé. Le cavaillon est entretenu avec des interceps. Les plants se sont bien adaptés, malgré la concurrence du chiendent qui se développe dans ces terres grasses. Ils ont donné leur première récolte en 2007. »
La parcelle n'a pas reçu le moindre traitement fongicide. Un sort que les hybrides supportent très bien. « Nous n'avons jamais enregistré de perte de récolte du fait du mildiou ou de l'oïdium, sauf sur le grenache », indique Marc Chovelon, du Grab (Groupe de recherche en agriculture biologique), qui suit l'essai sur le plan agronomique. Pour autant, le feuillage n'est pas toujours indemne de mildiou. « Les années de forte pression, des taches apparaissent, mais elles se nécrosent rapidement et ne forment pas de fructifications. Il s'agit d'une réaction d'hypersensibilité de la plante », explique Marc Chovelon.
Pour l'oïdium, « on voit quelques baies avec des symptômes sur les hybrides mais pas de grappes entières attaquées, comme sur le grenache. Très rapidement, ces baies atteintes se nécrosent et tombent. Puis les autres compensent ».
Rendements intéressants
En revanche, ces cépages ne font pas obstacle au botrytis. « La pression de la maladie est faible. Malgré cela, nous avons observé en 2012 quelques baies pourries sur des grappes très serrées », rapporte Marc Chovelon. Qu'en est-il de leur comportement agronomique ? Deux des cinq hybrides « portent peu de grappes, sont très sensibles à la coulure et ne permettent de récolter que 500 à 700 g par cep », relate Marc Chovelon. Ils ont donc été écartés.
Les obtentions n° 648, 794 et 9273 portent quant à elles des rendements intéressants : entre un et trois kilos par souche pour le 648 et autour d'un à deux kilos pour le 794 et le 9273. Leur vigueur est moyenne. Le 648 et le 794 mûrissent deux à trois jours avant le grenache. Quant au 9273, il arrive à maturité avant ou après le grenache, selon sa charge.
Depuis 2007, le Centre de recherches sur le rosé de Vidauban (Var) microvinifie en rosé ces trois hybrides et les compare au villard noir et au grenache. « Les vins obtenus sont assez expressifs et fruités. Ils sont tout à fait comparables aux rosés de grenache et de syrah, estime Nathalie Pouzalgues, du Centre du rosé. Ils ne présentent pas de notes foxées, animales ou empyreumatiques. Le 9273 présente une belle rondeur et du gras. Il a plus de potentiel de couleur que le 648. »
« Ces hybrides peuvent produire des rosés clairs, dans l'air du temps, ajoute Antoine Kaufmann. En assemblage avec du grenache et du cinsault, on obtient des vins vraiment intéressants. » Le domaine s'est engagé à ne pas commercialiser les vins obtenus à partir de ces hybrides. Mais comme le Centre du rosé vinifie chaque année 100 litres de chaque cépage, le château n'hésite pas à les faire déguster à ses clients.
La Colombette se lance dans la sélection variétale
François et Vincent Pugibet, du domaine La Colombette, à Béziers (Hérault), se sont lancés dans la sélection de variétés résistantes à l'oïdium et au mildiou. Une démarche réalisée avec Valentin Blattner, viticulteur et sélectionneur suisse. Les Pugibet père et fils ont déjà planté 20 ha de cépages résistants en provenance de Suisse et d'Allemagne. Au printemps dernier, ils ont fécondé des fleurs avec des pollens sélectionnés par Valentin Blattner sur d'autres variétés résistantes. Cinq personnes, formées par le spécialiste suisse, sont venues réaliser ces délicates opérations. Au moment des vendanges, les Pugibet ont récolté les raisins pour en extraire les pépins, dont 15 000 seront mis en terre cet été. Commencera alors un long travail d'observation et de sélection des plants mené par Valentin Blattner.
La résistance aux maladies, le port, la fructification ou encore le goût des raisins seront minutieusement examinés. À l'issue de ce premier triage, quelques individus seront conservés et multipliés par greffage. Ces plants seront encore testés pendant cinq ans d'un point de vue cultural et œnologique. Seuls les meilleurs seront retenus pour la plantation en plein champ. En juin, le domaine réalisera de nouvelles hybridations sur son vignoble de cépages résistants. « Cette fois, nous allons utiliser les pollens de grenache, de syrah et de chardonnay. L'idée est d'obtenir des variétés résistantes avec des profils organoleptiques proches de nos variétés traditionnelles. » Un travail de longue haleine. Au mieux, les nouvelles obtentions issues de ces sélections pourront être plantées dans quinze à vingt ans !
Le guide technique de l'ICV
Stéphanie Chanfreau et Jacques Rousseau, respectivement ingénieure et responsable des services viticoles de l'Institut coopératif du vin (ICV), ont recensé de décembre 2011 à février 2013 les 300 cépages résistants présents en Europe. Ils ont noté la résistance vis-à-vis du mildiou et de l'oïdium de 200 d'entre eux. Ils ont également constitué une œnothèque de près de soixante vins de l'Union européenne provenant de trente-deux cépages différents.
Un jury professionnel les a dégustés et notés. « Il peut y avoir des profils sensoriels décalés. Par exemple, un cépage serbe donne une odeur de menthe poivrée assez surprenante », assure Jacques Rousseau. L'ICV a compilé toutes ces données dans un guide pratique comprenant, entre autres, 56 fiches détaillées de cépages résistants issus de huit pays d'Europe. Pour chaque cépage, elles indiquent son origine, sa phénologie, son degré de résistance au mildiou, à l'oïdium et au botrytis, ses aptitudes agronomiques, ses aptitudes technologiques et son profil sensoriel.
200 pages, 49 euros TTC (et 7 euros de frais de port). À commander sur le site de l'ICV (www.icv.fr).
