Quels sont les micro-organismes qui la composent ?
La microflore présente sur les baies est très complexe. « On trouve une multitude de levures, de bactéries (lactiques et acétiques) et de champignons filamenteux type moisissures, explique Sandrine Rousseaux, de l'Institut universitaire de la vigne et du vin Jules Guyot. Parmi les levures, Saccharomyces cerevisiae n'est pas prédominante. Sa présence est faible, voire nulle. En revanche, on trouve beaucoup de levures non Saccharomyces dont certaines vont être présentes en début de fermentation et pourront apporter de la complexité au vin. »
Est-elle très diversifiée ?
Oui, même sur des raisins sains d'apparence. Sandrine Rousseau et son équipe ont étudié les moisissures présentes sur les raisins récoltés en 2008 dans différentes parcelles de vigne en Bourgogne. Ils en ont isolé 245, dont une majorité appartenant au genre Penicillium. Ils ont fréquemment retrouvé Cladosporium cladosporioides – une moisissure très commune dans l'environnement – et Botrytis cinerea, l'agent de la pourriture grise. Ils ont également détecté des espèces qui ne l'avaient jamais été sur les raisins comme Fusarium oxysporum, Penicillium paneum, Thanatephorus cucumeris et Trichoderma koningiopsis. Dans la thèse (1) qu'il a soutenue en juillet 2012, Guilherme Martins, de l'Institut des sciences de la vigne et du vin de Bordeaux, s'est intéressé plus précisément aux bactéries, aux levures et aux champignons levuriformes présents sur les raisins de plusieurs parcelles du Libournais. Ce chercheur a identifié quarante-quatre espèces de bactéries appartenant à vingt et un genres. Les genres Pseudomonas et Micrococcus étaient les plus abondants. En revanche, il n'a identifié que huit genres de levures, signe qu'elles sont bien moins diversifiées que les bactéries. Chez les levures, Aureobasidium est le genre le plus important. Et il y a peu d'espèces fermentaires. Guilherme Martins n'a détecté des levures du genre Saccharomyces que sur une seule parcelle.
Quel est son rôle ?
Bien des micro-organismes présents sur les baies sont néfastes. C'est le cas de l'oïdium et du botrytis qui impactent la qualité sanitaire et sensorielle des vins. D'autres champignons synthétisent des mycotoxines qui peuvent avoir un effet cancérigène. C'est le cas d'Aspergillus carbonarius qui produit l'ochratoxine A. Enfin, certaines espèces de Penicillium, notamment P. expansum, peuvent produire de la géosmine, un composé qui participe aux goûts moisis terreux dans les vins. En revanche, d'autres micro-organismes ont un effet antagoniste vis-à-vis des pathogènes. C'est le cas des bactéries Pseudomonas, Acinetobacter et Pantoea, qui peuvent inhiber le botrytis. De même, parmi les levures, Aureobasidium pullulans est une espèce antagoniste du botrytis. Elle entre en compétition avec lui pour l'espace et la nourriture. Elle a également un effet sur Aspergillus et Penicillium. « Il est donc important d'avoir une microflore des baies riche pour empêcher les moisissures de se développer. Celle-ci participe à l'équilibre écologique. Si elle n'est pas là, les moisissures vont prendre la place et dégrader les fruits », note Guilherme Martins.
Comment évolue-t-elle au cours de la saison ?
Généralement, les populations sont très faibles sur les baies immatures. Elles augmentent au fur et à mesure de la maturation. Et « la microflore est encore plus importante sur les baies surmûries ou pourries », constate Sandrine Rousseaux. Dans ses travaux, Guilherme Martins ne détecte pas de bactéries lactiques et acétiques avant la maturité. Et c'est à un stade de maturité avancée qu'il met en évidence des levures fermentaires, qui restent rares. L'augmentation des populations microbiennes au cours de la maturation serait liée à l'enrichissement en sucres des exsudats de la baie.
D'où vient-elle ?
De l'environnement immédiat des grappes. « On retrouve beaucoup de micro-organismes présents sur les baies dans le sol et les écorces », rapporte Guilherme Martins. Au cours de la maturation, l'enrichissement des communautés microbiennes s'effectue probablement par le vent, les insectes, la pluie et ses projections ou encore par la poussière du sol. Autant de phénomènes qui amènent de nouvelles espèces.
Le terroir a-t-il une influence sur son abondance et sa composition ?
Oui. Guilherme Martins a étudié les communautés microbiennes des baies dans trois terroirs différents : l'un chaud et précoce, deux autres plus frais, humides et tardifs. Le cépage, le portegreffe et les pratiques culturales étaient identiques. La microflore est plus importante et plus diversifiée dans les deux terroirs tardifs. « Dans ceux-ci, l'activité de l'eau sur la baie est plus élevée. Or, ce paramètre traduit la quantité d'eau disponible pour les micro-organismes. Cela explique pourquoi il y a plus de micro-organismes dans ces terroirs », analyse le chercheur. Sandrine Rousseaux observe que le type et le nombre de micro-organismes diffèrent selon le pédoclimat, le cépage, la région et le millésime. « Que ce soit pour les levures ou les moisissures, la plupart des genres peuvent être communs d'une région à l'autre, mais les espèces seront différentes selon le millésime ou le lieu. Par exemple, pour le genre Penicillium, les espèces retrouvées ne sont pas les mêmes d'une année à l'autre. »
Les pratiques culturales ont-elles un impact ?
Oui. Dans sa thèse, Guilherme Martins a montré que les applications répétées de cuivre perturbent la microflore des raisins. En effet, plus les teneurs en résidus de cuivre sur les baies sont élevées, plus la densité, la structure et l'activité des populations de levures et de bactéries sont diminuées. L'effet dépend de la forme de cuivre utilisée. C'est le sulfate de cuivre (pur ou sous forme de bouillie bordelaise) qui a le plus d'impact. L'oxyde de cuivre est plus respectueux. L'hydroxyde de cuivre se situe entre les deux. « Cela confirme que l'usage des produits phytosanitaire doit être raisonné », insiste le chercheur bordelais.
Des Espagnols se sont aussi intéressés à ce sujet. Ils ont comparé pendant trois ans la microflore des baies de trois cépages (grenache, syrah et barbera) conduits en bio ou en conventionnel. Ils ont trouvé Saccharomyces cerevisiae sur les baies des parcelles conduites en bio quel que soit le cépage. Mais en conventionnel, ils ne l'ont retrouvée que sur un seul cépage. À l'inverse, les levures non Saccharomyces sont plus nombreuses dans les parcelles conduites en conventionnel.
En Bourgogne, le lycée viticole de Mâcon Davayé et la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire comparent trois itinéraires techniques : bio, durable et Ecophyto 2018, dont l'objectif est de réduire les intrants. « D'après une étude préliminaire réalisée en 2011, nous avons observé que l'indice de diversité de la microflore des baies était plus faible dans la partie conduite en bio et plus élevé dans la partie Ecophyto, indique Sandrine Rousseaux. Il faudra réitérer ces analyses sur plusieurs millésimes pour confirmer ou infirmer ces premiers résultats. »
(1) « Communautés microbiennes de la baie de raisin : incidence des facteurs biotiques et abiotiques. » Thèse pour le doctorat de l'université de Bordeaux II.
Les populations augmentent avec la maturation
Outre les maladies de la vigne, des moisissures, des levures - rarement fermentaires - et des bactéries vivent discrètement à la surface des baies. Certaines les protègent des attaques de pourriture grise. Beaucoup redoutent le cuivre.
Les populations sont faibles sur les baies jeunes, puis elles augmentent au fur et à mesure de la maturation. Sur les baies surmûries ou pourries, la microflore explose. L'augmentation des populations microbiennes au cours de la maturation serait liée à l'augmentation de la richesse en sucres dans les exsudats de la baie.
Une flore très complexe
Outre les maladies de la vigne, des moisissures, des levures - rarement fermentaires - et des bactéries vivent discrètement à la surface des baies. Certaines les protègent des attaques de pourriture grise. Beaucoup redoutent le cuivre.
De nombreux champignons filamenteux comme Botrytis cinerea, l'agent de la pourriture grise, font partie de la microflore des baies. On trouve aussi d'autres moisissures ainsi qu'une multitude de levures et de bactéries. Ces germes vivent en communautés, créant un biofilm à la surface des baies.
Gare au cuivre
Outre les maladies de la vigne, des moisissures, des levures - rarement fermentaires - et des bactéries vivent discrètement à la surface des baies. Certaines les protègent des attaques de pourriture grise. Beaucoup redoutent le cuivre.
LES RÉSIDUS DE CUIVRE perturbent la structure, la densité et l'activité des populations microbiennes. C'est le sulfate de cuivre qui a l'effet le plus néfaste.