DAVID RENAUD est ravi de son puits climatique, véritable climatisation naturelle pour son chai. Elle lui sert également d'aire de lavage et de fondation à un futur bâtiment.
UNE GRILLE est placée sur la prise d'air du puits canadien pour éviter que feuilles, insectes, pollen, poussières, particules… ou rongeurs puissent y entrer. PHOTOS C. FAIMALI/GFA
UN LOCAL TECHNIQUE accueille le ventilateur qui aspire l'air venant du puits pour l'envoyer dans le chai. Un bipasse (dans le cercle) permet d'aspirer de l'air extérieur sans passer par le puits canadien.
Le puits canadien repose sur une canalisation que l'on enterre dans le sol. À travers ce boyau, on achemine de l'air dans un local. En hiver, lorsque la température extérieure est inférieure à celle du sol, l'air se réchauffe avant d'entrer dans le bâtiment. En été, il se refroidit. Car à quelques dizaines de centimètres de profondeur, la température du sol reste proche de 10°C toute l'année. C'est donc idéal pour climatiser un local.
Une installation complexe
« Ce principe me plaisait, mais il a été plus complexe à réaliser que je ne le pensais », explique David Renaud, viticulteur sur 11 ha à Irancy (Yonne) et partisan du développement durable. Confronté à des contraintes topographiques (roche) et architecturales (église classée à proximité), il devait faire passer le puits canadien sur l'aire de travail située devant son chai. Or, il est déconseillé de circuler dessus avec des engins. Il a donc fallu trouver une autre solution pour réaliser son projet.
En 2011, il fait appel à la société Patrick Ceschin qui a inventé le système Blocs 2S Energy. Il s'agit de modules préfabriqués en forme d'auge (de section en U) posés dans les fondations d'un bâtiment puis recouverts d'une dalle de béton pour qu'ils constituent une canalisation. Ces blocs font ainsi double emploi : ils servent de puits canadien et de fondation.
Chez David Renaud, ils constituent en plus la ceinture d'une cuve souterraine. Celle-ci se trouve à 10 m du chai. Elle est séparée en deux : une partie récupérant les eaux de pluie, l'autre les effluents de lavage des machines viticoles. Elle est couverte d'une dalle supportant une aire de lavage de 30 m2. La ceinture de cette cuve est constituée de trois hauteurs de blocs.
Un puits canadien, une cuve, une aire de lavage et une fondation : « Nous avons réalisé un système quatre en un », résume Anthony Bardat, ingénieur chez Patrick Ceschin. Capté à côté de l'aire de lavage, l'air extérieur descend dans le puits, à 1,50 m de profondeur. Il parcourt quelques mètres en ligne droite, puis pénètre dans le niveau le plus profond de la ceinture de la cuve, en fait le tour, monte dans le niveau intermédiaire, puis dans le niveau supérieur. Après la cuve, il reste encore 20 m à parcourir pour rejoindre l'intérieur du chai. Au total, l'air parcourt 100 m linéaires dans les blocs. La partie du puits servant de fondation à un futur bâtiment se trouve sur 10 m situés entre le chai et la cuve. Le projet a coûté 30 000 euros HT. En contrepartie, il devrait permettre d'économiser 5 900 kWh par an pour le chauffage et 1 200 kWh par an pour le rafraîchissement. En sachant qu'un KWh coûtait 0,11 euro en 2012, le viticulteur a économisé 780 euros dès la première année. Et comme ce prix tend à augmenter de 5 % par an, le retour sur investissement va s'accélérer.
David Renaud explique volontiers le fonctionnement de son puits. En pinçant une sonde de température à l'intérieur du chai, il la réchauffe. Ce faisant, il déclenche la ventilation réglée pour maintenir le bâtiment à 11°C (+/- 1°C). Immédiatement, l'air frais se diffuse par la membrane microperforée accrochée au faîtage. Quant à l'air intérieur, il est chassé par des clapets situés près des portes. En hiver, deux convecteurs électriques d'une puissance totale de 3 000 watts réchauffent l'air venant de l'extérieur si besoin.
Une température constante
« J'ai visité beaucoup de chais avant de me décider. Je savais qu'il fallait veiller au risque de contamination des vins par des composés chimiques provenant des charpentes ou des gaines électriques. » Mais les risques sanitaires induits par un puits géothermique sont d'une autre nature. La vapeur d'eau présente dans l'air peut s'y condenser. Cette eau de condensation doit être évacuée pour éviter que des bactéries pathogènes ne s'y développent et polluent le bâtiment. Pour cela, le puits canadien comprend un collecteur géothermique plongeant dans le sol quelques mètres après la prise d'air. Mais chez David Renaud, il n'a pas été possible d'installer une trappe de visite à cet endroit, ni ailleurs sur l'installation pour aller vérifier que tout se passe bien ou nettoyer si besoin. « Je le regrette, mais le nettoyage reste facile », indique le viticulteur.
L'installation fonctionne depuis un an. La température du chai n'a jamais varié brusquement de plus de 5°C. Elle est restée constante tout au long de l'année, entre 13 et 18°C. David Renaud est satisfait. Il peut se concentrer sur la qualité de ses vins.
Le Point de vue de
Anthony Bardat, ingénieur dans la société Patrick Ceschin
« Un projet économique »
« Si David Renaud avait opté pour un puits climatique classique et pour une cuve en PEHD de 50 m3 pour stocker ses effluents et ses eaux de pluie – une solution classique également –, le devis pour son chantier se serait élevé à 70 000 euros. En effet, il aurait fallu compter 20 000 euros pour la cuve et 20 000 euros pour son aire de lavage en béton de 30 m2, des installations obligatoires, plus 30 000 euros pour le puits climatique. Là, nous avons réussi à faire des économies. Le chantier n'a coûté que 30 000 euros. Nous pouvons donc considérer que, dans ce cas, le puits climatique ne lui a rien coûté en plus. Il permet de maintenir les 1 180 m3 d'air de sa cuverie entre 10 et 20°C tout au long de l'année. Un bipasse permet d'alimenter le chai avec de l'air provenant du puits climatique ou de l'air pris directement de l'extérieur suivant la situation la plus favorable pour la climatisation du chai. Nous avons choisi le béton car c'est un matériau absorbant l'énergie thermique qui résiste à l'écrasement et aux mouvements des sols. On peut donc construire des bâtiments de deux étages au-dessus de nos modules assemblés directement sur le chantier. »