1. Ciblez un ou deux pays pour commencer
« Évitez de vous disperser. Concentrez vos efforts sur un ou deux pays pour commencer, recommande Pascal Barbe. Choisissez-le selon vos capacités financière, humaine, linguistique, logistique et de stockage en tiré bouché. »
Plus la destination est lointaine, plus elle est coûteuse et compliquée, et plus les formalités administratives sont contraignantes. Les experts conseillent de viser l'Union européenne, notamment l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la Belgique, dans un premier temps. Si vous êtes plus aventureux, le Brésil, l'Asie, les États-Unis et le Canada sont des pays porteurs.
2. Procurez-vous une liste d'importateurs
Vous en trouverez auprès d'Ubifrance, des chambres de commerce et d'industrie, de votre interprofession, des ambassades, des consultants… Attention, ces listes étant souvent identiques, les importateurs sont saturés de mail. Éviter un e-mailing de masse. Ciblez un ou deux importateurs dans un pays donné et contactez-le par téléphone. Avant cela, recueillez des informations à son sujet en effectuant des investigations sur internet. À partir d'un moteur de recherche, faites vos investigations en anglais. Par exemple, tapez « england wine importer » ou « korea wine importer ». Renseignez-vous également auprès des chambres de commerce étrangères.
3. Participez à un événement
Ce peut être un salon professionnel à l'étranger, (London wine fair, ProWein…) ou une mission à l'export organisée par Ubifrance, Sopexa, Sud de France ou une chambre de commerce. Les interprofessions et certains syndicats, comme celui des vignerons de Champagne, proposent à leurs adhérents des solutions clés en main. Autre voie : les salons professionnels organisés en France, (Vinexpo, Vinisud, Découvertes en vallée du Rhône…) ou les conventions d'affaires. Sud de France propose une telle convention tous les deux ans, en même temps que Vinisud. L'organisme organise aussi des rendez-vous pour des producteurs et négociants en face à face avec des acheteurs de 38 pays différents. Coût de la participation : 120 euros HT.
4. Préparez votre mission
Rédigez votre “company profile” (profil d'entreprise) en anglais au minimum », préconise Badre Mahdi. Ce document présente votre entreprise : date de création, effectif, volume, circuit de vente, gamme, chiffre d'affaires… Il détaille vos valeurs. Il doit être agrémenté de photos du domaine, du caveau, des points de vente où les vins sont distribués, etc. Prix, médailles, distinctions et revue de presse rassurent les acheteurs. Remettez-le à vos interlocuteurs et demandez-leur son équivalent. Documentez-vous aussi sur les codes culturels du pays et, avant de partir, renseignez-vous sur le marché. Ubifrance, Sopexa ou Sud de France disposent de données sur les opportunités, les obstacles et le potentiel de consommation de nombreux pays.
5. Établissez des fiches contacts
Préparez un questionnaire que vous remplirez lors de vos entretiens avec vos acheteurs et prospects. Demandez-leur la date de création de leur entreprise, le nom du propriétaire, du dirigeant, du responsable des achats, les circuits de distribution, le domaine d'activité… Inscrivez aussi l'adresse mail et le numéro de téléphone direct de vos interlocuteurs. Notez les vins qui leur ont plu, les quantités qui les intéressent, les prix et même des informations personnelles, comme le cursus scolaire de leurs enfants s'ils en ont discuté avec vous. Ces données vous aideront à les recontacter. De retour d'une mission, reprenez vos fiches de contact. Elles vous indiqueront les suites à donner à une rencontre : envoi d'échantillons, de fiches techniques, de quantités, prise de rendez-vous… N'hésitez pas à leur envoyer régulièrement vos actualités. Après une première commande, il est impératif de réaliser un bilan précis des ventes de vos vins auprès de l'importateur.
6. Soyez curieux avec vos importateurs
Votre interlocuteur est-il importateur ou agent commissionnaire ? Quels vins distribue-t-il ? Où ? À quels prix et avec quels moyens de mise en avant commerciale et marketing ? Il est impératif de poser ces questions et d'obtenir des réponses argumentées pour comprendre à qui vous avez affaire. Il faut vous méfier si vous n'obtenez pas de réponses précises. « Beaucoup de vignerons français expédient leurs vins, en Chine notamment, sans savoir où et comment ils vont être distribués, remarque Badre Mahdi. Si leur marque est mal vendue, leur image s'en trouve ternie pour longtemps. » En Asie, préférez les importateurs plutôt que les agents, dont le but est de faire des « coups ».
7. Allez sur place !
Un déplacement dans un pays est l'occasion de démarcher les revendeurs. Rencontrez des cavistes, des restaurateurs ou les enseignes de grande distribution. Informez- vous auprès d'eux sur la consommation dans le pays, l'évolution de la demande, les créneaux de prix de vente des vins, la concurrence… Ils vous indiqueront également les coordonnées de leurs fournisseurs par lesquels vous devrez passer s'ils n'achètent pas en direct. « C'est très courant aux États-Unis, s'ils aiment le vin, ils vous renvoient vers leur importateur », affirme Aurélie Lajeanne.
Autre source d'information : les magazines de luxe ou de vins. Profitez de vos déplacements à l'étranger pour aller en acheter chez un marchand de journaux. Les importateurs y font généralement de la publicité, ce qui permet de remonter jusqu'à eux.
8. Choisissez les bons importateurs
« Il est préférable de contractualiser avec un importateur qui possède une taille identique à la sienne », conseille Pascal Barbe. Ils aident les vignerons à se familiariser avec la réglementation, présentent leurs échantillons à leurs clients, organisent la promotion de leur vin, etc.
9. Calculez vos prix de ventes
Si c'est possible, établissez un prix départ cave. Si l'importateur demande un prix « free on board » (sans frais à bord), renseignez-vous auprès des transporteurs. Le calcul du prix de vente doit tenir compte des taxes à l'importation. Pour les connaître, informez-vous auprès de votre interprofession, des ambassades, des missions économiques d'Ubifrance… « Demandez à votre importateur à quel prix public les marques similaires à la vôtre se positionnent dans son pays, suggère Badre Mahdi. Demandez-lui également sa structure de prix, c'est-à-dire le coefficient multiplicateur qu'il applique et celui de ses intermédiaires. Ces informations vous aideront à vous positionner sur le marché. » Pour Pascal Barbe, le prix de vente se calcule en ajoutant 20 % au prix de revient, lequel intègre tous les frais, y compris de prospection.
10. Gare aux contrats d'exclusivité
« Un pays ne se réduit pas à un client, assène Aurélie Lajeanne. Aussi, évitez de signer des contrats d'exclusivité. Surtout dans les pays à risque comme la Chine. » Optez pour un contrat de distribution de trois ans, rééxaminable tous les ans, qui se mettra en place après une période d'essai de six mois à un an.
11. Provisionnez un budget
Pour absorber les frais engagés à l'export, provisionnez 3 à 5 % de votre chiffre d'affaires dès la première année où vous décidez d'investir. « Les retombées à l'export sont rarement immédiates, note Pascal Barbe. Il faut compter entre trois et cinq ans avant d'aboutir. Revenez sur un salon même si vous n'avez pas conclu d'affaires la première année. »
12. Assurez-vous contre les impayés
La Coface, une société d'assurance-crédit, vérifie la solvabilité des importateurs et couvre les vignerons en cas d'impayés. D'autres organismes proposent ces services. Les Vif ont créé Millésime avec Groupama. Ubifrance et les chambres de commerce et d'industrie (CCI), grâce à leur réseau dans les pays, orientent sur le sérieux ou non d'un importateur. Pour plus de sûreté, réclamez le paiement total de la commande avant l'expédition. Si la transaction est importante, exigez un crédit documentaire (garantie de paiement bancaire).
13. Demandez des aides
Certains conseils régionaux, les CCI et Oséo – un organisme qui finance les entreprises – délivrent des aides financières à la prospection export. De même, l'OCM vin prévoit une aide à la promotion dans les pays tiers, distribuée par FranceAgriMer. Mais les dossiers sont assez complexes à monter. Il existe aussi des crédits d'impôt. La Coface dispose d'une délégation de service public à l'export qui délivre des avances de trésorerie sur trois ans en fond de roulement. Ces aides sont soumises à conditions.
14. Préparez-vous à adapter votre offre
Dans un premier temps, présentez vos vins tels quels. L'importateur vous demandera, si nécessaire, d'en modifier l'habillage, voire le profil, pour plaire au marché local. Soyez prêts ! Dans tous les cas, n'omettez pas de déposer votre marque auprès de l'Institut national de la propriété industrielle en France et dans les pays où vous souhaitez exporter.
15. Se regrouper ? Pas forcément…
Mieux vaut, au départ, démarrer seul, recommandent nos trois experts. En revanche, ils conseillent de partager un stand sur les salons avec des vignerons dont l'offre est complémentaire à la vôtre. Avoir recours à un volontariat international en entreprise peut aussi alléger la tâche de prospection.
Le Point de vue de
Emmanuelle Fragnaud, conseillère développement international à la chambre de commerce et d'industrie d'Aquitaine
« Une journée pour savoir si les vignerons sont prêts »
« Nous proposons des sessions de sensibilisation à l'export pour les vignerons qui n'ont jamais exporté ou qui réalisent moins de 10 % de leur chiffre d'affaires hors de France. Ces sessions durent une journée et coûtent 25 à 50 euros par participant. Nous amenons les vignerons à s'autodiagnostiquer en répondant à plusieurs questions : pourquoi veulent-ils exporter ? Où ? De quelles capacités financière, humaine et matérielle disposent-ils ? S'ensuit un module sur les dispositifs à l'export : les organismes à connaître, les aides, les missions de prospection, les salons… Puis nous aidons les participants à mettre en place des outils : création d'un fi chier prospect, élaboration d'un tarif, de fiches techniques, d'argumentaires et de plaquettes. Nous abordons aussi la négociation, les contrats de vente, les modes de règlement, les frais de douane, etc. Pour finir, nous établissons gratuitement un diagnostic. S'il est positif, nous proposons à ces vignerons des rencontres avec des acheteurs à l'étranger, en partenariat avec Ubifrance. Le coût : 2 000 euros pour trois jours tout compris en Asie, par exemple. Actuellement, nous testons un dispositif de suivi des contacts pour les primo-exportateurs. Après une mission, un consultant se rend sur leur exploitation pour les aider à élaborer ce suivi auquel ils devront consacrer quelques heures par semaine. Ce service coûte 300 euros »
Le Point de vue de
Sébastien Andrieux, chef du service vins, spiritueux et boissons à Ubifrance
« Nous organisons des rencontres sur le terrain avec des experts et des acheteurs »
« Chaque année, nous organisons une quarantaine de rencontres dans le monde, entre des acheteurs et des producteurs français, prioritairement vers les marchés de proximité : Royaume-Uni, Belgique, Allemagne… La plupart d'entre elles sont donc accessibles aux primo-exportateurs. Ces rencontres se déroulent en général sur une à deux journées.
Elles comprennent une présentation du marché par des experts et des acteurs du marché, la visite de points de vente pour se rendre compte du réseau de distribution et, enfin, la dégustation des vins des participants par des acheteurs et des prescripteurs que nos experts de nos bureaux à l'étranger ont sélectionnés : importateurs, distributeurs, cavistes, sommeliers, journalistes spécialisés, restaurateurs, etc. Pour cette dégustation, nous préparons un catalogue des exposants avec un carnet de dégustation. Le vigneron n'a donc qu'à s'installer à sa table sur laquelle tout est déjà disposé : bouteilles, ice-bags, crachoirs, signalétique du vigneron, verres, etc. Nous pouvons mettre un interprète à sa disposition pour toute la durée de la dégustation. Pour une telle mission en Europe, il faut compter de 850 à 1 100 euros HT, auxquels s'ajoutent les frais d'envoi des échantillons (20 euros le carton de six), d'hôtel et d'avion. Nous pouvons aussi organiser des missions de prospection individuelle. »