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VIGNE

Oïdium : une protection sans faille en 2013

Florence Jacquemoud - La vigne - n°252 - avril 2013 - page 34

Pour éviter de subir les mêmes échecs qu'en 2012 dans la lutte anti-oïdium, les conseillers viticoles se mobilisent. Voici leurs principales recommandations.
FACE À LA MONTÉE DE LA RÉSISTANCE de l'oïdium aux fongicides de la famille des QoI, la note nationale sur les maladies de la vigne préconise de n'en appliquer qu'une seule fois au cours de la saison. © C. WATIER

FACE À LA MONTÉE DE LA RÉSISTANCE de l'oïdium aux fongicides de la famille des QoI, la note nationale sur les maladies de la vigne préconise de n'en appliquer qu'une seule fois au cours de la saison. © C. WATIER

PREMIER TRAITEMENT : Le Midi va démarrer tôt

L'an passé, la coopérative des Vignerons du Narbonnais (Aude) a déclassé 30 % de ses parcelles à cause de l'oïdium. Même des viticulteurs pourtant très professionnels, référents dans la profession, ont été pénalisés. Patricia Courserand, responsable technique de la cave, conseille donc de commencer les traitements sur chardonnay plus tôt qu'en 2012, au maximum au stade 3-4 feuilles étalées, si les conditions météo le permettent. Il ne s'agit pas de traiter plus mais de traiter mieux, en respectant les doses et les cadences. « Nous préconisons de débuter avec des produits de la famille des IDM, indique-t-elle, mais de ne pas utiliser de QoI ou alors associés à d'autres matières actives. »

Dans le bassin ardéchois, également très touché en 2012, l'union de coopératives UVICA conseille aussi à ses adhérents de commencer les traitements tôt, à 5-6 feuilles étalées, notamment sur chardonnay, pinot et gamay, avec des produits curatifs comme la spiroxamine ou la métrafénone, en respectant les cadences indiquées par les fabricants et un passage au maximum tous les deux rangs. « L'année dernière, les vignerons qui ont eu des soucis étaient ceux qui avaient attaqué les traitements trop tard », fait remarquer Alexandre Deborne, le responsable technique de l'UVICA.

Peu ou prou, tous les techniciens du bassin Rhône-Méditerranée (Languedoc-Roussillon, Paca et Rhône-Alpes) prodiguent les mêmes conseils. Ils préconisent d'intervenir dès 2-4 feuilles étalées sur les parcelles à drapeaux de type carignan, de préférence avec un produit à base d'IDM (ex-IBS) ou de spiroxamine. Dans les parcelles non concernées par les symptômes drapeaux mais historiquement sensibles, les techniciens recommandent un démarrage à 5-6 feuilles étalées et à 10-12 feuilles étalées pour les autres situations. Ensuite, au cours de la saison, « si la pression est forte, nous conseillons toujours de réduire les cadences », affirme Emmanuel Rouchaud, le responsable du service viticulture oenologie à la chambre d'agriculture de l'Aude.

À l'inverse, d'autres régions de France s'en tiennent aux préconisations habituelles. C'est le cas de la Champagne. Bien que la région ait été fortement touchée par l'oïdium en 2012, le CIVC ne propose pas de traiter plus tôt. « Il n'est pas utile de démarrer avant 10 feuilles étalées sur les parcelles sans problème et avant 7-8 feuilles étalées sur les parcelles sensibles, assure Marie-Pierre Vacavant, de l'interprofession champenoise. En 2012, sur le réseau Magister, qui regroupe 220 parcelles de chardonnay, 60 % des premiers traitements ont été appliqués avant le stade recommandé. Cela n'a pas été plus efficace. Quelle que soit la date de début de traitement, on retrouve globalement les mêmes niveaux de dégâts dans les parcelles qui ont posé problème. »

Même chose en Bourgogne. Florent Bidaut, technicien au Vinipôle Sud-Bourgogne, conseille un début de protection au stade 7-8 feuilles étalées, comme en 2012, avec des produits curatifs (IBS).

Dans le Bordelais, « en théorie, sur les parcelles sensibles peu atteintes, on commence au stade des grappes séparées et, pour les parcelles peu sensibles, à boutons floraux séparés, précise Stéphanie Florès, de l'Adar de Coutras. En cas de symptômes précoces, il faut vite mener une stratégie curative à base d'IDM, de spiroxamine ou de benzophénone. Dans tous les cas, surtout pour les parcelles ayant connu des échecs inexpliqués en 2012, il ne faut pas utiliser les mêmes programmes. D'où l'importance d'une bonne traçabilité de ses traitements d'une année sur l'autre. »

GESTION DES RÉSISTANCES : Un QoI grand maximum

La résistance de l'oïdium aux fongicides de la famille des QoI (azoxystrobine, krésoxim-méthyl, pyraclostrobine et trifloxystrobine) explose (voir l'article « Résistances aux fongicides » dans « La Vigne » numéro 250 de février 2013, page 28). Face à ce constat, la note nationale sur les maladies de la vigne parue le 29 mars 2013 préconise de n'en appliquer qu'un seul au cours de la saison, de préférence associé à une autre famille chimique.

Les techniciens du bassin Rhône-Méditerranée qui éditent chaque année un « Guide des vignobles » ont même pris une position plus stricte envers ces produits. « Depuis cette année, nous les déconseillons dans tous les cas, déclare Emmanuel Rouchaud. Nous respectons un principe de précaution car atteindre une résistance totale serait dangereux, mais aussi parce que nous soupçonnons les QoI d'être responsables d'échecs de traitements. »

SOUFRE POUDRE : Un atout non négligeable

Beaucoup de conseillers viticoles recommandent d'intégrer des poudrages dans les programmes. « Le soufre poudre est peu coûteux. C'est un atout si la pression est un peu forte entre deux passages classiques, sur la fin des fleurs notamment, confirme Stéphanie Florès, à Coutras (Gironde). J'aime bien également le souffre mouillable en début de traitement, particulièrement lorsqu'on est obligé de traiter très précocement, à 3-4 ou 5-6 feuilles étalées, sur les parcelles sensibles atteintes en 2012. »

En Saône-et-Loire, Florent Bidaut estime aussi que le soufre poudre est le bienvenu en période de grande sensibilité, après les fleurs, surtout après la nouaison. « Les viticulteurs peuvent intégrer un passage avec cette matière active, sept jours après un traitement. »

PULVÉRISATION : La clé de la réussite

Après les importantes attaques de 2012, la cave d'Ouveillan, dans l'Aude, a fait réaliser un audit auprès de ses adhérents par Bernard Molot, de l'Institut de la vigne et du vin (IFV). Celui-ci a conclu que 70 à 80 % des échecs des traitements étaient dus à une mauvaise qualité de la pulvérisation. En Champagne, les échecs de protection sont également liés à des problèmes de pulvérisation. Un sujet dont le CIVC fait son cheval de bataille. « Les viticulteurs doivent être conscients des limites de leur système de pulvérisation. Ils doivent tout faire pour améliorer la qualité de l'application des produits et réaliser les traitements dans de bonnes conditions de température et d'humidité relative », insiste Marie- Pierre Vacavant.

Stéphanie Florès insiste elle aussi sur la qualité de la pulvérisation qui doit toucher les deux faces des feuilles et les grappes. « Si la pression d'oïdium est forte, il est indispensable de traiter face par face. Cela prend beaucoup de temps, mais on s'y retrouve à la fin », conclut-elle.

PSO, un programme clé en main

Face à la recrudescence de l'oïdium dans le sud de la France, la Coopérative agricole Provence Languedoc (CAPL) propose son Programme sécurité oïdium (PSO).

« Il s'agit de programmes personnalisés qui tiennent compte de la parcelle, du cépage, du cahier des charges de production, des phénomènes de résistance, de l'alternance des matières actives, etc. », détaille Thierry Favier, responsable technique et développement vigne de la CAPL. Le PSO comprend cinq à huit interventions. Les équipes de terrain de la CAPL réalisent un suivi parcellaire à des dates clés et un bilan de fin de campagne. Les vignerons disposent également du bulletin Vitiscoop de la coopérative pour se tenir informés. « En 2012, 98 % de nos vignerons étaient satisfaits du PSO, affirme le technicien. Ils ont eu des récoltes parfaites sans forcément intervenir plus souvent que les autres. Peut-être même moins, car nous faisons du préventif. »

Le Point de vue de

Julien Remondat, vigneron sur 28 ha, à Valvignères (Ardèche)

« Je vais faire au moinstrois passages de plus »

Julien Remondat, vigneron sur 28 ha, à Valvignères (Ardèche)

Julien Remondat, vigneron sur 28 ha, à Valvignères (Ardèche)

« Depuis deux ou trois ans, la pression d'oïdium est de plus en plus forte, notamment sur une de mes parcelles de chardonnay. En 2012, des analyses de la chambre d'agriculture ont montré qu'elle était résistante à 100 % aux QoI et aux IDM. Depuis mon installation il y a dix ans, je pratiquais chaque année deux passages de chacune de ces deux matières actives, en les alternant. L'année dernière, j'ai même resserré les cadences de traitement à treize jours, mais j'ai quand même eu de l'oïdium. Il faut dire que la météo de mai, peu ensoleillée, humide et avec des températures fraîches, a particulièrement favorisé la maladie. Cette année, je vais complètement revoir mes traitements et éliminer tout QoI. Je commencerai avec deux soufres mouillables, l'un au maximum à 4-5 feuilles étalées et peut-être un autre dix à quinze jours avant, car j'ai trouvé de l'oïdium sur les bois. Cela me permettra aussi de lutter contre l'excoriose.

Ensuite, j'ai prévu de faire un passage de spiroxamine, puis un autre d'un mélange d'IDM-quinoxyfène suivi d'un passage de métrafénone, d'un passage d'IDM composé d'une autre matière active que le tébuconazole que j'utilisais auparavant et un dernier passage de quinazolinones (proquinazid). Je rajouterai peut-être aussi d'autres poudrages de soufre après la chute des capuchons floraux et à la nouaison. Cela me fera au moins trois passages supplémentaires et me coûtera plus cher, mais j'espère m'assurer ainsi une belle vendange. »

Le Point de vue de

Francis Taillades, viticulteur sur 40 ha, à Ouveillan (Aude)

« Traiter dès 2-3 feuilles étalées sur chardonnay »

Francis Taillades, viticulteur sur 40 ha, à Ouveillan (Aude)

Francis Taillades, viticulteur sur 40 ha, à Ouveillan (Aude)

« En 2012, la très forte pression en oïdium sur la région a montré que, même en étant vigilant et pointu, on pouvait se faire dépasser à tout moment. Malgré sept interventions, dont deux QoI en encadrement de fleurs, j'étais à la limite de la rupture sur certaines parcelles. Cette année, je vais commencer plus tôt sur mes 7 ha de chardonnay, au stade de 2-3 feuilles étalées, avec un traitement à base d'un IDM très costaud : le tébuconazole. Dix à quinze jours après, à 5-6 feuilles étalées, je ferai un deuxième passage sur l'ensemble de mes cépages. Je prévois six traitements sur chardonnay, auxquels je rajouterai si besoin un poudrage au soufre à la floraison, et cinq sur les autres vignes. J'alternerai la spiroxamine, la spiroxamine et le tébuconazole associés, la métrafénone et le proquinazid, selon la végétation. Mais j'éviterai les QoI, ou alors je ne mettrai que ceux associés à une autre matière active. Même sur de jeunes vignes que je commence tout juste à récolter, j'ai eu de l'oïdium sur des grappes. Il était résistant aux QoI. »

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