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VIGNE

Nouvelles connaissances sur la flavescence dorée

Christelle Stef - La vigne - n°252 - avril 2013 - page 40

Lors de la onzième journée technique du CIVB, le 5 février dernier, l'Inra de Bordeaux a fait le point sur ses dernières découvertes sur la flavescence dorée. Voici ce qu'il faut en retenir.
SYMPTOMES DE LA MALADIE sur cépage blanc. Les feuilles s'enroulent, deviennent rigides et jaunissent. © J.-B. LAFFITTE

SYMPTOMES DE LA MALADIE sur cépage blanc. Les feuilles s'enroulent, deviennent rigides et jaunissent. © J.-B. LAFFITTE

CÉPAGES : Le cabernet plus sensible que le merlot

Sur le terrain, la flavescence dorée s'exprime plus ou moins selon les cépages. Pour en savoir plus, les Inra de Bordeaux, en Gironde, et de Colmar, dans le Haut-Rhin, ont effectué des prélèvements dans des parcelles de merlot et de cabernet-sauvignon, deux cépages au comportement opposé vis-à-vis de la maladie. « Le merlot exprime moins les symptômes que le cabernet-sauvignon. Dans les parcelles où les deux cépages sont plantés, il est moins fréquemment atteint que le cabernet- sauvignon », rapporte Sylvie Malembic-Maher, de l'Inra de Bordeaux.

Est-ce un hasard ? Non. En effet, l'Inra a observé qu'il y a moins de phytoplasme (l'agent responsable de la flavescence dorée transmis par la cicadelle Scaphoideus titanus) dans les merlots infectés que dans les cabernet-sauvignons. Les chercheurs ont lâché des S. titanus pour inoculer le phytoplasme à des plants de merlot et de cabernet-sauvignon dans des serres confinées. Les résultats montrent que l'agent infectieux se multiplie cent fois moins vite dans les plants de merlot. Ce cépage est-il résistant au phytoplasme ? Attire-t-il moins la cicadelle car ses feuilles sont moins appétantes ? Pour tenter de répondre à ces questions, les chercheurs vont mener d'autres tests. Ils vont également étudier d'autres cépages. « On sait que la syrah, comme le merlot, exprime peu les symptômes. À l'inverse, le chardonnay, comme le cabernet sauvignon, est plus sensible », précise la scientifique.

PORTE-GREFFES : Pas de symptômes sur le 5 BB et le 41 B

Sylvie Malembic-Maher rappelle que des travaux anciens ont montré que certains portegreffes n'expriment pas les symptômes de la flavescence dorée. « Sur les porte-greffes, les symptômes se caractérisent par un retard de débourrement et de croissance ainsi que par un non-aoûtement des bois. Le 3309 et le fercal expriment ces deux symptômes, alors que le 5 BB et le 41 B ne les extériorisent pas. Le SO4 et le 110 R peuvent les exprimer dans certains cas, mais pas dans d'autres », explique-t-elle. Les chercheurs vont donc travailler sur différents assemblages avec des porte-greffes et des cépages tolérants à la flavescence pour voir comment se comportent les plants face à l'infection.

VIGNES SAUVAGES : Un réservoir d'inoculum

Sur les bords de la Garonne et de la Dordogne, les repousses de porte-greffes ensauvagés sont fréquentes. « Autrefois, les viticulteurs pratiquaient beaucoup de greffage sur place et ils jetaient les bois en bordure des vignes. Ceux-ci ont poussé dans les zones humides et ont proliféré sous la forme de lianes », indique Sylvie Malembic-Maher. Or, en bordure de Garonne, les viticulteurs ont du mal à contrôler les foyers de flavescence dorée malgré les traitements insecticides obligatoires contre le vecteur. La présence de ces repousses de porte-greffes en est la cause. Celles-ci expriment peu ou pas les symptômes de la flavescence dorée, mais peuvent héberger le phytoplasme et servir de refuge pour S. titanus. Les analyses de l'Inra de Bordeaux montrent ainsi que 30 % des repousses de porte-greffes prélevés sont infectées par le phytoplasme de la flavescence dorée. Et, les chercheurs y ont collecté d'importantes populations de la cicadelle vectrice. « Ces porte-greffes ensauvagés constituent un réservoir de la maladie », insiste la scientifique. Il faudrait les éliminer, ce qui n'est pas aisé.

ORIGINE DE LA MALADIE : Les États-Unis hors de cause

Pendant longtemps, on a pensé que le phytoplasme de la flavescence dorée avait été importé des États-Unis avec son vecteur, la cicadelle S. titanus. Mais de récentes découvertes montrent qu'il était déjà présent en Europe, hébergé dans des plantes sauvages comme la clématite et l'aulne. L'introduction de S. titanus a simplement permis sa transmission efficace de vigne en vigne.

Les chercheurs de l'Inra ont analysé plus de trois cents échantillons de plantes et d'insectes vecteurs de phytoplasmes prélevés dans différents pays européens. Ils ont constaté que près de 80 % des aulnes sont porteurs de phytoplasmes proches de celui de la flavescence dorée, bien que n'exprimant pas de symptômes. Dans 3 % des cas, ils portent les phytoplasmes responsables de la flavescence dorée. De même pour les clématites sauvages. Les chercheurs ont également montré que la cicadelle de l'aulne Oncopsis alni et le fulgore Dictyophara europaea pouvaient transmettre le phytoplasme de la flavescence à la vigne. « Mais ces insectes ne piquent qu'occasionnellement la vigne, car ils ne s'en nourrissent pas, observe Sylvie Malembic-Maher. Les risques qu'ils lui transmettent la flavescence dorée sont faibles. Ce n'est pas la peine d'arracher les aulnes ou les clématites en bordure des vignes. »

PHYTOPLASME : Une bactérie simplifiée

Le phytoplasme de la flavescence dorée porte « un petit génome », rapporte Sylvie Malembic-Maher. En fait, les phytoplasmes seraient des bactéries qui ont perdu une partie de leurs gènes, notamment ceux codant pour la synthèse des parois.

Les chercheurs ont aussi montré qu'il y a trois groupes génétiques de phytoplasme de la flavescence dorée en Europe. Le groupe FD1 est concentré dans les vignobles du sud-ouest de la France. La souche FD2 est majoritaire dans toute la France. La souche FD3 n'est pas présente en France, mais en Italie et dans les Balkans.

Pourquoi cette répartition ? Les souches FD2 sont-elles plus virulentes ? Sont-elles transmises plus efficacement par S. titanus ? Non, d'après l'Inra. « La différence de répartition s'expliquerait plutôt par une dispersion à grande échelle de plants contaminés par la souche FD2, relayée localement par l'insecte vecteur », analyse Sylvie Malembic- Maher.

À partir de l'automne prochain, la prospection des vignes sera obligatoire

Un nouvel arrêté encadrant la lutte obligatoire contre la flavescence dorée et son vecteur sera publié prochainement au Journal officiel. Le ministère de l'Agriculture l'a annoncé au conseil spécialisé des vins de FranceAgriMer.

Ce texte devrait rentrer en vigueur à l'automne prochain et remplacera l'arrêté du 9 juillet 2003. « Il vise à renforcer la lutte contre la maladie qui est en recrudescence sur tout le territoire français », justifie Nicolas Canivet, le chef de bureau des semences et de la santé des végétaux à la direction générale de l'alimentation du ministère de l'Agriculture. Deux grands changements sont prévus. Premièrement, les périmètres de lutte obligatoire seront plus larges et, au sein de ces périmètres, les propriétaires auront pour obligation de prospecter ou de faire prospecter leurs vignes sous le contrôle d'un organisme à vocation sanitaire, c'est-à-dire une Fredon. Second changement, le recours plus fréquent au traitement à l'eau chaude pour améliorer les garanties sanitaires des bois et plants de vigne. Ainsi les préfets pourront le rendre obligatoire pour tout le matériel végétal entrant dans les périmètres de lutte obligatoire. Dans les vignes mères de greffons situées en dehors d'un périmètre de lutte, les pépiniéristes auront la possibilité de ne plus faire les trois traitements insecticides obligatoires, à condition de traiter les greffons à l'eau chaude. Dans les vignes mères de porte-greffes, les pépiniéristes seront autorisés à ne faire qu'un seul traitement insecticide (à l'occasion duquel ils pourront utiliser Pyrévert) sous réserve de traiter ensuite les bois des portes-greffes à l'eau chaude. Cette mesure leur ouvre la possibilité de mettre en place une filière de plants bios.

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