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VIGNE - TECHNIQUE À L'ÉPREUVE

Le procédé Vignalex « Une nouvelle conception de la gestion des déchets du domaine »

Martin Caillon - La vigne - n°252 - avril 2013 - page 44

Avec ce système, Fabrice Dubourdieu élimine ses effluents de cave, ses rafles et ses marcs en réalisant un compost de grande valeur.
La plateforme de compostage est couverte et ouverte. L'activité fermentaire du compost ne génère aucune mauvaise odeur. PHOTOS M. CAILLON

La plateforme de compostage est couverte et ouverte. L'activité fermentaire du compost ne génère aucune mauvaise odeur. PHOTOS M. CAILLON

Des sprinklers arrosent chaque jour la surface du compost.

Des sprinklers arrosent chaque jour la surface du compost.

Le chariot de retournement est installé sur un pont roulant. Il se déplace automatiquement. Les godets de la noria remontent le substrat et le déversent vers l'arrière. Un tuyau arrose le compost d'effluents en simultané.

Le chariot de retournement est installé sur un pont roulant. Il se déplace automatiquement. Les godets de la noria remontent le substrat et le déversent vers l'arrière. Un tuyau arrose le compost d'effluents en simultané.

La cuve d'effluents de cave est semi-enterrée. Elle dessert le réseau d'arrosage du compost fixé sur le chariot. Deux compteurs, placés en sortie de la cuve (photo en médaillon) et du cuvon de reprise des lixiviats, mesurent la quantité d'effluents utilisés.

La cuve d'effluents de cave est semi-enterrée. Elle dessert le réseau d'arrosage du compost fixé sur le chariot. Deux compteurs, placés en sortie de la cuve (photo en médaillon) et du cuvon de reprise des lixiviats, mesurent la quantité d'effluents utilisés.

Sarments et déchets verts constituent les premiers déchets mis à composter. D'autres (résidus de tonte, paille, rafles et marcs) seront ajoutés en cours de saison.

Sarments et déchets verts constituent les premiers déchets mis à composter. D'autres (résidus de tonte, paille, rafles et marcs) seront ajoutés en cours de saison.

Cette plateforme bétonnée sera couverte en 2015 pour doubler la capacité de compostage. En attendant, elle sert d'aire de stockage de sarments. Ils seront intégrés progressivement au compost pour compenser les 30 à 50 % de pertes de volume causés par la fermentation.

Cette plateforme bétonnée sera couverte en 2015 pour doubler la capacité de compostage. En attendant, elle sert d'aire de stockage de sarments. Ils seront intégrés progressivement au compost pour compenser les 30 à 50 % de pertes de volume causés par la fermentation.

« Vignalex traite de manière automatisée et sur place l'ensemble des déchets du domaine. C'est une nouvelle conception de la gestion des déchets. Et il génère un compost qui couvre 90 % de nos besoins », annonce Fabrice Dubourdieu, directeur technique du Clos Floridène, à Pujolssur- Ciron (Gironde).

Le domaine, qui produit 1 300 hl de vin sur 38 ha en AOC Graves, accueille depuis 2011 le site pilote du Vignalex. Ce dernier comprend une plateforme de compostage couverte, dotée d'un système automatisé de retournement et d'arrosage, ainsi qu'une cuve de stockage des effluents de chai. L'investissement s'élève déjà à 85 000 euros, dont 40 % d'aides de l'Ademe. Une seconde tranche, prévue en 2015, coûtera 50 000 euros de plus, soit 135 000 euros pour la totalité du projet. À ce prix, Fabrice Dubourdieu espère un retour sur investissement au bout de dix ans. Sans subvention, il en aurait fallu dix-huit. Vignalex est développé par l'entreprise girondine Souslikoff depuis 2005. Mais son histoire débute neuf ans plus tôt, quand Souslikoffrachète le brevet d'un système artisanal conçu par Jean Vignolle dans son jardin. En 2002, la chambre d'agriculture de Gironde montre que l'appareil peut servir à composter des sarments. En 2011, Vignalex est homologué pour le traitement des effluents phytosanitaires par compostage. Fin 2012, il est agréé pour le traitement des effluents de caves

Cycle de compostage d'un an

Un parcours d'obstacles. « Il a fallu qu'un expert démontre que le système ne génère que de la vapeur et qu'il respecte ainsi la loi sur l'eau, déplore Fabrice Dubourdieu. On nous a aussi dit qu'en compostant les marcs, nous allions désorganiser tout le système des distilleries. Finalement, nous avons obtenu une dérogation pour cela. »

Un cycle de compostage dure une année. Tout commence vers la fin février, avec le ramassage des sarments à l'aide d'un broyeur récupérateur. Cette année, l'appareil a broyé une vingtaine d'hectares en moins de dix jours. Ce qui a permis aux ouvriers de remplir l'aire de compostage (60 m2 au sol) sur deux mètres de hauteur. Ils y ont ajouté des déchets verts et ont stocké le reste des sarments sur la plateforme bétonnée attenante au Vignalex, construite en vue de son extension prochaine.

Sitôt le bâtiment plein, Fabrice Dubourdieu actionne l'arrosage. Des asperseurs installés de part et d'autre du tas de sarment l'aspergent alors avec les effluents de cave pompés depuis la cuve jouxtant le bâtiment. Deux jours plus tard, le tas commence à fermenter. Sa température atteint vite 70°C. Un arrosage intermittent, programmé quotidiennement, permet de l'abaisser et d'entretenir la fermentation.

Le premier retournement a lieu quelques jours plus tard afin d'homogénéiser le substrat. L'opération, automatisée, est réalisée par une noria de godets en douze heures. Durant le retournement, chaque mètre cube de compost reçoit 40 litres d'effluent. Cet arrosage s'ajoute aux 20 litres aspergés quotidiennement sur le tas.

En cours de saison, les sarments stockés hors du Vignalex, déchets verts, résidus de tonte et un peu de paille issue de parcelles en jachère, seront ajoutés au compost. Au moment des vendanges, ce sera au tour des rafles et des marcs. Tous ces apports dynamiseront les micro-organismes.

2 à 2,5 tonnes par hectare

Le compostage dure toute l'année, au rythme d'un retournement toutes les deux semaines. Chaque semaine, un opérateur contrôle la température du tas. Enfin d'année, après une douzaine de retournements, le clos Floridène obtient un compost riche en humus, à raison de 2 à 2,5 tonnes par hectare de vigne. Il cesse l'apport d'effluents deux mois avant son épandage, lequel a lieu en janvier et février. Vignalex atteindra sa pleine capacité de production en 2015. À cette date, le Clos Floridène prévoit l'agrandissement de son chai pour y vinifier 800 hl de blanc en plus de ses 500 hl de rouge. La seconde moitié du bâtiment sera alors couverte pour accueillir les sarments, les déchets et les effluents des 38 ha du domaine. « Il faudra avoir une gestion rigoureuse de l'eau au chai, anticipe Fabrice Dubourdieu. Car nous élevons les vins en barriques, ce qui génère entre deux et trois litres d'effluents par litre de vin. » En effet, il ne faudrait pas que la production d'effluents de cave dépasse la capacité de digestion du Vignalex. Pour cela, le Clos Floridène réfléchit notamment à des solutions pour nettoyer ses barriques en produisant moins d'effluents.

Le Point de vue de

Maxime Christen, chambre d'agriculture de Gironde

« Un projet séduisant si on raisonne globalement »

Maxime Christen, chambre d'agriculture de Gironde

Maxime Christen, chambre d'agriculture de Gironde

« Le Vignalex est un système original qui permet de traiter les effluents de cave tout en valorisant les déchets organiques. Il produit un compost intéressant, à la fois riche en humus et pauvre en azote. Il fonctionne en circuit fermé, n'entraîne aucun rejet vers l'extérieur et détruit le potentiel infectieux des sarments en termes de maladies du bois. L'automatisation du Vignalex permet de produire du compost en seulement un an. C'est moitié moins qu'avec un système traditionnel sur une aire bétonnée non couverte où le tas est retourné avec un chargeur. Le système est toutefois limité par la capacité d'absorption des effluents par les sarments. Les exploitations qui produisent beaucoup d'effluents devront soit en réduire la quantité, soit trouver des sarments ou une autre source de déchets à l'extérieur. L'investissement est aussi lourd et sans doute réservé à ceux qui ont des moyens. Si on veut simplement produire du compost, il est rédhibitoire. Mais si on raisonne globalement, le projet est séduisant. Et son bilan carbone excellent. »

Cet article fait partie du dossier

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LE TÉMOIN Fabrice Dubourdieu

35 ans.

Ingénieur oenologue.

Depuis 2003 : responsable technique des cinq domaines Denis Dubourdieu (clos Floridène et châteaux Doisy-Daëne, Cantegril, Reynon et Haura, en Gironde).

Clos Floridène : 38 ha en AOC Graves, 15 ha en rouge et 23 ha en blanc, sur les communes de Pujols-sur-Ciron et Illats (Gironde).

70 % des ventes à l'export.

LE COMPOST PRODUIT EXPÉRIMENTATION 2011

Richesse en matière organique : 73,4 % (sur sec)

Indice de stabilité de la matière organique : 96 %

Teneurs en azote (N), phosphate (P2O5) et potasse (K2O) : inférieures à 3 %

C/N (rapport carbone sur azote) : 18,8

Critères agronomiques conformes à la norme NFU 44-051 (amendements organiques)

LE BILAN

Avantages

Traitement de tous les déchets organiques sur place.

Production de compost.

Lutte contre les maladies du bois.

Inconvénients

Coût de l'installation.

Gestion rigoureuse de l'eau et des effluents.

Nécessité de recharger le tas de compost en cours de cycle.

L'essentiel de l'offre

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