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VIN

Colles allergènes : Peu de risques de résidus

Grégory Pasquier - La vigne - n°252 - avril 2013 - page 52

Il y a très peu de risques de trouver des résidus d'abulmine ou de caséine au-delà du seuil à partir duquel il faut indiquer la présence de ces allergènes sur les étiquettes. Et comme ces colles sont irremplaçables, elles sont encore très utilisées.

Certains trouvent cette décision dommageable, d'autres la comprennent ou l'inscrivent dans l'air du temps. Depuis le 1er juillet 2012, les viticulteurs doivent informer sur l'étiquette les consommateurs de la présence de résidus d'oeuf ou de lait dans leurs vins lorsque ces allergènes s'y trouvent à plus de 0,25 mg/l.

0,25 mg/l d'allergène, une limite haute

Depuis cette réglementation, « les viticulteurs sont plus réticents à utiliser les colles à base d'oeuf ou de lait », constate un oenologue. Mais ils ne les ont pas abandonnées. Et pour cause : les experts se montrent rassurants. Tous ceux que nous avons interrogés indiquent qu'ils n'ont jamais trouvé de résidus d'oeuf ou de lait au-dessus du seuil de 0,25 mg/l fixé par la réglementation.

Élodie Mallet, responsable qualité du laboratoire Sarco, proche de Bordeaux, en Gironde, indique même que « 0,25 mg/l est une limite haute. Nous avons une méthode d'analyse très sensible avec un seuil de détection de 0,07 mg/l pour l'albumine. Même avec ce seuil très bas, nous ne détectons pas de résidus la plupart du temps ». Le laboratoire Sarco a également réalisé plusieurs essais de collage avec des doses très importantes d'albumine. Même constat : les vins ainsi traités n'ont jamais dépassé la limite autorisée. Cependant, Virginie Moine, directrice scientifique chez Laffort, prévient : « On n'est jamais à l'abri d'un accident. »

Albumine: numéro un pour les vins rouges de garde

Des arguments techniques plaident également en faveur de l'albumine et de la caséine. Pour Marc Dubernet, responsable technique du laboratoire Dubernet, à Narbonne (Aude), « l'albumine reste la colle la mieux adaptée pour les grands vins rouges de garde. Elle permet une bonne stabilisation de la couleur et, surtout, améliore la structure en bouche ».

Même son de cloche pour Stéphane Toutounji, œnologue-conseil à Bordeaux: « Nous avons fait plusieurs essais sur des vins rouges de garde. Aucune alternative à l'albumine n'a donné satisfaction. Elle permet d'affiner et d'équilibrer la structure tannique nettement mieux que la gélatine et les colles végétales. » Il rajoute cependant que « la gélatine ou les extraits de levures peuvent apporter une sensation différente avec des bouches plus rondes ».

Avant de coller un vin, Stéphane Toutounji teste deux ou trois types de colle pour trouver celle qui convient le mieux. « Si l'albumine est la meilleure, les viticulteurs l'utilisent, sauf s'ils ont des contraintes vis-à-vis de leur marché. »

Caséine: indispensable pour les blancs d'Alsace

En Alsace, « la caséine reste le produit le plus adapté pour le collage des vins blancs, explique Jean-Victor Thomann, directeur technique au laboratoire Immélé OEnolia. Elle corrige mieux les déviations aromatiques associées au botrytis et a un bon effet sur les polyphénols oxydés ». Des caves ont quand même dû arrêter d'utiliser la caséine à la demande de la grande distribution. Pourtant, « dans 95 % des cas, le collage à la caséine en Alsace se fait sur moût, après quoi les nombreux soutirages et les filtrations limitent le risque de retrouver des résidus dans la bouteille », précise Jean-Victor Thomann.

Des alternatives intéressantes pour les rosés

En Provence, les viticulteurs ont sollicité le Centre de recherche et d'expérimentation sur le vin rosé du Vidauban pour tester les alternatives à la caséine. « Nous avons testé des colles à base de pois, de chitine, de chitosane et de PVPP sur des rosés de presse, très colorés, avec de la structure. Ces produits se sont avérés très satisfaisants pour corriger la couleur, » observe Laure Cayla, de l'Institut français de la vigne. L'étude ne s'est pas intéressée à l'impact sur l'amertume, car les vins n'étaient pas suffisamment marqués par ce caractère. Cependant, Laure Cayla précise que « sur certains vins, la caséine reste la plus efficace pour corriger la couleur. Des viticulteurs continuent de l'utiliser car ils ne peuvent pas faire autrement ».

Des analyses encore chères

Lorsque leurs clients décident d'utiliser de l'albumine ou de la caséine, les oenologues leur donnent des conseils pour bien éliminer les résidus de colle de leurs vins. « Nous leur indiquons simplement des règles générales affirme Stéphane Toutounji. Une filtration sur terre ou tangentielle est préconisée car elles éliminent les protéines. Par la suite, le mieux est de réaliser une analyse pour vérifier l'absence de résidus. »

Pour détecter la présence d'albumine, de lysozyme ou de caséine, les laboratoires utilisent des tests immunologiques de type Elisa qui coûtent environ 100 euros par vin à analyser. Il faut deux à dix jours pour obtenir le résultat. Peu utilisés pour l'instant, ils tendent à se généraliser. Que faire s'ils s'avèrent positifs ? « Il faut étiqueter les vins pour être en règle », prévient Virginie Moine, ou « réaliser une nouvelle filtration », pour Stéphane Toutounji.

Les recommandations de l'Organisation internationale de la vigne et du vin

ALORS QUE LES COLLES À BASE D'OEUF OU DE LAIT restent souvent irremplaçables, certains viticulteurs s'orientent de gré ou de force vers des colles sans allergènes. © C. WATIER

ALORS QUE LES COLLES À BASE D'OEUF OU DE LAIT restent souvent irremplaçables, certains viticulteurs s'orientent de gré ou de force vers des colles sans allergènes. © C. WATIER

L'OIV met la dernière main à un guide des bonnes pratiques de collage avec des colles allergènes pour éviter d'en retrouver des résidus dans les vins. Voici l'essentiel de ces recommandations.

1 S'assurer de la qualité de la colle.

Elle doit être exempte de souillures et conforme à toutes les réglementations applicables.

2 Conserver la colle dans de bonnes conditions.

Les colles doivent être entreposées dans un endroit frais et sec, dans des emballages fermés ou dans les conditions recommandées par les fabricants.

3 Faire des essais au laboratoire.

Ces essais doivent reproduire autant que possible des conditions de collage au chai. Idéalement, il faut employer une colle du même lot, la préparer et l'ajouter au vin dans les mêmes conditions au laboratoire qu'au chai.

4 Limiter le volume d'eau pour réhydrater les colles.

5 Utiliser une quantité minimale de colle.

6 Bien mélanger la colle au vin ou au moût.

7 Maintenir un temps de contact suffisant entre le vin et la colle.

8 Filtrer pour éliminer les résidus de colle.

Une filtration sur terre fine et/ou sur une membrane de 0,65 μm ou moins doit être réalisée pour éliminer les protéines insolubles issues de la colle. Si le vin collé est simplement soutiré avant mise en bouteille sans filtration ou peu filtré, une analyse doit toujours être réalisée avant la mise en bouteille. Il est recommandé d'analyser les vins filtrés pour confirmer qu'aucun agent de collage résiduel ne peut être détecté.

9 Contrôler périodiquement le collage.

En général, il s'agira d'analyser un échantillon de vin pour y détecter d'éventuelles traces de résidus de colle. Des mesures correctives doivent être prises en présence de traces de colle.

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