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Magazine - Etranger

Bali : Où la vigne ne s'arrête jamais

Anne-Fleur Delaistre - La vigne - n°252 - avril 2013 - page 88

Dans cette île d'Indonésie, un entrepreneur s'est lancé dans la production de vin, faisant vivre plus de 250 familles de cultivateurs auxquels il achète du raisin. Comme la vigne n'est jamais en dormance, il récolte et vinifie toute l'année.
- AVEC LE BELGIA, un raisin blanc sélectionné en Indonésie, Hatten Wines obtient un vin proche du muscadet qu'il vend sous le nom d'Alexandria. PHOTOS HATTEN WINES

- AVEC LE BELGIA, un raisin blanc sélectionné en Indonésie, Hatten Wines obtient un vin proche du muscadet qu'il vend sous le nom d'Alexandria. PHOTOS HATTEN WINES

- PINO DE BALI. Hatten Wines produit sept vins dont un pino de Bali rouge et un blanc, imitation du pineau des Charentes, mais aussi deux effervescents, un blanc et un rosé, et des vins tranquilles (deux blancs, un rouge et un rosé).

- PINO DE BALI. Hatten Wines produit sept vins dont un pino de Bali rouge et un blanc, imitation du pineau des Charentes, mais aussi deux effervescents, un blanc et un rosé, et des vins tranquilles (deux blancs, un rouge et un rosé).

GUS RAI, 47 ans, est le propriétaire du domaine Hatten Wines, depuis presque vingt ans. Issu d'une grande famille balinaise, ses parents s'étaient déjà investis dans la production d'alcool local, l'arak.

GUS RAI, 47 ans, est le propriétaire du domaine Hatten Wines, depuis presque vingt ans. Issu d'une grande famille balinaise, ses parents s'étaient déjà investis dans la production d'alcool local, l'arak.

COMME DANS TOUS LES PAYS TROPICAUX, le cycle de la vigne est court. Un pied produit du raisin tous les 120 jours. Des vendanges ont lieu en permanence. Le raisin est trié à la main pour éliminer les baies atteintes de pourriture. Hatten Wines fait vivre 250 familles sur l'île de Bali, notamment dans le nord, une région encore très pauvre.

COMME DANS TOUS LES PAYS TROPICAUX, le cycle de la vigne est court. Un pied produit du raisin tous les 120 jours. Des vendanges ont lieu en permanence. Le raisin est trié à la main pour éliminer les baies atteintes de pourriture. Hatten Wines fait vivre 250 familles sur l'île de Bali, notamment dans le nord, une région encore très pauvre.

DEPUIS 2002, le domaine produit un rosé pétillant, le Jepun, et un blanc pétillant, le Tunjung, selon la méthode traditionnelle. Il en vend 40 000 bouteilles par an, entre 30 à 40 euros le col. Les deux vins vieillissent entre huit et douze mois.

DEPUIS 2002, le domaine produit un rosé pétillant, le Jepun, et un blanc pétillant, le Tunjung, selon la méthode traditionnelle. Il en vend 40 000 bouteilles par an, entre 30 à 40 euros le col. Les deux vins vieillissent entre huit et douze mois.

À Bali, on cultive la vigne d'abord pour la production de raisin de table. Dans les années 1970, des agriculteurs du nord de l'île ont planté des pieds de raisin noir pour satisfaire les besoins de fruits frais utilisés pour les offrandes aux dieux sur cette terre hindouiste.

La production de vin n'intervient qu'en 1994. À cette époque, un oenologue français, Vincent Desplat, s'allie à Gus Rai, un Balinais diplômé en agriculture, pour créer Hatten Wines. Les parents de Gus Rai produisaient depuis les années 1960 de l'alcool local, l'arak, dont ils faisaient commerce à Bali. Ils connaissaient par conséquent l'industrie de l'alcool et possédaient les licences requises. La loi sur l'alcool est très stricte en Indonésie, le plus grand pays musulman du monde, et s'applique aussi à Bali, bien qu'hindoue, où l'alcool est pourtant consommé depuis toujours.

Les deux hommes achètent les raisins noirs alfonse-lavallée à des cultivateurs de la région de Singaraja, au nord de l'île, pour produire du vin rosé. « Nous avons d'abord choisi le rosé, car c'est un vin d'été que les touristes apprécient sous les chaleurs balinaises », raconte Gus Rai.

Aujourd'hui, l'entreprise familiale Hatten Wines fait vivre plus de 250 familles : 90 employés à la cave et au magasin ainsi que les petits producteurs de raisin. Hatten Wines, qui vient d'acquérir 10 ha, totalise 34,5 ha de vignes en propre et achète le raisin sur une centaine d'hectares aux petits producteurs. « Nous n'avons jamais comptabilisé le nombre d'hectares de vignes des agriculteurs à qui nous achetons le raisin. Ce sont de petites parcelles », observe Gus Rai.

Une terre riche et volcanique

Sur cette terre riche et volcanique, plantée à 1 000 pieds par ha, Hatten Wines a diversifié sa production depuis une décennie. En sus de l'alfonse-lavallée, l'entreprise produit du belgia, un raisin vert, fruit de recherches du ministère de l'Agriculture indonésien.

Avec le belgia, « nous faisons un vin blanc proche du muscadet que nous dénommons Alexandria », expose l'oenologue australien James Kelleske qui a remplacé le Français Vincent Desplat.

Ce cépage est planté sur les terres de Gus Rai. Les agriculteurs ne souhaitent pas le cultiver, car il ne se vend pas pour sa consommation en fruit. En effet, ils gardent en mémoire le caractère conjoncturel de la vente de vin. En 2002, les attentats de Bali qui ont causé la mort de 202 personnes ont fait fuir les touristes, et chuter la consommation de vin. Hatten Wines s'était alors tourné vers l'export.

Aujourd'hui, l'entreprise a retrouvé son marché local : hôtels, restaurants, mais aussi vente directe à la cave. Sa production dépasse 800 000 bouteilles par an. En boutique, elle vend ses vins 10 euros la bouteille de rosé et 12 euros la bouteille de blanc. Dans les restaurants de Bali, on les trouve entre 18 et 21 euros le col. Ces prix sont bien inférieurs à ceux des vins d'Australie, de France ou d'Amérique Latine, lesquels supportent des taxes élevées à l'importation.

« Nous ne subissons pas vraiment de concurrence directe, car nous ne sommes pas dans la même catégorie que les vins français ou australiens. Nos prix sont très attractifs pour les touristes », analyse Maryse Laroque, responsable commerciale et communication d'Hatten Wines. Surtout, relève la jeune femme, « les Indonésiens qui méprisaient les produits locaux montrent aujourd'hui un plus grand intérêt pour nos vins ». Ceux qui ne juraient que par les bouteilles australiennes commencent à regarder avec attention la production d'Hatten Wines.

Néanmoins, « le vignoble subit la concurrence des vins qui se revendiquent comme étant pro produits à Bali alors qu'ils sont en réalité obtenus à partir de moûts importés d'Australie, fermentés puis mis en bouteille à Bali. Ainsi, ils évitent la taxe à l'importation et peuvent proposer des produits compétitifs. Mais ce ne sont pas de vrais vins balinais », insiste Maryse Laroque.

2,8 récoltes chaque année par parcelle

Comme dans tous les pays tropicaux, la vigne pousse sans interruption. Son cycle est court. Un pied produit du raisin tous les 120 jours. Chaque parcelle donne 2,8 récoltes par an et c'est en permanence que les vendanges ont lieu. Hatten Wines achète les raisins aux petits producteurs. « Nous faisons du vin chaque semaine : nous disposons d'un petit pressoir et de douze cuves qui sont continuellement utilisées », relève James Kalleske, l'oenologue australien. Avant d'arriver à la cave, les raisins sont triés à la main. « Pas de raisins pourris dans notre vin ! Nous enlevons les grappes et les baies malades. Ici, la main-d'oeuvre n'est pas chère, nous avons donc pris cette habitude », explique Maryse Laroque.

Après une récolte, les agriculteurs taillent pour faire repartir de nouvelles pousses. Les vignes sont plantées en pergola. « Cela est plus simple pour les récoltes. Et, surtout, les feuilles protègent les raisins d'une exposition trop forte au soleil », signale Gus Rai. Du soleil en abondance, mais aussi de l'eau. Le vignoble est entouré de montagnes et de volcans. « Nous ne manquons pas d'eau. C'est plutôt la saison des pluies qui nous embête. Nous avons beaucoup de précipitations de janvier à avril : les raisins se remplissent d'eau et sont de moins bonne qualité et moins sucrés. Nous devons combattre le botrytis, c'est un défi . Heureusement, les grappes produites par notre cépage sont aérées. »

Autre défi : les oiseaux qui viennent picorer le raisin. « Pour s'en protéger, nous organisons des rotations d'employés. Ils s'assoient dans le vignoble avec un système de cordes et de boîtes de conserve pour les faire fuir. Cela marche à merveille ! » assure Maryse Laroque.

Depuis quelques années, le vignoble balinais vend sa production à Jakarta, la capitale du pays, où les habitants consomment de plus en plus de vin. L'islam indonésien tolère de plus en plus la consommation d'alcool. Si bien que le marché progresse. Bali compte bien en profiter.

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