L'an passé, le syndicat des viticulteurs d'Irancy, dans l'Yonne, a intégré le programme européen Biodivine de recensement de la biodiversité, coordonné localement par le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). Quatre viticulteurs se sont alors portés volontaires pour accueillir des pièges à arthropodes (insectes, araignées, mille-pattes, cloportes, etc.) dans leurs parcelles. Ils ont également reçu des ornithologues venus identifier les oiseaux présents dans leurs vignes et aux alentours, ainsi que des botanistes qui ont effectué des relevés de flore.
Habitant le village d'Irancy, Benoît Cantin fait partie des quatre volontaires. « Je respecte au mieux le terroir. Je mets en place des pratiques culturales les plus proches possibles de la nature. Cela m'intéressait d'apporter mon soutien à l'étude mise en place par l'interprofession », souligne ce viticulteur qui conduit 14 ha de vignes en conventionnel.
« Irancy est un village qui a beaucoup de charme. Nous essayons de préserver au maximum ce site remarquable », ajoute Thierry Richoux, un voisin de Benoît Cantin, également volontaire, qui travaille sur 19 ha et sera certifié bio cette année.
Question charme, le village d'Irancy n'en manque pas. Il est lové au fond d'une sorte d'amphithéâtre naturel planté de vignes parsemées de petits bosquets et de cerisiers. Bref, un paysage enchanteur qui fait le bonheur des promeneurs, des amateurs de VTT et du peintre Georges Hosotte, domicilié à Irancy et très connu dans la région. « On se doit de préserver cette biodiversité », insiste Thierry Richoux. Et d'après les premiers résultats de l'étude Biodivine, celle-ci est relativement riche. Par exemple, sur le domaine de Benoît Cantin, le BIVB a capturé l'an passé 1 040 arthropodes appartenant à 163 morpho-espèces. De son côté, le spécialiste de l'avifaune a recensé onze espèces d'oiseaux.
« Je ne pensais pas qu'il y avait tant d'insectes »
Même ordre de grandeur chez Thierry Richoux. « J'ai été stupéfait du nombre d'arthropodes présents. Je vois régulièrement des insectes voler, mais je ne pensais pas qu'il y en avait autant. Pareil pour les oiseaux. J'observe des corbeaux, des merles, des mésanges et des geais mais, en fait, il y a beaucoup d'autres espèces », se réjouit Thierry Richoux.
Pour préserver cette biodiversité et même l'améliorer, les vignerons de l'AOC, aidés par un pépiniériste, viennent de replanter 645 mètres de haies, dont la moitié chez Benoît Cantin. « J'avais la place, la possibilité et l'envie de le faire. Esthétiquement, une haie, c'est joli et agréable », justifie-t-il.
Une journée de travail à trois pour planter une haie
Mais la tâche a demandé pas mal d'huile de coude, notamment pour préparer le terrain. La plus grande haie mesure 250 mètres et a été implantée sur un talus. Or, « l'endroit est délicat, car des traverses de chemin de fer sont ancrées dans le sol pour retenir la terre. J'ai donc dû ramener une quarantaine de remorques de terre pour créer un bourrelet dans lequel le pépiniériste a planté les arbustes, explique le viticulteur. À trois, cela nous a pris une journée. Ensuite, pour empêcher le développement des mauvaises herbes, j'ai dû remettre un paillage et le caler avec des pierres car il s'envolait. Maintenant, il va falloir arroser les plants. Puis, quand la haie poussera, il faudra la tailler. Mais ce n'est pas ce qui prend le plus de temps ».
Les viticulteurs de l'appellation vont également mettre en place des jachères fleuries « dès que les sols seront réchauffés », précise Thierry Richoux.
Côté coûts, il faut compter environ 5,70 euros HT le mètre linéaire de haie. L'Europe a pris en charge 50 % de la dépense et le BIVB 30 %. Le syndicat a déboursé le reste.
Pour communiquer sur sa démarche, ce dernier va installer un panneau au niveau de la table d'orientation qui se trouve à l'entrée du vignoble, au lieu-dit Le Poteau. Il va également créer une page dédiée à la biodiversité sur son site internet qu'il illustrera de photos des haies.
« La biodiversité intéresse beaucoup nos visiteurs »
Tous les étés, le syndicat organise deux à trois visites du vignoble avec des guides pour accompagner les touristes. « Cette année, nous mettrons l'accent sur les actions que nous avons mises en place pour préserver la biodiversité », affirme Thierry Richoux
Individuellement, les viticulteurs vont aussi communiquer auprès de leurs clients. « La biodiversité est un sujet d'actualité. Il intéresse beaucoup nos visiteurs. S'ils nous le demandent, nous les emmenons visiter les vignes et les haies », indique Benoît Cantin. Ce dernier envisage également d'expliquer la démarche sur son site internet. Dernièrement, il a embauché un agent pour entretenir la relation commerciale avec ses clients en CHR et en démarcher d'autres. Il n'a pas manqué de lui parler de la biodiversité, un argument de plus.
Thierry Richoux va lui aussi aborder le sujet avec ses clients, des Parisiens pour la plupart. « Ces dernières années, le panel s'est beaucoup élargi et les questions sur l'environnement sont devenues fréquentes, remarque Thierry Richoux. Comme les haies sont visibles au bord de la route, les consommateurs nous demandent des explications. » À l'automne, le vigneron bourguignon participe au Salon des Vignerons indépendants à Paris. « À cette occasion, j'aime bien montrer des photos du domaine et des vendanges que nous effectuons à la main. Cette année, j'ajouterai des clichés des haies. »