Retour

imprimer l'article Imprimer

Vigne

Désherbage La piste des produits naturels

Ingrid Proust - La vigne - n°253 - mai 2013 - page 32

Plusieurs produits d'origine naturelle à effet désherbant ou défanant sont testés en France et en Suisse. L'un de ces herbicides devrait prochainement être homologué. Les résultats ne sont pas très concluants.
EFFET DE CHOC. Ces photos prises sept jours après un traitement réalisé en 2010 avec un produit à base d'extrait de crucifères montrent l'effet de choc du produit. Malheureusement, les plantes repoussent très rapidement après. PHOTOS CHAMBRE D'AGRICULTURE DU ROUSSILLON

EFFET DE CHOC. Ces photos prises sept jours après un traitement réalisé en 2010 avec un produit à base d'extrait de crucifères montrent l'effet de choc du produit. Malheureusement, les plantes repoussent très rapidement après. PHOTOS CHAMBRE D'AGRICULTURE DU ROUSSILLON

En France, il n'existe actuellement aucun produit naturel homologué pour le désherbage de la vigne. Les vignerons bios n'ont que le travail du sol pour contrôler les adventices et « cela implique des contraintes, en particulier en terme de temps de travail », relève Alain Chemin, directeur général d'Alidad'Invest.

Cette entreprise basée à Mérignac (Gironde) est spécialisée dans les services aux agriculteurs et la distribution de produits phytosanitaires. À travers sa filiale Vitivista, elle développe un produit à base d'huiles végétales (de colza en particulier) « à effet désherbant non sélectif, défanant et dessicant », baptisé VVH 86 086 pour le moment (voir encadré).

Ce produit de contact « provoque la déshydratation rapide des tissus végétaux », indique Alidad'Invest. Le VVH n'agit que sur les jeunes adventices. Il possède un effet choc visible dans les deux heures suivant l'application. La firme assure que le produit a montré 85 % d'efficacité quatorze jours après le traitement dans un essai réalisé par l'IFV. Mais d'autres expérimentations semblent moins concluantes.

« En mai dernier, nous l'avons appliqué sur des dicotylédones et des graminées de 3 à 8 cm. Les plantes n'ont été que légèrement grillées », commente Pascal Mallier, conseiller viticole à la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire.

Le défanage est rapide mais les repousses nombreuses

« Le produit avait montré des résultats assez rapides : son effet était visible dans les deux heures sur les graminées et le pissenlit. 48 heures après application, le défanage était de 60 à 70 %, se souvient Jérôme Attard, conseiller viticulture qui a réalisé des essais en 2012. Mais la repousse atteignait 50 % deux semaines plus tard. »

Responsable des expérimentations viticoles à la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales, Marc Guisset a constaté en 2010 que l'herbicide entraîne un « effet brûlure. Mais le défanage est très limité, avec une repousse dans un délai de deux à trois semaines ».

En 2010 et 2011, le même spécialiste a également testé d'autres désherbants et défanants d'origine naturelle. « Nous avons expérimenté un produit à base d'extraits d'agrumes et un autre à base d'huile de pin. Tous deux étaient préconisés sur des adventices de 10 cm maximum. Nous les avons appliqués en sortie d'hiver sur pois et dicotylédones. Par rapport à des désherbants chimiques contenant du glufosinate, leur efficacité est très limitée, surtout celle du produit à base d'extraits d'agrumes. Les nécroses qu'ils provoquent sur les plantes ne sont pas suffisantes pour les éradiquer. Le produit à base d'huile de pin avait cependant un effet très rapide. »

Plus d'efficacité en automne qu'au printemps

À la chambre d'agriculture du Haut-Rhin, Jérôme Attard a utilisé différents produits en 2011 : BioWeed, à base d'acides gras et de terpènes, autorisé en agriculture biologique en Australie, Graxxol, issu d'acide oléique, et Graminal, à base d'acide acétique (vinaigre) et de phénols de thym et d'origan.

Ce conseiller a obtenu des résultats étonnants. « Nous avons appliqué ces herbicides fin août et en septembre. Nous avons été plutôt bluffés par leurs effets. BioWeed a provoqué un défanage à 100 % en une petite semaine. Les autres produits ont entraîné un défanage à 90 %, avec 10 à 15 % de repousses au bout de six jours. »

En 2012, le conseiller a testé les mêmes produits au printemps, mais les résultats ont été bien différents. « Graxxol, par exemple, n'a permis qu'un défanage limité de 10 à 15 % », signale Jérôme Attard, précisant que les pluies étaient fréquentes au moment de l'essai.

BioWeed a également été testé en Suisse par un étudiant de l'école d'ingénieurs de Changins. Appliqué en septembre en un traitement unique, il a donné de bons résultats sur graminées et dicotylédones. Mais l'essai a montré qu'il devait être utilisé à une concentration importante.

Graxxol a lui aussi été expérimenté. Son effet a été jugé intéressant, surtout en cas d'application fractionnée à deux semaines d'intervalle, sur liseron, lamier pourpre, amarante, sétaire, dent-de-lion et panic des marais. Mais son efficacité a été moindre sur chénopode. Quant à l'acide acétique, figurant aussi au banc d'essai, ses résultats ont été inférieurs à ceux de BioWeed et de Graxxol.

Toujours en Suisse, la station de recherches Agroscope Changins-Wädenswil indique avoir mené des essais de bioherbicides entre 2009 et 2011. Mais « les résultats n'ont pas été concluants et nous ne réalisons plus d'essais à ce sujet », déclare Judith Wirth, chercheuse à l'Agroscope. Les expérimentations de désherbants à base de molécules naturelles devraient cependant être poursuivies à l'école d'ingénieurs de Changins.

Un produit en complément du travail du sol

Alidad/Vitivista attend l'homologation de son produit VVH 86 086 agissant par contact sur de jeunes adventices d'environ 10 cm (dicotylédones et dans une moindre mesure graminées). « Nous espérons lancer la commercialisation pour la campagne 2014 », avance Alain Chemin, directeur général d'Alidad'Invest. Selon la firme, le VVH 86 086 est très facilement biodégradable et ne laisse pas de résidus. Il ne présente aucun danger pour l'utilisateur et le consommateur. Comme tout produit de biocontrôle, l'efficacité du VVH est très liée aux conditions d'emploi, précise Alidad/Vitivista. Elle dépend du stade de développement des herbes, du moment de l'application (de préférence le matin en fin de rosée), de la concentration et de la qualité de la pulvérisation. « Ce produit ne tue pas l'herbe et il a des contraintes de positionnement, indique Alain Chemin. Mais utilisé en complément du travail du sol, il peut remplacer un ou deux passages mécaniques et apporte donc un gain de temps lors d'une période chargée. » Alidad/Vitivista a déposé des demandes d'autorisation de mise sur le marché en viticulture (désherbage et épamprage), mais aussi pour le défanage des pommes de terre, les espaces verts et les jardins.

Du dérivé de géranium au vinaigre

- Plusieurs substances naturelles présentent un effet désherbant ou défanant plus ou moins prononcé.

- L'acide pélargonique : un acide gras, notamment extrait du géranium, qui pénètre rapidement dans les tissus des adventices et provoque des nécroses. Synonyme : acide nonanoïque. Des désherbants naturels à base d'acide pélargonique sont déjà homologués en France pour des usages non agricoles.

- L'acide acétique : présent dans le vinaigre. Cette matière active doit être utilisée en concentration suffisante (plus de 10 %) pour avoir un effet significatif et rapide quelques heures après l'application.

- L'acide oléique : un acide gras notamment extrait de l'huile d'olive.

- L'acide citrique : extrait du citron, il a un effet de brûlure sur les adventices.

- Terpènes de pin et huile de pin : utilisés dans la formulation d'adjuvants pour herbicides.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :