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Vigne

Effeuillage Avec précaution sur les blancs

José Martinez-Teruel - La vigne - n°253 - mai 2013 - page 36

Selon des essais menés pendant quatre ans à Sancerre, dans le Cher, un effeuillage sévère nuit à la qualité des vins de sauvignon, contrairement à l'ébourgeonnage et à l'éclaircissage.
EFFEUILLAGE SÉVÈRE. Cette vigne a été effeuillée manuellement de toutes les feuilles portées par les rameaux primaires sur 60 cm de hauteur. La Sicavac, à Sancerre (Cher), a comparé ce traitement à trois autres (suppression des entre-coeurs, ébourgeonnage et éclaircissage) pour comprendre son incidence sur la qualité du vin. Photo prise en juillet 2009. © SICAVAC

EFFEUILLAGE SÉVÈRE. Cette vigne a été effeuillée manuellement de toutes les feuilles portées par les rameaux primaires sur 60 cm de hauteur. La Sicavac, à Sancerre (Cher), a comparé ce traitement à trois autres (suppression des entre-coeurs, ébourgeonnage et éclaircissage) pour comprendre son incidence sur la qualité du vin. Photo prise en juillet 2009. © SICAVAC

MAGALI DARDÉ, technicienne à la Sicavac, a réalisé les essais. « L'éclaircissage et l'effeuillage ont donné les vins les plus intenses et les plus équilibrés », conclut-elle. © J. MARTINEZ-TERUEL

MAGALI DARDÉ, technicienne à la Sicavac, a réalisé les essais. « L'éclaircissage et l'effeuillage ont donné les vins les plus intenses et les plus équilibrés », conclut-elle. © J. MARTINEZ-TERUEL

De 2008 à 2011, les agronomes du Service interprofessionnel de conseil agronomique, de vinification et d'analyses du Centre (Sicavac) ont comparé l'ébourgeonnage, l'éclaircissage, l'effeuillage et l'enlèvement des entre-coeurs (ou rabiotage). Ils ont travaillé sur une parcelle très vigoureuse plantée en 1996.

Malgré le fait que cette vigne soit enherbée tous les rangs, elle produit beaucoup. Dans le témoin n'ayant subi aucune intervention en vert, chaque pied a porté 1,53 kg de raisin en moyenne par an pendant la période de l'essai. Cela correspond à un rendement de 76,5 hl/ha alors que l'appellation autorise 65 hl/ha. Pour autant, ces vins sont appréciés et jugés typiques de Sancerre.

Au terme des quatre ans d'essai, deux pratiques sortent du lot : l'ébourgeonnage et l'éclaircissage. Toutes deux améliorent significativement la qualité des vins. « À la dégustation, le nez est plus intense et la bouche plus équilibrée », souligne Magali Dardé, chargée de l'expérimentation et conseillère en viticulture et oenologie à la Sicavac.

Lors de l'ébourgeonnage, elle n'a conservé que l'oeil principal de chaque bourgeon, soit huit au total par pied : quatre sur la baguette et quatre sur les coursons. À la récolte, le rendement de cette modalité est très nettement diminué puisqu'il tombe à 0,84 kg par souche, soit 42 hl/ha dans les conditions de l'essai.

La vigne a réagi à ce traitement en développant plus d'entre-coeurs auxquels la Sicavac n'a pas touché. Et comme le rendement a chuté, le rapport feuille sur fruit (surface foliaire sur poids de récolte) augmente au point d'être le plus élevé de toutes les modalités. Les raisins sont aussi les plus riches en sucres et en azote assimilable à la récolte.

Résultats intéressants avec l'éclaircissage

Deuxième pratique intéressante : l'éclaircissage. Magali Dardé a réalisé cette opération à la véraison en coupant cinq à six grappes par cep pour n'en garder que dix à douze. Après cela, les grappes restantes ont grossi, si bien qu'à la récolte, le rendement s'élève à 1,45 kg par souche. Les raisins renferment un peu plus de sucres que les témoins. Les moûts sont plus riches en azote et les vins sont plus expressifs que les témoins.

Contrairement à l'ébourgeonnage et à l'éclaircissage, l'effeuillage et le rabiotage (suppression des entre-coeurs) n'ont pas donné satisfaction. Loin s'en faut. Les vins de la modalité effeuillée présentent trop d'arômes végétaux. Ceux de la modalité rabiotée un peu moins mais ils « ont également moins de composés aromatiques intéressants. Ils sont peu aromatiques et peu fruités », note la Sicavac. Ces deux pratiques ont pourtant permis de réduire les attaques de pourriture grise. « Ce n'est pas pour cela que les vins sont préférés », indique la Sicavac.

Il faut dire que les expérimentateurs ont réalisé un effeuillage très sévère avant fermeture de la grappe. L'opération a consisté à supprimer toutes les feuilles primaires (directement insérées sur le rameau) sur 60 cm de hauteur en partant de la baguette attachée à plat. Un taux d'effeuillage sans rapport avec les pratiques viticoles mais destiné à éliminer les feuilles primaires afin de comprendre leur rôle. De même, dans la modalité rabiotée, tous les entre-coeurs ont été supprimés.

Baisse de qualité avec le rabiotage et l'effeuillage

Au moment de la récolte, cette dernière modalité porte les raisins les moins riches en sucres de l'essai (200 g/l de sucres contre 206 g/l pour le témoin). Pour la Sicavac, cela tient au fait que « c'est principalement le feuillage secondaire de la zone fructifère qui permet l'accumulation des sucres dans les baies ».

Les raisins des pieds effeuillés sont un peu plus riches en sucres car ces pieds ont conservé tous leurs entre-coeurs. « Dans nos essais, les modalités effeuillées et rabiotées présentent les plus faibles rapports feuille-fruit et les plus faibles teneurs en azote assimilable des moûts, deux paramètres qui ressortent comme de très bons indicateurs de la qualité des raisins et des vins », ajoute Magali Dardé.

À l'inverse, l'ébourgeonnage et l'éclaircissage augmentent la qualité des raisins et des vins. Ces deux pratiques sont assez courantes à Sancerre et dans le Centre-Loire. En particulier l'ébourgeonnage, l'éclaircissage servant avant tout à corriger la charge selon le millésime et les parcelles.

Intéressant sur melon, moins sur colombard

De 2002 à 2005, l'Institut français de la vigne et du vin (IFV) a étudié l'effet de l'effeuillage sur le potentiel aromatique du melon blanc en Loire-Atlantique et du colombard dans le Gers. « Nous avons travaillé sur les précurseurs d'arômes glycosidiques du melon blanc et sur les précurseurs des thiols variétaux du colombard », résume Frédéric Charrier, ingénieur à l'IFV de Nantes (Loire-Atlantique). L'institut a comparé l'effeuillage une face et l'effeuillage deux faces à la nouaison. Selon ces essais, cette intervention n'a pas d'effet net sur les thiols variétaux du colombard, contrairement aux conditions du millésime dont l'impact est très fort. En revanche, elle accroît les notes fruitées et florales du melon blanc du fait d'une augmentation de la teneur en précurseurs glycosidiques dans ce cépage. Mais l'effeuillage sur deux faces du melon blanc s'est révélé défavorable les années de stress hydrique ou thermique. Par ailleurs, « les moûts sont plus riches en polyphénols. Les vins issus de vignes effeuillées présentent souvent une plus grande structure et une bonne longueur en bouche », déclare Thierry Dufourcq, ingénieur à l'IFV du Sud-Ouest.

Le Point de vue de

Luc Prieur, domaine Prieur et fils, à Verdigny (Cher)

« Nous effeuillons pour aérer les grappes »

 © J. MARTINEZ-TERUEL

© J. MARTINEZ-TERUEL

« Nous exploitons 18,5 ha de vignes, dont 13,5 en sauvignon. Nous taillons le sauvignon en guyot simple avec une baguette à huit yeux et deux rappels à deux yeux. Le sauvignon est un cépage fertile, ce qui occasionne des travaux en vert importants. Nous réalisons un ébourgeonnage et un effeuillage conséquents et, selon les parcelles et le millésime, un éclaircissage léger. L'ébourgeonnage permet de dédoubler les yeux des baguettes et des coursons et aussi de gagner un temps précieux pour la taille de l'année suivante. Depuis plusieurs années, nous effeuillons pratiquement la moitié de nos parcelles de sauvignon au moment de la nouaison. En une semaine environ, nous effeuillons uniquement la face exposée au soleil levant de l'ensemble de ces parcelles en roulant à 3,5 km/h avec notre effeuilleuse pneumatique Collard à une pression de travail de 0,8 bar. L'effeuillage est important pour aérer les grappes, favoriser l'ensoleillement, diminuer le risque de pourriture grise et assurer une maturité homogène à la récolte. Pour éviter l'entassement de la végétation, nous sommes aussi pointilleux sur le palissage et l'accolage. Au relevage des fils, on essaye de laisser un maximum d'entre-coeurs à l'extérieur des fils pour mieux les supprimer lors des rognages. Nous voulons éviter ainsi les notes végétales qu'apportent les entre-coeurs. »

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