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Magazine - Terroir & tradition

À Jonzac L'aube de la viticulture

Myriam Guillemaud - La vigne - n°253 - mai 2013 - page 86

Des fouilles menées dans une villa gallo-romaine près de Jonzac, en Charente-Maritime, montrent qu'à cette époque déjà, on faisait déguster des échantillons avant d'expédier les vins.
La villa gallo-romaine de Jonzac s'étendait sur 1500 m2. Sur le site, de nombreux outils agricoles et viticoles ont été retrouvés, comme cette serpette à vendanger et cette serpe, plus grande, utilisée autrefois pour tailler la vigne. À droite, la « bouteille » découverte servait à transporter le vin sous forme d'échantillon pour le faire déguster avant de le vendre en tonneaux. RECONSTITUTION 3D : V. MORTREUIL/CDCHS. PHOTOS : K. ROBIN/CG17

La villa gallo-romaine de Jonzac s'étendait sur 1500 m2. Sur le site, de nombreux outils agricoles et viticoles ont été retrouvés, comme cette serpette à vendanger et cette serpe, plus grande, utilisée autrefois pour tailler la vigne. À droite, la « bouteille » découverte servait à transporter le vin sous forme d'échantillon pour le faire déguster avant de le vendre en tonneaux. RECONSTITUTION 3D : V. MORTREUIL/CDCHS. PHOTOS : K. ROBIN/CG17

Karine Robin, archéologue départementale de Charente-Maritime, accueille beaucoup de viticulteurs curieux sur le site des fouilles de Jonzac. © M. GUILLEMAUD

Karine Robin, archéologue départementale de Charente-Maritime, accueille beaucoup de viticulteurs curieux sur le site des fouilles de Jonzac. © M. GUILLEMAUD

De la terre brune émerge un petit morceau plus clair, plus dur aussi. Délicatement, on le dégage de cette gangue qui le contient depuis près de deux mille ans. Ici, c'est une brique, là un tesson de céramique, plus loin un outil de fer, qui sortent de terre. La villa gallo-romaine de Jonzac, en Charente-Martime, émerge au fil de ses dix ans de fouilles.

Depuis 2003, chaque été, des étudiants ou des passionnés d'histoire s'y retrouvent pour lui faire raconter son histoire. « Nous avons identifié un volumineux bâtiment que nous relions à la viticulture », indique Karine Robin, archéologue départementale de Charente-Maritime.

Ce bâtiment devait être un chai. Il contient en effet des citernes enterrées d'un mètre à un mètre cinquante de profondeur rassemblées dans une salle qui abritait probablement le pressoir. L'activité viticole de la villa est devenue une quasi-certitude avec la découverte de serpes utilisées pour tailler la vigne et d'une serpette à vendanger.

Une « bouteille » en céramique a aussi été mise à jour. Ce type de récipient n'est trouvé que sur les sites viticoles. En terre, de forme haute et étroite, il servait sans doute à transporter des échantillons de vin. « On faisait d'abord goûter la production dans ces bouteilles avant de transporter les tonneaux », souligne Karine Robin.

Sarments au fond des puits

À proximité de l'espace thermal, des puits ont été exhumés. Les archéologues y ont découvert, tout au fond, des morceaux de bois ressemblant fort à des sarments. Ils en ont fait part à Sébastien Julliard, animateur du Conservatoire du vignoble charentais. Sur les six échantillons prélevés par ce dernier, cinq étaient bien des sarments, mais de lambrusque, une sous-espèce sauvage de la vigne.

Selon des analyses ADN, elles datent du IVe ou du Ve siècle de notre ère et sont sans lien avec les vignes présentes aujourd'hui dans les Charentes. Sébastien Julliard prévoit de prospecter le val de Seugne (la rivière qui traverse Jonzac) en quête de lambrusques proches de celles trouvées dans les puits de la villa gallo-romaine.

Le vin n'était pas la seule production de la villa. Des fouilles sont aussi sorties des sonnailles (cloches à bétail), différents outils, ainsi que des fosses de plantation d'arbustes. Les activités agricoles étaient donc multiples : élevage, céréales, vergers... Quant au bâti, il s'étendait sur 1 500 m2 au sol, avec parfois un étage.

« Le propriétaire appartenait certainement à l'élite romaine », avance Karine Robin. Il confiait sans doute la gestion du domaine à un intendant, lequel avait sous ses ordres du personnel rémunéré pour ses compétences et des esclaves chargés de garder les animaux et de travailler aux champs. Au total, la villa abritait vraisemblablement quelques dizaines de personnes, mais il est impossible d'évaluer la surface qu'elle exploitait.

Durant tout l'été, le chantier est ouvert aux visiteurs. Parmi eux, les viticulteurs viennent en nombre. « Ils se rendent compte que les pratiques d'aujourd'hui sont souvent très proches de celles d'il y a deux mille ans, sourit Karine Robin. Et ils ont cette fierté de faire un métier aussi ancien. »

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