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Magazine - Histoire

Hippocrate « Le vin est une chose merveilleuse »

Florence Bal - La vigne - n°253 - mai 2013 - page 87

Le célèbre philosophe et médecin de l'Antiquité croyait en l'importance de l'alimentation pour la santé. Le vin entrait dans sa pharmacopée.
Hippocrate considérait le vin comme un médicament. Il pensait que le médecin devait en user à bon escient, en fonction du patient et de la maladie. © ROGER-VIOLLET

Hippocrate considérait le vin comme un médicament. Il pensait que le médecin devait en user à bon escient, en fonction du patient et de la maladie. © ROGER-VIOLLET

«Le vin est une chose merveilleusement appropriée à l'homme si, en santé comme en maladie, on l'administre avec à propos et juste mesure suivant la constitution individuelle. » Les siècles ont passé mais cet aphorisme du célèbre médecin grec de l'Antiquité, Hippocrate, est toujours d'actualité.

Si les détails de sa vie nous restent inconnus, beaucoup de légendes se sont tissées autour de son nom. L'histoire retient toutefois qu'il est né vers 460 avant Jésus-Christ sur l'île de Cos, en mer Egée, dans une lignée vouée à l'exercice de la médecine. Vraisemblablement, il s'initie à la médecine auprès de son père. Puis il poursuit son apprentissage à Athènes (Grèce), en Thrace, en Thessalie et en Macédoine.

Hippocrate devient philosophe et médecin. À l'époque, la philosophie, science de l'âme, et la médecine, science du corps, ne sont pas véritablement séparées. À ses yeux, les maladies sont la conséquence d'un déséquilibre de l'organisme entre quatre humeurs (le sang, la lymphe ou phlegme, la bile jaune et la bile noire ou l'atrabile), elles-mêmes en lien avec quatre caractères (le chaud, le froid, le sec et l'humide) et les quatre éléments qui, selon les thèses en vigueur à l'époque, composent toute matière (l'eau, la terre, l'air et le feu).

Un régime alimentaire adapté à chaque patient

La méthode d'Hippocrate a pour but de rétablir cet équilibre en aidant les forces curatives de la nature. Il prend en considération l'influence des facteurs environnementaux tels que le climat (état de l'atmosphère, température, saison, pluie et vent), de l'alimentation et des habitudes de vie.

« Les aliments et les boissons que nous prenons sont des correctifs des humeurs et les uns des autres. Il faut connaître leurs effets », affirme-t-il. « Les recherches au sujet du régime (...) contribueront aux moyens de rétablir la santé et à la conservation de celle des gens qui se portent bien et qui font de l'exercice. » Ainsi établit-il les règles du régime alimentaire adapté à chaque patient.

Le vin occupe une place de choix, il y consacre plusieurs pages dans ses traités. Il établit quatre catégories de vins (blanc, noir, doux et vineux) dont il distingue les utilisations thérapeutiques. Selon lui, les effets du vin sur la santé sont parfois bénéfiques, mais aussi parfois néfastes voire mortels. Le médecin doit en user à bon escient, en fonction du patient et de la maladie. Il adapte sa préconisation à chaque cas. Il le prescrit tantôt froid, tantôt chaud ou bouilli, tantôt en abondance, tantôt en petites quantités. Il le préconise parfois en mélange, par exemple avec du lait contre les dysenteries, tantôt pur, par exemple avec du pain chaud en cas de cardialgie.

En revanche, « il s'abstient de le prescrire si la constitution du malade l'interdit », constate l'enseignant Robert Alessi dans un article sur le sujet. Dans les cas de fièvre, par exemple, le vin, considéré comme un aliment échauffant, renforcerait la maladie et pourrait même provoquer une issue fatale.

Hippocrate ne se contente pas de soigner. Il institue des règles éthiques et un code de déontologie pour les médecins avec son fameux serment, mais aussi pour les patients. À ses yeux, un médecin se « reconnaît à son extérieur simple, décent et modeste (...). La patience, la sobriété, l'intégrité, la prudence, l'habileté dans son art sont ses attributs essentiels ».

L'hypocras n'apparaît qu'au XIVe siècle

« La vie est courte, l'art est long, l'occasion fugitive, l'expérience trompeuse, le jugement difficile, écrit-il. Or, il faut non seulement se montrer soi-même accomplissant son devoir, mais aussi faire [en sorte] que le malade, les assistants et les éléments extérieurs accomplissent le leur. » Il enfonce le clou : « Si tu es malade, recherche d'abord ce que tu as fait pour le devenir », relève-t-il. Ou encore : « Si quelqu'un désire la santé, il faut d'abord lui demander s'il est prêt à supprimer les causes de sa maladie. Alors seulement, il est possible de l'avoir. »

La date et le lieu de la mort d'Hippocrate sont incertains. Il serait décédé à Larissa, en Thessalie, à l'âge vénérable de 85 ou de 90 ans, et même centenaire selon certains. L'hypocras, ce vin médicinal sucré et épicé qui s'inspire de son nom, n'apparaîtra, quant à lui, qu'au XIVe siècle. Et c'est au XXe siècle que les effets bénéfiques d'une consommation modérée de vin sur la santé dans le cas d'un régime alimentaire approprié seront scientifiquement établis.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

SOURCES

- « Le vin romain antique », par André Tchernia et Jean-Pierre Brun, aux éditions Glénat.

- « Le vin dans les Épidémies d'Hippocrate », par Robert Alessi, Bulletin du Centre d'étude d'histoire de la médecine, 1999.

- « L'épopée du vin (de Noé à l'an 2000) », par Daniel Combes.

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