Facile à glisser dans une mallette, discrète, idéale pour visualiser des photos… La tablette tactile sort des foyers pour investir l'univers professionnel ! « Les secteurs du tourisme, de l'immobilier et de la santé l'utilisent couramment pour faire découvrir leurs offres de produits et de services à leurs clients. La viticulture y vient en douceur », indique Philippe Bourhis, cofondateur de la société Widmee, à Pessac (Gironde), spécialisée dans la création d'applications pour les appareils nomades.
Après les smartphones, la tablette. Sur les salons, certains vignerons ont commencé par utiliser leur smartphone pour montrer quelques photos de leur domaine ou faire découvrir leur site internet. Aujourd'hui, ils s'orientent vers la tablette tactile qui se prête bien mieux à ce genre d'utilisation, surtout s'il s'agit de présenter des vidéos, car elle est bien plus grande.
Elle permet de dévoiler de belles images de son vignoble, des travaux de la vigne, des vendanges ou des vinifications à des visiteurs sur un salon ou à des prospects. Certains domaines s'en servent également pour animer les visites de groupes, comme au château de la Dauphine, à Fronsac, en Gironde (voir témoignage ci-contre).
L'image a en effet une vertu pédagogique. « Elle permet au visiteur de participer davantage que lorsqu'il goûte seulement le vin, apprécie Philippe Bourhis. Elle favorise également le dialogue. » Mieux, la tablette introduit un sens inexploité dans une dégustation : le toucher !
Mais cette petite ardoise offre bien d'autres possibilités. Comme stocker des fiches techniques, un fichier client, des tarifs… Au moment de la sortie de l'iPad, en 2010, Steve Jobs, le fondateur d'Apple, n'avait-t-il pas prédit qu'elle détrônerait le bon vieil ordinateur ?
Le transfert de données simplifié. Le minimum pour un vigneron qui commence à l'utiliser, c'est d'y exporter une présentation de son entreprise ainsi que ses fiches produit », conseille Philippe Hugon, directeur de l'agence de marketing Vinternet. L'intérêt est double : plus de fiches à imprimer et plus de classeurs encombrants à transporter. Le transfert de ces données depuis un ordinateur de bureau vers la tablette s'effectue en toute simplicité, à l'aide d'applications gratuites téléchargeables sur internet, telles Dropbox, SparkleShare ou Minus. Une fois installées sur l'ordinateur et sur la tablette, il suffit de faire glisser ses fichiers de l'un vers l'autre.
Un véritable bureau portatif. Pour les fiches techniques, Vinternet a créé Vincode.com. Ce logiciel en ligne sert à créer de tels documents et à les diffuser sur tous les médias électroniques d'une entreprise : site internet, tablette tactile, smartphone et même page Facebook. Les mises à jour réalisées depuis le site s'effectuent instantanément sur les autres supports. Vinternet facture 5 euros chaque fiche créée. Mais la tablette ne sert pas seulement à montrer des images. On peut également l'utiliser pour la gestion commerciale à distance. Des développeurs de logiciels ont flairé le filon. Lors du Vinitech, à Bordeaux, en novembre dernier, la société La graine informatique a présenté Mobil Order. Cette solution permet de saisir des commandes avec la tablette, où que l'on se trouve : sur un salon, en rendez-vous chez un client, etc. Elle donne accès à la gamme de vin, aux fiches produit et au fichier client de son entreprise, avec leur historique.
Des informations client toujours disponibles. « Le vigneron, ou le commercial, se présente chez son client avec toutes les informations le concernant, détaille Philippe Vérot, directeur commercial. Il visualise ses paiements, ses retards éventuels, les vins qu'il commande d'habitude et ce qu'il a acheté les huit semaines précédentes. » Des informations précieuses au moment de la prise de commande.
Reliée à une imprimante bluetooth, Mobil Order permet d'éditer un bon de commande. Une fois la commande prise, elle est stockée sur la tablette. Le vigneron ou le vendeur peut l'envoyer à son entreprise à tout moment, pourvu qu'il dispose d'une connexion internet pour se relier au serveur ad hoc de La graine informatique. Dès que le transfert est opéré, le domaine peut préparer la commande. « Il n'est plus nécessaire d'appeler ou d'adresser un mail pour confirmer une commande », argumente Philippe Vérot.
Pour les vignerons ou les commerciaux souvent sur les routes. Mobil Order possède aussi une fonction « Compte rendu de visite ». Cette application tourne sous Android, car les tablettes équipées de ce système d'exploitation sont « les moins chères », observe Philippe Vérot. Aux alentours de 280 euros contre 500 euros minimum pour un iPad. Elle s'installe à partir de Google Play Store, la plateforme de téléchargement d'applications pour Android, pour la somme de 600 euros HT. Elle est compatible avec tous les logiciels de gestion commerciale et systèmes ERP des entreprises.
Cette solution s'adresse aux vignerons qui effectuent de nombreux salons ou tournées chez des professionnels. Elle est aussi destinée aux entreprises qui emploient un grand nombre de commerciaux. Des distributeurs de boissons l'ont d'ores et déjà adoptée. Dans le secteur viticole, le château de la Gardine, à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse), compte parmi ses premiers clients.
Visualiser ses stocks. De son côté, Isagri s'adresse aux vignerons qui participent à beaucoup de salons grand public. Cette société vient tout juste d'adapter aux tablettes tactiles son logiciel TP'Vin pour la vente au caveau (voir notre article cicontre). Partout où il se trouve, le vigneron dispose de son catalogue et de son fichier client. Quand un client lui achète des bouteilles, il saisit la commande, enregistre le mode de paiement et, en moins de trois clics, délivre un ticket de caisse à l'acheteur.
En fin de journée, le viticulteur peut connaître les quantités vendues de chaque vin avec le mode de règlement correspondant. « Il a un aperçu immédiat de sa recette, relève Magali Bérenger, chef de marché viticulture chez Isagri. Il visualise ce qui lui reste du stock qu'il a emmené sur le salon. Il sait s'il faut pousser la vente d'une cuvée plutôt qu'une autre le lendemain. »
Mises à jour automatiques. Le soir, l'utilisateur peut également synchroniser les données de la tablette avec celle de son logiciel de gestion commerciale. Son fichier client se met ainsi à jour automatiquement, intégrant les nouvelles commandes passées dans la journée. Sans cet outil, il faut ressaisir toutes les commandes, une par une. Un travail fastidieux que peu de vignerons font, préférant intégrer dans leur comptabilité le montant global de la recette d'un salon, ce qui les prive d'un historique fiable et à jour de leur clientèle.
La tablette TP'Vin donne également accès aux DRM, aux documents d'accompagnement, à Gamm@, etc. Elle n'est compatible qu'avec le logiciel de gestion commerciale Isavigne. À la différence de Mobil Order, l'application TP'Vin n'est pas diffusée via internet mais installée par Isagri sur une tablette choisie par la société et vendue dans un kit comprenant également une imprimante.
« Nous avons conçu ce kit pour les vignerons qui vendent leurs vins directement aux particuliers sur les salons ou à la propriété, signale Magali Bérenger. Car la tablette peut aussi s'utiliser au domaine. »
La fin des corrections manuelles. Dans un autre registre, l'entreprise WineDataSystem cible d'avantage les négociants. « Leurs commerciaux ont besoin de solutions mobiles leur permettant de s'affranchir des liasses de papier », signifie Aymeric Fournier, son fondateur. Pour ces grandes entreprises, la société a créé une application pour iPad.
Depuis sa tablette, le commercial accède au catalogue, à l'historique client et aux tarifs pour chaque circuit de vente. Il peut saisir les commandes, les enregistrer et les transférer directement au siège social de son entreprise. Dès que le négociant effectue une mise à jour de son fichier ou de ses tarifs, l'application les prend en compte. Plus besoin d'apporter des corrections manuelles sur les grilles tarifaires. La révolution de la mobilité ne fait que commencer.
La tablette pour qui ?
Pour les vignerons qui commercialisent leurs vins sur des salons grand public. À condition que le nombre de salons soit suffisamment important, soit environ une quinzaine par an.
Pour les vignerons qui effectuent de nombreux déplacements pour vendre ou prospecter auprès des professionnels en France ou à l'export.
Pour les entreprises qui ont une équipe de commerciaux sur le terrain en charge de commercialiser leur production.
Pour les vignerons qui développent une activité d'œnotourisme et reçoivent des groupes au domaine.
Pensez à une version tablette de votre site internet
Depuis deux ans, les ventes de tablettes tactiles dépassent celles des ordinateurs. Selon l'institut d'études de marché GfK, elles devraient atteindre 6 millions d'unités en France cette année.
Près de deux fois plus qu'en 2012. Il faut tenir compte de cette évolution. « Aujourd'hui, un tiers du trafic de la fréquentation des sites internet de nos clients vignerons provient d'une tablette ou d'un smartphone, annonce Michel Boss, dirigeant de Viniumn, une agence spécialisée dans la création de sites web, basée en Côte-d'Or. Il y a trois ans, à peine 1 % du trafic provenait de la tablette. Or, la plupart des sites internet sont conçus pour être lus sur un ordinateur de bureau, mais pas sur une tablette et encore moins sur un smartphone. » Le temps de chargement sur les supports mobiles est lent, la taille des caractères n'est pas adaptée. Autant d'inconvénients susceptibles de rebuter des internautes. Il faut donc créer des versions mobiles et plus légères des sites et revoir la présentation ainsi que les rubriques pour rendre la navigation plus aisée. Le coût : entre 1 500 et 4 500 euros.