Vaste sujet que la minéralité des vins. Cette expression est absente des dictionnaires contemporains. Elle a été créée de toutes pièces pour définir… on ne sait quoi. Même le « Dictionnaire de la langue du vin » de Martine Coutier qui date, il est vrai, de 2007 n'en fait pas mention. Pourtant, la blogosphère fleurit d'articles sur le sujet.
Yves Le Fur, maître de conférences à l'AgroSup Dijon, en Côte-d'Or, cherche à définir cette notion si nébuleuse. Le 24 avril, à l'occasion des rencontres internationales du rosé qui se sont déroulées à l'Hôtel de région de Marseille (Bouches-du-Rhône), il a fait un point sur ses travaux. Cinq jours plus tôt, en recherchant sur Google, il avait trouvé 20 300 occurrences pour les expressions « vin minéral » et « vins minéraux » et 62 000 pour « vin(s) blanc(s) minéral(aux) ». Signe que le qualificatif est commun, bien qu'il soit encore loin des « vin(s) blanc(s) fruité(s) » (243 000 occurrences) ou « vin(s) rouge(s) fruité(s) » (706 800 occurrences).
Dans les phrases parlant de la minéralité, Yves Le Fur a trouvé les notions de « fraîcheur », « vivacité », « acidité », « sensation » et « impression ». Le chercheur a également trouvé une première définition sur la Toile : « La notion de minéralité associe des sensations olfactives (arômes de pierre à fusil ), gustatives (fraîcheur) et de texture (vin cristallin). » Puis une seconde, un brin ironique : « La minéralité du vin est sans doute la caractéristique du vin la plus difficile à définir. Car, soyons francs : qui, ici, a un jour goûté à un caillou ? »
Pour tenter de définir la minéralité, Yves Le Fur a travaillé avec Laurent Gautier, linguiste et maître de conférences à l'université de Bourgogne. « Nous avons élaboré deux questionnaires en deux volets, l'un pour les amateurs et l'autre pour les professionnels, a indiqué Yves Le Fur. Dans le premier volet, nous avons demandé aux répondants de préciser leur sexe, âge, niveau d'étude, liens avec le milieu du vin, etc. Dans le second volet, nous avons posé la question "Si je vous parle de minéralité à propos de vin, à quoi cela vous fait-il penser ?" et nous avons proposé l'exercice suivant : "Imaginez que vous ayez à expliquer à un ami ce qu'est la minéralité d'un vin. Pour lui expliquer, vous donnerez votre définition et citerez vos synonymes" ».
Les chercheurs ont diffusé ce questionnaire sur internet entre janvier 2011 et janvier 2012 pour les amateurs de vin et jusque fin mai 2013 pour les professionnels. Ils ont connu un vibrant écho puisque 1 339 amateurs et 1 400 professionnels français y ont répondu. « Avec plus de 6 800 mots différents utilisés pour répondre à nos questions, le champ lexical des professionnels est plus étendu que celui des amateurs (4 300 mots) », observe Yves Le Fur.
Pourtant, les termes employés par les uns et les autres ne sont pas très éloignés. Les deux chercheurs les ont classés dans quatre champs sémantiques. « Dans le champ pédogéologique on trouve les termes terroir, pierre, sol, terre ou encore silex ou craie, relève Yves Le Fur. Le deuxième champ sémantique a plutôt une dimension sensorielle. Il comprend des mots tels que goût, arôme, fraîcheur/frais, acidité/acide et pierre à fusil. La dimension illustrative apparaît ensuite avec blanc, sec, cépage et type. Enfin, le dernier champ a une dimension analytique avec les termes minéraux ou composition. »
Les amateurs ont également décrit la minéralité grâce à des images qui peuvent parfois faire sourire : « comme si on suçait un caillou », « comme un petit courant électrique dans la bouche » ou encore « comme un mélange eau et pierre ».
Partant de là, est-il possible de définir la minéralité ?« Ce serait imprudent de ma part », estime-t-il. Cependant, le chercheur souligne qu'il ressort de son étude que la minéralité s'applique à un vin blanc sec présentant des « odeurs » de « pierre à fusil », de « silex », de « craie » et de « pierre humide ».
Une description qui fait penser au benzèneméthanethiol. Cette molécule, identifiée dans le laboratoire du professeur Dubourdieu en 2003, a une odeur de pierre à fusil ou de silex battu dans les vins blancs, mais ne fait plus beaucoup parler d'elle. La minéralité finira-t-elle aux oubliettes comme la molécule qui semble, à l'heure actuelle, la mieux à même de la caractériser ?
Des arômes s'échappent pendant la fermentation alcoolique
L'unité expérimentale de Pech Rouge, à Gruissan (Aude), s'est équipée d'une installation pour analyser en continu les arômes s'échappant d'une cuve au cours de la fermentation alcoolique (FA). « Nous nous sommes intéressés aux pertes en esters et en alcools supérieurs », a expliqué Jean-Michel Salmon, directeur de recherche à l'Inra de Montpellier (Hérault), lors des rencontres du rosé. À 20°C, 40 % de la production totale d'hexanoate d'éthyle (note fruitée) et 21 % d'acétate d'isoamyle (note de banane, bonbon anglais) s'échappent avec le gaz carbonique. La température joue un rôle important sur ces pertes, mais pas comme on l'imagine.
« Elle influence peu la production d'esters par les levures au cours de la FA, a expliqué Jean-Michel Salmo coupant court à une idée reçue. En fait, elle a un impact important sur la volatilisation de ces molécules dans la phase gazeuse. » Autrement dit : plus la température de fermentation est élevée, plus il s'échappe d'arômes dans l'atmosphère. L'étude menée au sein de l'unité de Pech Rouge a également montré une chronologie dans la production des arômes au cours de la fermentation. « On voit apparaître en premier le propanol, ensuite l'isobutanol, l'alcool isoamylique puis, plus tard, l'acétate d'isobutyle, l'acétate d'isoamyle et enfin, assez tardivement, l'hexanoate d'éthyle », a détaillé Jean-Michel Salmon avant de conclure : « En fonction du moment où on arrête la fermentation alcoolique, le profil aromatique des vins risque d'être différent. »
La couleur des rosés se dévoile
Véronique Cheynier, directrice de recherche à l'Inra de Montpellier, dans l'Hérault, a présenté lors des rencontres internationales du rosé les premiers résultats d'une étude menée sur plus de 300 vins rosés de toutes les régions du monde. Le but était d'identifier les composés responsables de la couleur. Elle a ainsi pu démontrer qu'entre un vin rosé très coloré et un plus pâle, les pigments responsables de la couleur étaient différents. « Les vins les plus colorés ont des niveaux d'anthocyanes, de tannins et d'acide gallique très élevés, a-t-elle révélé, alors que les vins les moins colorés ont très peu de ces molécules et sont plus riches en acide phénol et en phenyl-pyranoanthocyanes. » Ces dernières sont des dérivés d'acides hydroxycinnamique et ont une couleur saumon. Ces molécules sont plus stables et plus résistantes à la décoloration par les sulfites que les anthocyanes. Leur concentration augmente au cours du vieillissement, ce qui favorise l'apparition et le renforcement des nuances saumon des vins rosés.