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VENDRE - Paroles de consommateurs : Au Salon des vins des Vignerons indépendants, porte de Champerret, Paris XVIIe

« Un salon, on y va pour s'évader »

BERTRAND COLLARD - La vigne - n°254 - juin 2013 - page 60

« La Vigne » a demandé à des consommateurs pourquoi ils se rendent sur un salon des vins. Qu'ils achètent par cartons ou par bouteilles, tous ont plaisir à rencontrer les viticulteurs, à déguster et à découvrir des vins.
Clément Monier « Le salon est devenu pour moi et ma famille, amatrice de vin, un véritable rendez-vous. » PHOTOS B. COLLARD

Clément Monier « Le salon est devenu pour moi et ma famille, amatrice de vin, un véritable rendez-vous. » PHOTOS B. COLLARD

Pour Jean Gilles, c'est une première. À 61 ans, fraîchement retraité d'un emploi commercial, il ne s'était encore jamais rendu sur un salon de vignerons. Et pour cause : il s'approvisionne lors des foires aux vins des grandes surfaces, car elles permettent « de se faire plaisir à des prix très corrects ».

Le 25 mars, il est venu au Salon des vins des Vignerons indépendants, à Paris, porte de Champerret, sur les conseils de sa famille. Elle l'a poussé à s'y rendre car c'est un « amoureux du vin ». Le nouveau retraité s'est dit qu'il allait « chiner ». Il s'est concentré sur les vins rouges et il a trouvé « un truc » qui lui a « bien plu » : le saint chinian du clos Seguin, dans l'Hérault. Il a acheté un carton de six. « J'ai payé 9,50 euros la bouteille. C'est du 2005. Il peut se garder encore cinq ou six ans », annonce-t-il avec satisfaction.

« Les gens sont sympathiques, poursuit Jean-Gilles. Les vignerons aiment parler de leur métier. » Il a éprouvé « le plaisir de la rencontre et de la découverte ». Mais il n'a pas trouvé les vins très bon marché. Il regrette aussi que les exposants n'offrent pas quelque chose, « une lamelle de fromage ou de saucisson pour faire passer le goût. Car après quatre ou cinq vins, on n'a plus la bouche (sic) ».

Tous les autres visiteurs que « La Vigne » a interrogés étaient des habitués. La plupart organisent leur salon en deux temps : ils rendent d'abord visite à leurs fournisseurs avant de partir à la découverte de nouveautés.

Laurent Chalas est de ceux-là. À 43 ans, ce gestionnaire immobilier dit acheter 80 % des vins qu'il consomme sur des salons. « En dégustant, on sait ce qu'on achète, observe-t-il. C'est l'intérêt. Les producteurs sont là. On n'a pas affaire à des commerciaux. »

Ce 25 mars, il est venu réserver le pomerol 2012 qu'il se fera livrer plus tard. Il a acheté un peu de côtes-de-bourg et un carton de vins du domaine Cazes, dans le Roussillon. « Je retrouve ces viticulteurs tous les ans. Je vois ce qui change chez eux », explique-t-il. Il est ensuite allé déguster « une nouvelle appellation : Côte-rôtie ». Mais à plus de 30 euros la bouteille, il n'en a pas acheté.

Retraité de 70 ans, Jean-Pierre Bourget n'avait pas prévu de venir. Mais un reportage à la télévision montrant son fournisseur de champagne sur le salon l'a décidé: il est venu pour en acheter. Il sort du salon avec deux bouteilles. « J'ai vu d'autres producteurs que je connaissais déjà, raconte-t-il. Et j'en ai profité pour faire une étude gustative de sancerres. Un salon, c'est récréatif. On y va parce qu'on s'évade. »

Chez les grands amateurs, on sent un réel plaisir de retrouver ses fournisseurs. C'est le cas de Pascal, 51 ans, responsable commercial, et de Catherine 46 ans, directrice d'agence bancaire. Ils sortent du salon avec trois cartons de côtes-du-rhône et… une enveloppe encore pleine d'invitations. Bons vivants et volubiles, ils expliquent : « On achète sur place pendant nos vacances et on se réapprovisionne au salon. Cela permet de discuter avec les producteurs. Ils sont accueillants et pas avares en dégustations. » Seul problème à leurs yeux : le manque de places de parking.

Chez les plus jeunes, la découverte et l'apprentissage prennent le pas sur l'achat. Ainsi, François Pietri, 26 ans, étudiant en musique, et Chloé, 22 ans, animatrice ludothécaire, n'ont acheté qu'une bouteille de monbazillac. Mais ils sont enchantés. Leur vin est « bien meilleur » que celui qu'ils prenaient jusqu'à maintenant au supermarché. « Ce n'est pas le même monde. Ça n'a rien à voir », rapporte François.

Ils sont mordus et ne ratent pas une occasion de se rendre sur un salon dès lors qu'ils obtiennent une invitation. C'est de cette manière qu'ils étoffent peu à peu leur « répertoire ». Au programme de leur visite cette fois : le Sud-Ouest. C'est ainsi qu'ils ont dégusté de l'armagnac pour la première fois. Ils regrettent que les vignerons pensent qu'« on ne vient que pour boire, sous prétexte qu'on est jeunes. Ils ne nous regardent pas toujours d'un bon œil ». Alors, plutôt que foncer droit sur un stand, ils préfèrent « se laisser alpaguer par les exposants pour ne pas se sentir obligés d'acheter ». Finalement, les choses se passent plutôt bien, car les vignerons « aiment bien les jeunes qui s'intéressent vraiment au vin ».

Lieu de découvertes, un salon est également un lieu de transmission pour Clément Monier, géographe de 36 ans. Depuis dix ans, il se rend tous les ans à la porte de Champerret et à la porte de Versailles avec ses parents, amateurs de vin qui lui font profiter de leur expérience en la matière. « Pour nous, c'est un rendez-vous », insiste-t-il.

Clément Monier s'est ainsi forgé un palais lui faisant préférer le touraine, le chinon et le côtes-du-rhône au bordeaux ou au bourgogne. Il achète une cinquantaine de bouteilles par an, uniquement sur les salons, car il juge que les vins y sont deux fois moins chers que chez les cavistes.

Parfois, la transmission a lieu entre collègues. Pascal Bouguet, 48 ans, et Damien Vaille-Brunt, 32 ans, sont commerciaux dans la même entreprise. L'aîné a plus d'expérience que son cadet dans le vin. Il lui a fait découvrir le château Mayne Blanc, un lussac saint-émilion, un vin comme tous deux en cherchent, « de qualité, mais pas hyperconnu », vendu 9 euros la bouteille.

Outre les stands habituels, ils se fixent un thème de visite. « Sinon, on se disperse et c'est écœurant de déguster trop de vins. » Cette année, c'était le Jura. Ils y ont découvert deux producteurs « très sympas » et le « chardonnay non ouillé », mais n'en ont pas acheté. Peut-être une prochaine fois…

Ils n'emportent que trois ou quatre cartons au maximum, soit une faible part de leur consommation. Selon eux, les organisateurs de salons devraient offrir un service de livraison aux visiteurs afin qu'ils puissent emporter davantage de vins. Lorsqu'on leur explique que ce service existe, ils avouent ne pas le connaître. Peut-être n'y a-t-il pas eu assez d'information à ce sujet… Ils apprécieraient aussi un vestiaire et la climatisation dans le salon. Car ce jour-là, il faisait bien chaud dans les allées et de nombreux vins n'ont pas été servis à la bonne température.

D'autres visiteurs soulignent que tous les viticulteurs devraient accepter la carte bancaire. Les plus jeunes aimeraient également qu'ils disposent d'un site internet. De même, ils estiment que les salons devraient proposer un site afin d'organiser leur visite par région ou par type de vin.

En venant sur un salon, tous les visiteurs espèrent enrichir leur expérience, ce qui suppose qu'ils puissent déguster et discuter librement. Et bien qu'ils passent un bon moment, aucun d'entre eux ne semble oublier les limites de son pouvoir d'achat ou de sa consommation, souvent très occasionnelle. Si bien que beaucoup en ressortent avec peu de bouteilles après avoir sollicité les exposants pendant de longues minutes. Pour ces derniers, c'est le prix à payer pour entretenir et renouveler leur clientèle.

« Je viens encourager les producteurs »

Emma Epimbedi, 37 ans, hôtesse d'accueil chez Carrefour, a un côté militant. Elle est convaincue par les circuits courts. « Si j'en avais l'occasion, je n'achèterais que directement aux producteurs », assure-t-elle. C'est sa manière de contribuer à la pérennité d'une agriculture diversifiée. Elle est venue au salon pour prendre sa commande de pouilly-fumé chez un vigneron qu'elle connaît depuis cinq ans. Et elle est aussi venue prospecter. En effet, elle espère créer un commerce de produits alimentaires non périssables à destination de l'Afrique. À ce titre, elle est venue repérer des blancs mœlleux, car elle estime qu'ils y ont un marché à prendre. Outre le rapport qualité prix des vins, elle aura un critère de sélection de ses fournisseurs : leur présence sur internet. « Si on veut aller en Afrique et y convaincre quelqu'un d'acheter, il faut pouvoir montrer le viticulteur, son domaine et ses vins. Cela passe forcément par internet », soutient-elle.

LES CONSEILS

Prenez le temps d'expliquer vos vins, le changement de millésime, etc. Racontez des anecdotes sur la saison ou sur l'histoire de votre domaine.

Pensez à offrir un peu à manger ou de l'eau à vos visiteurs afin qu'ils puissent se rafraîchir le palais et mieux déguster.

Rappelez-leur l'existence de votre site internet. Prévoyez le paiement par carte bancaire.

Veillez à bien donner à vos acheteurs le vin qu'ils ont choisi. Des erreurs en la matière les conduisent à penser qu'ils se sont fait berner.

N'oubliez pas que, même si les visiteurs sont passionnés par le vin, ils ont toujours l'œil sur leur porte-monnaie.

Le Point de vue de

Jean-Pierre Bourget

« J'en ai profité pour faire une étude gustative de sancerres. Un salon, c'est récréatif ! »

Le Point de vue de

Emma Epimbedi

« Si j'en avais l'occasion, je n'achèterais que directement aux producteurs. »

Le Point de vue de

François Pietri et Chloé

« Nous préférons nous faire alpaguer par les exposants pour ne pas être obligés d'acheter. »

Le Point de vue de

Jean Gilles

« Les gens sont sympathiques. De plus, les vignerons aiment parler de leur métier. »

Le Point de vue de

Laurent Chalas

« En dégustant, on sait ce qu'on achète. C'est l'intérêt. On n'a pas affaire à des commerciaux. »

Le Point de vue de

Catherine et Pascal

« Sur le salon, les producteurs sont accueillants et ne sont pas avares en dégustations. »

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