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VIN

La géothermie réchauffe les chais

GRÉGORY PASQUIER - La vigne - n°255 - juillet 2013 - page 58

La cave d'Orschwiller, en Alsace, a investi dans un tout nouveau système de géothermie. Il permet de stocker dans le sol les calories produites lors des vinifications et de les utiliser tout au long de l'année.
ARNAUD WEYH (À GAUCHE), DE LA SOCIÉTÉ WEYH & FILS, ET MARC BOHN, représentant de la société Mannfor, se trouvent à côté du collecteur qui relie les sondes géothermiques, situées sous la cuverie, à la chaufferie.

ARNAUD WEYH (À GAUCHE), DE LA SOCIÉTÉ WEYH & FILS, ET MARC BOHN, représentant de la société Mannfor, se trouvent à côté du collecteur qui relie les sondes géothermiques, situées sous la cuverie, à la chaufferie.

UNE GANGUE DE BENTONITE est utilisée pour combler le vide entre la sonde géothermique et le trou de forage. Cette gangue qui conduit bien la chaleur favorise le transfert des calories dans le sol.

UNE GANGUE DE BENTONITE est utilisée pour combler le vide entre la sonde géothermique et le trou de forage. Cette gangue qui conduit bien la chaleur favorise le transfert des calories dans le sol.

LA CUVE TAMPON D'EAU GLYCOLÉE permet exclusivement le refroidissement des cuves lors des fermentations alcooliques ou des précipitations tartriques. PHOTOS G. PASQUIER

LA CUVE TAMPON D'EAU GLYCOLÉE permet exclusivement le refroidissement des cuves lors des fermentations alcooliques ou des précipitations tartriques. PHOTOS G. PASQUIER

UNE DES DEUX POMPES À CHALEUR (à gauche) permettant de produire du froid à -10°C et du chaud jusqu'à 60°C. À droite, un ballon tampon, à l'origine du brevet, a été conçu spécifiquement pour gérer les calories.

UNE DES DEUX POMPES À CHALEUR (à gauche) permettant de produire du froid à -10°C et du chaud jusqu'à 60°C. À droite, un ballon tampon, à l'origine du brevet, a été conçu spécifiquement pour gérer les calories.

Surplombée par le château du Haut-Koenigsbourg, la cave d'Orschwiller (Bas-Rhin) est un passage incontournable de la route des vins d'Alsace. André Maldonado, directeur de cette cave qui exploite plus de 130 ha et regroupe environ 70 adhérents, a intégré dans son chai flambant neuf un système géothermique très particulier. Celui-ci permet de produire du chaud jusqu'à 60°C et du froid à -10°C, tout en utilisant des énergies renouvelables.

Pour concevoir ce système, André Maldonado a fait appel à trois entreprises : Mannfor, Wehy & fils et CDRAM. Elles ont imaginé un système qui permet de stocker dans le sol les calories produites par la cave. Ces calories sont ensuite récupérées tout au long de l'année lorsque le chai ou les bâtiments administratifs en ont besoin. « Les couches géologiques fonctionnent comme une batterie », illustre Marc Bohn, représentant de la société Mannfor.

Pour stocker cette chaleur, Mannfor a réalisé vingt-trois forages plongeant jusqu'à 100 m de profondeur, espacés de 10 m les uns des autres. Dans chaque forage, l'entreprise a fait descendre un tuyau puis l'a coulé dans une gangue de ciment bentonitique, un matériau qui conduit bien la chaleur. Ces forages ainsi équipés portent le nom de sondes géothermiques. De l'eau glycolée y circule. C'est elle qui amène les calories du chai aux couches géologiques, puis qui les récupère afin qu'elles soient extraites par des pompes à chaleur.

Récupération et stockage. « Le système que nous avons mis au point nécessite de nombreuses précautions », précise Marc Bohn. En effet, toutes les sondes géothermiques se trouvent sous les bâtiments. « Si des calories sont envoyées dans le sol de façon trop brutale, à des températures trop élevées, on peut provoquer des phénomènes de dilatation dans le sous-sol », assure-t-il. Aussi faibles soient-ils, ces mouvements risquent de fissurer les bâtiments. Les fournisseurs ont donc mis au point et breveté tout un système informatique et de gestion des flux d'eau glycolée pour réguler les calories injectées dans le sol.

C'est au cours des fermentations alcooliques que les caves produisent le plus de calories. On estime que 28 kcal sont produites lors de la fermentation alcoolique de 180 g de sucre, ce qui représente une élévation de température de 28°C (1). Ainsi, un moût initialement à 15°C devrait être porté à 43°C après la fermentation de 180 g de sucre par litre. En pratique, ces températures ne sont jamais atteintes. Les cuves sont thermorégulées et le surplus de chaleur se dissipe dans l'atmosphère. Cette chaleur est donc perdue.

À la cave d'Orschwiller, la majorité des calories générées au cours des fermentations est récupérée et stockée dans le sol. Concrètement, l'eau glycolée employée pour refroidir les cuves passe dans un échangeur de chaleur où elle cède ses calories à un second circuit d'eau glycolée qui est envoyée dans le sol.

Gain énergétique considérable. Avec près de 18 000 hl de vin produit par an, la cave génère de grandes quantités de chaleur. Le sol qui est en moyenne à une température de 12 à 14°C peut ainsi atteindre 20 à 25°C au cours des fermentations alcooliques. Mais comme l'indique Arnaud Weyh, de la société Weyh & fils, « s'il y a besoin de chauffer les bâtiments ou de produire de l'eau chaude, les calories peuvent être utilisées immédiatement, sans passer par le stockage géologique ». Il explique également que lorsque les chais ou les locaux administratifs sont climatisés ou lors des précipitations tartriques, beaucoup de calories sont extraites des locaux ou des cuves et sont également stockées dans le sol.

Pour récupérer ces calories lorsqu'il faut chauffer les bâtiments, produire de l'eau chaude ou réchauffer des cuves, l'eau glycolée est renvoyée dans les sondes géothermiques. Les concepteurs du système l'ont étudié pour que, sortant des sondes, l'eau glycolée arrive dans les pompes à chaleur autour de 20°C. « À cette température, le coefficient de performance (COP) des pompes à chaleur est de l'ordre de huit ou neuf », rapporte Marc Bohn. Ce COP correspond au rapport entre la chaleur produite et l'énergie électrique consommée. Un COP de huit correspond à une pompe à chaleur produisant 8 kWh de chaleur pour une consommation de 1 kWh électrique.

Avec un tel COP, le gain énergétique est considérable puisque la consommation électrique est au moins divisée par huit. Pour André Maldonado, ce système est beaucoup moins coûteux que le groupe de froid qu'il avait avant. « Pour 1 kWh d'électricité consommé, notre ancien groupe de froid ne restituait même pas 1 kWh de chaleur », affirme-t-il.

40 % d'aides. Toute cette installation équipe le nouveau chai de la cave d'Orschwiller qui a fonctionné pour la première fois lors des dernières vendanges. Le forage et l'installation des sondes géothermiques ont coûté entre 120 000 et 130 000 euros auxquels s'ajoutent 260 000 euros pour les pompes à chaleur et le système hydraulique. Mais les aides à l'investissement de FranceAgriMer ont permis de financer le coût du chai à hauteur de 40 %. Marc Bohn et Arnaud Weyh assurent que le chauffage géothermique peut être amorti en sept ans maximum.

(1) Source « Maîtrise des températures et qualité des vins », par Jacques Blouin et Jean-Michel Maron, aux éditions Dunod.

Les savoir-faire du trio d'entreprises

La société Mannfor est spécialisée dans les forages géothermiques. Elle propose la simple pose de sondes géothermiques verticales ou l'intégralité du captage géothermique. À la cave d'Orschwiller (Bas-Rhin), elle a réalisé le forage et l'installation des vingt-trois sondes.

La société Wehy & fils est multicarte. De l'électricité au chauffage en passant par la climatisation et l'électroménager, cette société a installé l'ensemble du système hydraulique et les pompes à chaleur à la cave d'Orschwiller.

La société CDRAM possède une activité dans l'électronique et dans l'informatique industrielle. Elle a mis au point les armoires de gestion des calories injectées dans le sol et toute l'informatique qui pilote le système géothermique de la cave d'Orschwiller.

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