Les tables de tri optique sont apparues en 2009. Aujourd'hui, trois machines sont disponibles : la Selectiv'Process Vision de Pellenc, la Delta Vistalys de Bucher Vaslin et la X-TRI de l'italien Defranceschi.
Selon les constructeurs, elles éliminent les baies pourries, un taux réglable de baies immatures et près de 100 % de déchets verts. Elles ne gardent que le meilleur : les baies mûres et saines. Elles sont aussi très rapides. La Vistalys R1 peut travailler jusqu'à 5 t/h et la R2 jusqu'à 10 t/h. Pellenc annonce 12 t/h pour sa Selectiv'Process Vision alors que chez Defranceschi, il existe trois modèles à 5, 10 et 15 t/h. « Le tri manuel ne permet d'atteindre que 3 t/h avec six personnes », compare Gilles Matéo, responsable commercial chez Bucher Vaslin.
Mais les tables de tri optique coûtent très cher. Chez Bucher Vaslin, la Vistalys R1 vaut environ 65 000 euros et la R2 près de 100 000 euros. Chez Pellenc, la Selectiv'Process Vision coûte « moins de 100 000 euros avec toutes les options », indique Rémi Niéro, directeur matériel de chais. « L'investissement pour la X-TRI démarre à partir de90 000 euros pour aller jusqu'à 250 000 euros selon les modules de réception que le client souhaite en amont », détaille quant à lui Bruno Parage, directeur d'Alpha concept vinicole, distributeur de Defranceschi en France.
Le tri optique peut donc se justifier dans les caves qui emploient beaucoup de trieurs ou qui traitent des volumes journaliers de vendange importants. Au château Smith-Haut-Lafitte (Gironde), qui a acheté l'une des premières Vistalys en 2009, « la machine sera amortie en quatre à cinq ans, estime Fabien Teitgen, directeur technique. Elle a remplacé la vingtaine de trieurs que nous employions sur nos deux lignes de réception ».
Dom Brial, la cave coopérative de Baixas, dans les Pyrénées-Orientales, a des préoccupations similaires. Elle vinifie environ 80 000 hl par an. En 2011, elle s'est équipée du Vistalys R2. « Avant, nous avions une table de tri manuel. Mais au bout de quelques heures, les trieurs étaient moins efficaces, justifie Agnès Arquier, technicienne vignoble de la cave. Avec la Vistalys, on travaille de 8 heures du matin à 18 heures sans problème. Elle élimine bien les bouts de rafle, les baies sèches et les baies vertes ou rosées. Elle enlève également les baies écrasées et pourries. Mais nous tournons à 3 ou 4 t/h, car nous nous calons au débit de l'érafloir. »
La cave a essayé de monter le débit du tri. « Nous étions moins contents du résultat. Des baies vertes et des morceaux de rafle n'étaient pas éliminés », déplore Agnès Arquier. Comme elle, d'autres vignerons n'ont pas obtenu les débits annoncés, ou alors au détriment de la qualité du tri.
Les constructeurs ne nient pas ces défauts. Pour Gilles Matéo, ils viennent « d'un problème de réglage ». Cependant, il admet que « plus on augmente le débit, plus on a d'effets collatéraux » : à vitesse élevée, le trieur optique élimine des baies saines et mûres en même temps que des déchets. De son côté, Rémi Niéro, chez Pellenc, reconnaît qu'il faut baisser le débit si la vendange est très polluée par des déchets verts, des verjus et des baies botrytisées. « 12 t/h, c'est lorsque la vendange est propre », précise-t-il.
Au château Mont-Redon, à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse), Pierre Fabre, le maître de chai, travaille effectivement au débit annoncé lorsque la vendange est belle. Sinon, il ralentit. Il a acheté une X-TRI en 2010 et une seconde en 2011. Il estime qu'elles ont permis d'améliorer ses vins. « En 2011 et 2012, nous avons un éclat, une pureté du fruit surprenants », assure-t-il. Il a même vinifié les déchets éliminés par la X-TRI. « Le vin obtenu était rustique, avec des notes végétales et parfois terreuses et des tanins amers. Si ces déchets ne sont pas triés, ils vont dans la cuve et peuvent créer un voile » qui masque les arômes du vin.
Voyant le potentiel de ces machines et disposant d'importants moyens, plusieurs grandes propriétés se sont équipées. « Elles sont dans une démarche de qualité ultime où tous les éléments de la chaîne de récolte doivent être optimisés », relève Christophe Gaviglio, expert en machinisme à l'IFV.
Les exploitations plus modestes sont contraintes d'envisager d'autres solutions. Si leur vendange est régulièrement polluée par une forte proportion de déchets verts, elles doivent en chercher la cause. Cela peut provenir d'une machine à vendanger ou d'un érafloir mal réglés ou dépassés. Dans ce dernier cas, mieux vaut en changer, car les performances de ces matériels ont beaucoup progressé.
Depuis 2007, les machines à vendanger sont équipées de trieurs embarqués grâce auxquels le taux de déchets verts dans la vendange peut descendre jusqu'à 0,2 %, ce qui représente 200 g pour 100 kg. À ces niveaux, les morceaux de rafles ou de feuilles restants ont-ils encore un effet sur les vins ? L'IFV mène des essais pour en avoir le cœur net. De même, les nouveaux égrappoirs à mouvement pendulaire, comme le Delta Oscillys ou Le Cube, améliorent eux aussi significativement la qualité du tri.
Ces trieurs embarqués et érafloirs sont efficaces pour éliminer les déchets verts. Mais « ils le sont moins contre les baies atteintes de pourriture grise », indique Nicolas Constantin, œnologue conseil du service technique d'Inter-Rhône. Or, les vins souffrent de défauts dès 5 % de grains pourris dans une vendange, selon une récente étude menée par l'Institut des sciences de la vigne et du vin et l'Inra de Bordeaux (Gironde) sur du merlot. Il faut donc « éliminer ces baies le plus tôt possible », poursuit Nicolas Constantin.
Là encore, il existe des solutions moins chères que le tri optique pour mécaniser cette tâche. Pour 20 000 euros, Jean-Michel Gerin, viticulteur à Ampuis (Rhône), s'est équipé d'une table de tri Mistral de Vaucher Béguet pouvant traiter jusqu'à 7 t/h. C'est un flux d'air qui éjecte les déchets. Jean-Michel Gerin estime qu'il « élimine jusqu'à 97 % de baies pourries ».
Le Tribaie constitue une autre option, plus sophistiquée et plus chère (voir encadré). Quant à ceux qui veulent goûter au meilleur de la technologie sans prendre trop de risques, ils peuvent toujours louer une table de tri optique avant de se décider à acheter. C'est dans l'air du temps.
Un concurrent : le tri densimétrique
Le Tribaie permet, comme le tri optique, d'éliminer les déchets verts, les baies botrytisées et les raisins immatures. Mais contrairement au tri optique qui utilise une caméra pour détecter les éléments indésirables, le Tribaie sépare les éléments par rapport à leurs propriétés physiques. Les bouts de rafle et déchets verts s'accrochent sur un peigne. Les raisins pourris et les grains éclatés sont ensuite séparés des raisins sains et intacts en adhérant à un rouleau rotatif. Enfin, les raisins mûrs et immatures sont séparés en fonction de leurs densités respectives, ceci grâce à un bain densimétrique constitué d'eau, de glucose ajusté entre 160 et 180 g/l et de SO2. « Depuis l'an dernier, nous avons mis au point le bain à 0°C grâce à un système d'échangeur. Il n'y a ainsi aucun souci de prolifération de micro-organismes. En plus, entre l'entrée et la sortie de la vendange du bac densimétrique, il se passe environ 8 secondes. Durant ce laps de temps, la vendange perd 10°C », commente Alexandre Faupin, dirigeant d'Amos-Industrie, la société qui fabrique le Tribaie.
L'appareil permet également de « décontaminer les raisins, car il diminue les taux de pesticides et de Brettanomyces », poursuit-il. Il existe quatre modèles de Tribaie qui vont de 3 à 20 t/h pour des prix de 54 000 à 140 000 euros. Cinquante à soixante propriétés en sont équipées en France