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VIN - POUR APPROFONDIR

Les enzymes de macération Plus de jus et de structure

GRÉGORY PASQUIER - La vigne - n°256 - septembre 2013 - page 44

Elles permettent d'augmenter le rendement en jus des blancs et favorisent l'extraction des tanins, ce qui améliore la structure des vins rouges. En revanche, leur impact sur les arômes et la couleur des vins reste discutable d'après des travaux de l'IFV.

Qu'est-ce que c'est ?

Une enzyme est une protéine qui accélère les réactions biochimiques. C'est ce que l'on appelle un catalyseur biologique. On en trouve naturellement dans le raisin à des niveaux souvent faibles. Elles sont, entre autres, responsables de la maturation du fruit. Elles dégradent les parois des cellules de la pulpe et de la pellicule et provoquent le ramollissement du raisin.

Pourquoi en ajouter dans la vendange ?

« Pour accélérer des réactions qui se feraient naturellement » Une enzyme est une protéine , explique Laurence Guérin, ingénieure à l'IFV. Les préparations enzymatiques ajoutées à la vendange vont dégrader la pectine des parois cellulaires du raisin. Des microperforations vont apparaître au niveau des cellules qui vont libérer plus facilement leur contenu.

Facilitent-elles la libération des jus ?

Oui. Un essai de l'IFV mené sur des sauvignons a montré que certaines préparations enzymatiques permettent d'augmenter le volume de jus de 5 à 6 litres pour 100 kg de vendange par rapport à un témoin. Pour les blancs, les volumes de jus de goutte et de première pression, inférieure à 1 bar, sont plus importants que les jus de presse. De plus, « en hydrolysant la pectine, la viscosité du moût est réduite, ce qui facilite la clarification », observe Rose-Marie Canal-Llaubères, gérante de RCL-Bioprocess et docteur en œnologie. Mais « on obtient plus de bourbes fines », tempère Laurence Guérin. Pour les rouges, le volume total de vin est augmenté de 3 à 4 %. Une quantité plus importante de vin de goutte est libérée par l'ajout d'enzyme.

Le coût du traitement par les enzymes de macération se situe entre 0,10 et 0,60 €/hl (coût des fournitures 2013), l'enzymage est donc rentabilisé grâce à la quantité de jus supplémentaire produit.

Ont-elles un impact sur les arômes ?

L'enzymage permet également de libérer plus de précurseurs d'arômes. « Mais il n'y a pas forcément de gains sur les vins finis », précise Laurence Guérin, qui a mené une étude comparative sur le sujet entre 2002 et 2006. Les analyses sensorielles qu'elle a réalisées au cours de ces essais ne permettent pas d'affirmer que les enzymes de macération ont systématiquement un effet positif sur l'arôme du vin. Elle explique que certaines préparations enzymatiques « modifient le profil sensoriel des vins ». Mais selon le cépage, le millésime et le temps de conservation en bouteille, le vin préféré par les testeurs – traités aux enzymes ou non – varie.

Et sur la couleur ?

Pour les rouges, les enzymes facilitent la libération des «pigments et des tanins », assure Rose-Marie Canal-Llaubères. Sur les essais qu'elle a menés, Laurence Guérin n'a pas systématiquement obtenu de résultats positifs sur l'extraction de la couleur. En revanche, « nous avons constaté qu'il y avait une meilleure extraction de tanins », confirme-t-elle. De nouveaux essais vont être réalisés pour mieux définir les conditions d'utilisation des enzymes pour les rouges.

Comment sont-elles produites ?

En condition industrielle, par le champignon Aspergillus niger. Mis en culture sur un milieu spécifique, ce micro-organisme produit des enzymes pectolytiques. Elles sont ensuite extraites du milieu, filtrées pour éliminer le champignon et concentrées. Le champignon produit plusieurs enzymes. On obtient donc un «pool d'enzymes», note Laurence Guérin. Les préparations commerciales contiennent une activité dite principale qui est mentionnée sur le paquet et plusieurs activités secondaires qui ne sont pas indiquées. Certaines de ces activités sont indésirables et nécessitent une phase de purification supplémentaire comme l'activité cinnamoyl estérase, qui peut conduire à la formation de phénols volatils. Le sigle FCE (faible en activité cinnamoyl estérase) est alors inscrit sur les paquets. Les anthocyanases, qui peuvent avoir un impact négatif sur la couleur, peuvent également être éliminées.

Sous quelle forme les trouve-t-on ?

Sous forme liquide ou de granulés. Il faut réhydrater ces granulés dans dix fois leur poids en eau ou en moût avant de les utiliser. « Il y a ainsi une meilleure homogénéisation dans la cuve», rapporte Rose-Marie Canal-Llaubères, qui a déjà vu des utilisateurs «incorporer les enzymes dans la vendange sans les réhydrater». Les enzymes sous forme liquide, souvent visqueuse, doivent aussi être diluées. Les préparations sont stables pendant une journée.

À quel moment faut-il les ajouter ?

« Le plus tôt possible », affirme Rose-Marie Canal-Llaubères. Pour les blancs et rosés de pressurage direct, les enzymes doivent être ajoutées dès l'arrivée de la vendange au conquet de réception. Pour Rose-Marie Canal-Llaubères, «il est préférable d'utiliser une pompe doseuse» qui va bien répartir les enzymes sur la vendange. Elle ajoute : « Pour les caves qui ne sont pas équipées, l'utilisation d'un arrosoir au conquet est aussi efficace.» Les enzymes peuvent être ajoutées lors du remplissage de la cuve pour les rouges ou lorsque les raisins blancs subissent une macération pelliculaire.

À quelles matières premières s'adressent-elles ?

« À toutes les matières premières », certifie Rose-Marie Canal-Llaubères. Mais en fonction des cépages et des millésimes, les teneurs en pectines des raisins sont différentes. « Nous pourrions ne pas rajouter d'enzymes à certains millésimes, alors que pour d'autres, il est nécessaire d'en apporter », tempère Laurence Guérin. Par exemple, lorsque le raisin manque de maturité, la paroi des cellules est dure et rigide, la libération du contenu cellulaire est difficile, « il faut donc ajouter des enzymes pour obtenir une extraction sélective », insiste Rose-Marie Canal-Llaubères.

Comment augmenter leur efficacité ?

Les trois principaux facteurs sur lesquels le vinificateur peut jouer pour augmenter l'action des enzymes sont la température, la dose et le temps de contact. Au-delà de 70°C, les enzymes peuvent être dégradées. En dessous de 4°C, leur activité est fortement réduite. Lors des macérations préfermentaires, entre 8 et 12°C, leur action est ralentie car on est loin de la température optimale qui se situe entre 30 et 45°C. Les doses inscrites sur les paquets doivent être respectées. « Une dose trop élevée n'aura pas forcément plus d'effet car la quantité de substrat disponible ne sera pas suffisante. Au contraire, si on a une dose trop faible, l'enzyme peut être le facteur limitant », analyse Laurence Guérin. « Pour les cépages difficiles à extraire et à clarifier, comme le sémillon, le muscat ou le sylvaner, il faut utiliser la dose haute préconisée par les firmes », détaille Rose-Marie Canal-Llaubères. Enfin, dans le cas des blancs, il est possible de jouer sur le temps de contact. Plus on laisse agir les enzymes avant de presser les raisins, plus leur efficacité augmente. Mais le temps de contact dépend des disponibilités de la cave.

Quels sont les autres facteurs qui influencent leur activité ?

Un pH bas peut limiter l'action des enzymes. Elles sont plus actives à des pH proches de 4. Le SO2 inhibe aussi l'action des enzymes, mais au-delà de 500 mg/l seulement. Il n'est donc pas un facteur limitant, « à moins de mettre les enzymes dans le sulfidoseur », indique Rose-Marie Canal-Llaubères. Il est quand même préférable d'apporter d'abord le SO2 et ensuite les enzymes. Les tanins des raisins ne sont pas un problème car, en phase aqueuse, ils ne sont pas extraits. En revanche, les tanins exogènes doivent être apportés de façon différée par rapport aux enzymes. Ils peuvent en effet réagir avec elles et les inactiver.

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