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VIN

Neuf conseils pour vinifier des raisins peu mûrs

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°256 - septembre 2013 - page 46

Le millésime 2013 s'annonce tardif. Les vignerons seront peut-être amenés à vendanger des parcelles de rouge qui n'ont pas atteint leur pleine maturité. Voici des recommandations pour les vinifier.
DÉGUSTATION LORS D'UN REMONTAGE. Lorsque les vendanges sont peu mûres, il faut opérer des extractions plus douces et raisonner la durée ainsi que la fréquence des pigeages et des remontages grâce à des dégustations régulières. © C. WATIER

DÉGUSTATION LORS D'UN REMONTAGE. Lorsque les vendanges sont peu mûres, il faut opérer des extractions plus douces et raisonner la durée ainsi que la fréquence des pigeages et des remontages grâce à des dégustations régulières. © C. WATIER

1 Évaluez correctement la maturité

Pour cela, des contrôles analytiques réguliers et la dégustation des baies sont primordiaux. « Après la mi-véraison, il faut faire un prélèvement par semaine et un tous les trois jours à l'approche de la maturité », précise Pascal Hénot, de l'œnocentre de Coutras (Gironde). Olivier Roustang, consultant à Rhône œnologie, ajoute que la maturité risque d'être hétérogène, avec des baies à différents stades. Dans ce cas, l'idéal est de prélever des grappes plutôt que des baies.

Il faut ensuite définir les paramètres qui posent problème (degrés trop faibles, acidité trop élevée, arômes végétaux, manque de couleur, tanins pas mûrs…) afin de déterminer les actions à mettre en place : enrichir en cas de degrés trop faibles ou désacidifier lorsque l'acidité est trop haute par exemple. Si c'est possible, il est également envisageable de s'orienter vers une vinification en rosé.

2 Triez la vendange si vous le pouvez

« Si la maturation des raisins est difficile, il faut attendre le plus possible avant de vendanger, indique Bertrand Daulny, de la Sicavac à Sancerre (Cher), et ensuite trier la vendange pour éliminer les grappes pourries, s'il y en a, et insuffisamment mûres. Dans ce cas, l'idéal est de vendanger à la main. Mais si le vigneron a recours à la machine, il devra veiller à bien régler les secoueurs, de manière à ne récolter que les baies bien mûres. »

Selon Éric Grandjean, du centre œnologique de Bourgogne, le tri n'est pas indispensable s'il n'y a pas d'attaques de botrytis. En revanche, il faut éviter toute trituration pour ne pas libérer d'arômes végétaux.

Olivier Roustang recommande également, dans la mesure du possible, de séparer les lots en fonction du niveau de maturité pour adapter au mieux les vinifications, car « les années de piètre maturité sont des années d'assemblage ». Il rappelle qu'il faut égrapper soigneusement les raisins pour limiter les arômes végétaux.

3 Adaptez les doses de SO2

Si l'acidité est élevée et le pH bas, le SO2 est plus actif. « Il ne faut donc pas trop sulfiter au départ pour éviter les problèmes de fermentation, note Olivier Roustang. Il faut ajuster la dose à l'état sanitaire et à la température d'entrée des moûts. » De son côté, Éric Grandjean préconise pour les rouges un sulfitage normal de l'ordre de 4 à 7 g/hl. Quant à Pascal Hénot, il conseille une dose plus élevée de 8 g/hl au moment de l'encuvage, afin que le SO2 dissolve de la matière colorante.

4 Raisonnez le choix de la levure

Francine Calmels, du laboratoire départemental de Gaillac, dans le Tarn, suggère d'opter pour une levure de type primeur, comme la 71 B, qui va favoriser les notes fruitées et les arômes fermentaires. Pour les autres œnologues, le choix de la levure pour les rouges importe peu.

5 Misez sur le chauffage de la vendange

Pour Olivier Roustang et Francine Calmels, c'est le moment idéal pour la thermovinification ou la macération préfermentaire à chaud. Ces techniques de chauffage de la vendange permettent en effet d'évaporer les arômes végétaux, notamment l'IBMP responsable de l'arôme de poivron vert.

Pour le pinot noir, Éric Grandjean préfère les macérations à froid pendant quatre à six jours pour une extraction enzymatique naturelle et plus de fruité. En revanche, pour arrondir les tanins, gommer les notes végétales et obtenir des vins plus concentrés et plus ronds, il conseille de chauffer les cuves à 40°C pendant 24 heures lorsque les sucres sont terminés. « C'est ce que j'ai recommandé en 2004. Cela a permis de rattraper pas mal de défauts », rapporte-t-il. Dans le Bordelais, Pascal Hénot préconise une technique similaire : « Si on veut favoriser le fruit, il ne faut pas trop monter en température. Mais si on veut extraire de la couleur, il faut des températures plus élevées. » L'œnologue propose donc de travailler à 25°C pendant la phase fermentaire et de monter ensuite à 30 à 35°C une fois la fermentation alcoolique finie.

6 Réduisez le temps de cuvaison

Plus les macérations et les fermentations sont longues, plus on extrait de matière, car l'alcool est un solvant. Ainsi Bertrand Daulny recommande-t-il des durées de cuvaison de huit à quinze jours si la maturité n'est pas optimale. Francine Calmels conseille des cuvaisons encore plus courtes : cinq à six jours maximum. « Dès que les sucres sont terminés, il faut décuver et travailler ensuite les vins de presse à part, voire même les passer dans de vieux fûts pour les adoucir », ajoute-t-elle.

Éric Grandjean estime qu'il faut également éviter le décuvage mécanique avec un décuveur à vis.

7 Faites des extractions plus douces

Remontage et pigeage doivent se pratiquer en douceur. « Il faut favoriser l'extraction en début de fermentation jusqu'à une densité de 1 040. Après, il y a trop d'alcool et on risque d'extraire des tanins désagréables », prévient Pascal Hénot. La fréquence et la durée des remontages et des pigeages doit donc aller en diminuant à mesure que la fermentation avance. Éric Grandjean recommande de privilégier les remontages, car cette méthode est plus douce.

8 Les copeaux en renfort

À Gaillac, si les viticulteurs veulent élaborer des vins de pays, ils peuvent apporter des copeaux frais lors de la fermentation. « Ils gagneront alors en sucrosité », observe Francine Calmels.

Dans le Bordelais, où les copeaux sont autorisés dans les cahiers des charges, Pascal Hénot les conseille également. « Judicieusement choisis entre le frais et le grillé, ils peuvent favoriser l'expression du fruit. En général, on les apporte au moment de l'encuvage, voire éventuellement lors de l'écoulage », spécifie l'œnologue.

9 Réduisez la durée d'élevage en fût

Éric Grandjean précise que les vins élaborés à partir de vendanges peu mûres sont plus fragiles. Huit à douze mois d'élevage en fût suffisent au lieu de huit à dix-huit habituellement.

En blanc, débourbez plus sévèrement

Éric Grandjean, du centre œnologique de Bourgogne, conseille de ne pas fouler la vendange blanche et de travailler avec des grappes entières. Il recommande également d'augmenter la durée de pressurage (deux heures à deux heures trente) et de réduire les rebêches. Il est également indispensable de séparer les dernières presses et de les coller avec de la caséine ou de la PVPP pour éliminer un maximum de polyphénols et de molécules herbacées. Ensuite, il faut réaliser un débourbage plus intense pour éliminer les composés herbacés qui se situent dans les parties solides et, éventuellement, faire un collage. Toutefois, la clarification risque d'être plus difficile, car les raisins seront riches en pectines. Olivier Roustang, à Rhône œnologie, recommande donc d'ajouter des enzymes au moment du débourbage.

Si l'acidité est élevée et le Ph bas, le SO2 est plus actif. « En blanc, on peut mettre entre 3 et 5 g/hl », avance Éric Grandjean. Quant à la levure, l'idéal est d'en privilégier une qui va donner du gras et du volume en bouche, comme la CY3079 pour le chardonnay de Bourgogne.

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