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Magazine - Histoire

Période : Ve siècle avant Jésus-Christ Lieu : site archéologique de Lattara (Lattres), Hérault Le vin gaulois : Une affaire vieille de 2 500 ans

FLORENCE BAL - La vigne - n°256 - septembre 2013 - page 75

Les Gaulois auraient commencé à produire du vin dès le Ve siècle avant Jésus-Christ, soit quatre siècles plus tôt qu'on ne le pensait. Reste à savoir qui leur a appris.
FOUILLES SUR LE SITE DE LATTARA, dans l'Hérault. C'est là qu'a été trouvée la pierre de pressurage (ci-dessous) ayant servi à faire du vin dès le Ve siècle avant J.-C. © UFRAL

FOUILLES SUR LE SITE DE LATTARA, dans l'Hérault. C'est là qu'a été trouvée la pierre de pressurage (ci-dessous) ayant servi à faire du vin dès le Ve siècle avant J.-C. © UFRAL

Du vin aurait été élaboré en Languedoc par les Gaulois dès la fin du Ve siècle avant Jésus-Christ, soit quatre siècles plus tôt que ce que les scientifiques avaient attesté jusqu'à présent. C'est le principal enseignement d'un article publié début juin dans la revue « Proceedings of the National academy of sciences of the United States of America » (ou PNAS), fruit d'une collaboration entre le laboratoire français d'archéologie des Sociétés méditerranéennes et deux chercheurs américains, Patrick McGovern, archéologue biomoléculaire de l'université de Pennsylvanie, et Benjamin Luley, de l'université de Chicago.

Ces chercheurs ont analysé les résidus organiques prélevés à l'intérieur de trois amphores étrusques (500-475 av. J.-C.) et sur une maie de pressoir en pierre calcaire (425-400 av. J.-C.) trouvées sur le site archéologique de Lattara (Lattes), dans l'Hérault. Sur les quatre objets, ils ont trouvé de l'acide tartrique, « le biomarqueur de la vigne et du vin », relate Nuria Rovira, chercheuse du laboratoire français et cosignataire de l'article.

Cette découverte confirme la présence de vin dans ces amphores. Ils confortent l'hypothèse de son exportation par voie maritime depuis l'Italie centrale, à l'époque l'Étrurie, le pays des Étrusques, vers la France méridionale, où il alimentait un marché et un intérêt grandissants. Les chercheurs ont également trouvé des traces de plantes aromatiques (romarin, thym et basilic) et de résine de pin dans les trois amphores, ce qui renforce l'idée qu'elles contenaient du vin. À l'époque, il était en effet aromatisé à l'aide de ces plantes.

Mais la découverte la plus intéressante concerne la pierre de pressurage. Le fait qu'elle porte des traces d'acide tartrique prouve qu'elle a servi à presser des raisins et non des olives, comme les chercheurs le pensaient jusqu'alors. « C'est la preuve la plus ancienne de vinification en Gaule. Nous l'avons trouvée sur un site fortement peuplé d'indigènes, poursuit Nuria Rovira. Cela nous indique que les Gaulois, peuple local et autochtone, produisaient des vins. Ils se sont approprié cette culture importée. » Importée par qui ? Les Étrusques ? Les Grecs ? Les deux ? C'est là que les interprétations diffèrent.

« Les Celtes natifs de Lattara ont eu besoin du savoir et de l'expérience des Étrusques pour planter leur propre vignoble et commencer à faire du vin », avance Patrick McGovern dans l'article paru début juin dont il est l'auteur principal. « La possibilité d'un apport de plants de vigne de l'Étrurie est une hypothèse de travail », nuance Nuria Rovira.

Les archéologues de Lattara savent que les Étrusques étaient présents sur le site entre 525 et 475 av. J.-C. puisque du mobilier étrusque a été retrouvé dans une maison. « Leur présence montre simplement qu'il n'y a pas que les Grecs qui sont arrivés là avec un savoir-faire, une tradition et une culture de la vigne et du vin », observe Nuria Rovira. Elle ne prouve pas qu'ils ont participé à l'établissement d'un vignoble et d'ateliers de vinification.

En réalité, la présence d'un vignoble dans la région est formellement attestée seulement à partir des IIIe et IIe siècles avant notre ère. Ce vignoble a été découvert à 500 mètres du site de Lattara, sur le site voisin de Port Ariane. Et rien ne prouve qu'il n'a pas été installé par les Grecs, arrivés à Marseille au VIe siècle av. J.-C. et qui auraient fondé un comptoir à Agde dès cette époque.

Pour établir comment la vigne a été domestiquée dans cette région, les scientifiques comparent l'ADN des antiques pépins de raisins trouvés sur place avec les cépages actuels. Sans résultats pour l'instant. « Les origines de la viticulture et de la viniculture en France ne sont pas complètement élucidées », conclut Nuria Rovira. Et les chercheurs s'attellent toujours à comprendre comment la viticulture, née au Moyen-Orient il y a 6 000 ans, a traversé la Méditerranée pour s'établir en Languedoc et en Provence.

La suite de l'histoire, en revanche, est mieux connue. L'arrivée des Romains à la fin du Ier siècle avant Jésus-Christ stimulera la culture de la vigne en Gaule. Même si le rôle prééminent de la France dans la culture du vin n'apparaîtra qu'à partir du XIIe siècle, avec l'arrivée des moines cisterciens.

<p>« Beginning of viniculture in France », de Patrick McGovern et huit coauteurs, PNAS.</p> <p>« Nouvelles données sur l'origine de la viniculture en France », Nuria Rovira, laboratoire d'archéologie des Sociétés méditerranéennes.</p> <p>« Le vin, nectar des dieux, génie des hommes », pôle archéologique du département du Rhône.</p> <p>« Vins, vignes et vignerons », Marcel Lachiver, éd. Fayard.</p>

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