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ACTUS - FRANCE

« Que Choisir » voit trop de résidus »

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°257 - octobre 2013 - page 16

Médias La revue « Que Choisir » a fait analyser les résidus de produits phytosanitaires dans 92 vins. Tous en contiennent ne serait-ce que des traces, y compris les vins bios. Les teneurs sont sans danger.
Les résidus de produits phytos trouvés dans les vins analysés pour « Que Choisir » sont bien inférieurs aux limites maximales de résidus. © J.-C. GUTNER

Les résidus de produits phytos trouvés dans les vins analysés pour « Que Choisir » sont bien inférieurs aux limites maximales de résidus. © J.-C. GUTNER

« La peste soit des pesticides. » C'est sous ce titre fracassant que le magazine « Que Choisir » a publié dans son numéro d'octobre une énième enquête sur les résidus de produits phytosanitaires dans les vins. Ses auteurs ont fait analyser 92 vins de différentes régions de France, majoritairement de 2010, 2011 et 2012, vendus entre 1,60 et 15 euros TTC le col en grandes surfaces et chez des cavistes. Tous ces vins contiennent des résidus. Mais comme le souligne « Que Choisir », les teneurs sont bien inférieures aux limites maximales de résidus (LMR) fixées pour les raisins de cuves. Les vins bios ne sont pas épargnés. La revue en a analysé dix. « La plupart d'entre eux ne renferment qu'un ou deux résidus à l'état de traces. Toutefois, quatre bouteilles hébergent des teneurs non négligeables de phtalimide (produit de dégradation du folpel, NDLR) », écrit-elle.

À la lumière de ces résultats, le magazine estime « qu'édicter des LMR crédibles pour le vin serait salutaire pour les consommateurs comme pour les vignerons ».

Une interprétation alarmiste

Le laboratoire girondin Excell a réalisé ces analyses. Il a recherché 165 molécules et en a détecté 33. Les cinq vins les plus contaminés sont de Bordeaux, avec des quantités de résidus allant de 441 μg/kg pour le bordeaux rosé Baron de Lestac 2012 à 1 682 μg/kg pour le graves blanc Château Roquetaillade Le Bernet 2011. Le bordeaux Mouton Cadet 2010 bat le record du nombre de molécules détectées avec quatorze résidus (traces comprises), pour une teneur totale de 450 μg/kg.

Pointé du doigt par notre confrère, Mouton Cadet ne semble pas en avoir souffert. « Nous ne contestons pas ces résultats, mais l'interprétation qu'en fait "Que Choisir", précise Philippe Degrendel, le directeur technique des marques chez Baron Philippe de Rothschild, le propriétaire de Mouton Cadet. La revue est très alarmiste alors que les teneurs retrouvées sont bien inférieures aux limites réglementaires. De plus, elle présente les résultats en faisant la somme des résidus, ce qui n'a aucun sens sur le plan toxicologique. Mouton Cadet est un vin d'assemblage de toute la Gironde Nous travaillons avec 400 vignerons. Il est logique d'y retrouver plus de molécules que dans les vins d'un seul domaine n'effectuant qu'un programme de traitement. Et nous incitons nos partenaires à raisonner leurs traitements. »

« Que Choisir » pointe également la présence de carbendazime dans dix-neuf échantillons, dont cinq où elle a pu être quantifiée. Or, comme le rappelle la publication, cette matière active ne bénéficie plus d'autorisation de mise sur le marché depuis 2007 en France. N'ayant pas plus de précisions, les lecteurs sont tentés de penser que des vignerons ont fraudé. Mais il y a une autre explication. « Le carbendazime est un produit de dégradation du thiophanate-méthyl autorisé contre la pourriture grise sous le nom de Topsin 70. Deux de nos fournisseurs l'ont utilisé en 2010. C'est un produit extrêmement persistant. Nous ne sommes pas étonnés de le retrouver », avoue Philippe Degrendel.

« Un taux conforme aux normes »

Pour Pascal Chatonnet, le directeur du laboratoire Excell, il n'y a pas de catastrophe. « Quels que soient les vins analysés, les consommateurs ne courent aucun risque toxicologique, assure-t-il. Par rapport à des études antérieures de "Que choisir", on note plutôt une diminution de la quantité de résidus et du nombre de molécules détectées. »

Philippe Bardet, le président de la commission technique du CIVB, n'est pas non plus inquiet des résultats. « 2011 et surtout 2012 ont été deux années de forte pression phytosanitaire. Les viticulteurs ont dû réaliser davantage de traitements pour protéger la récolte. Or, malgré ces circonstances exceptionnelles, le taux de résidus est conforme aux normes. » Il insiste sur les progrès réalisés par la filière pour mieux raisonner les traitements. « Mais il faut poursuivre les efforts », indique-t-il.

Réagissant à cette enquête, la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) demande que « l'État fasse la promotion de la viticulture bio et de l'agriculture biologique en général, à l'aide d'une taxe significative sur les produits phytosanitaires ». Elle souligne que « les vins bios sont la seule garantie sérieuse ». Elle « rejoint les consommateurs dans leurs revendications de plus de garantie concernant les pesticides dans le vin ».

Des retombées négatives aux Pays-Bas

 © M. WALLICAN

© M. WALLICAN

Aux Pays-Bas, l'enquête du magazine « Que Choisir » a fait beaucoup de bruit et nuit à l'image des vins français. Le 25 septembre, plusieurs quotidiens nationaux et régionaux, radios et télévisions ont parlé de « résidus de produits phytosanitaires dans les vins français qui seraient nocifs pour la santé, voire cancérigènes », rapporte Michèle Lainé, du bureau de la Sopexa des Pays-Bas. Suite à cette déferlante médiatique, l'eurodéputée néerlandaise Esther de Lange (photo) a déclaré au quotidien « Algemeen Dagblad » que « l'Europe doit à présent écouter les pays consommateurs, au lieu de seulement écouter les pays producteurs, et analyser le contenu des vins français ». La Sopexa et FranceAgriMer ont donc diffusé à la presse néerlandaise un communiqué au nom du Comité national des interprofessions viticoles et de l'Institut français de la vigne et du vin qui se veut rassurant. Depuis, les choses semblent s'être calmées.

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