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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Le métayage protège de l'ISF, sous condition

JACQUES LACHAUD - La vigne - n°258 - novembre 2013 - page 106

Pour échapper à l'ISF, un Champenois a mis ses vignes en métayage et argumenté qu'il s'agissait de biens professionnels. Mais cela n'est pas suffisant. Il faut aussi que les revenus tirés du métayage constituent l'essentiel des ressources du propriétaire bailleur.

Barnabé est un vigneron à la tête d'un beau domaines champenois. Ses vignes couvrent pas moins de dix hectares ! L'homme est à l'abri de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) car ces terres de grande valeur sont des biens professionnels au sens du code général des impôts (CGI, art. 885 N).

Tout semble lui sourire, jusqu'au jour où il est brutalement terrassé par un accident cérébral. Barnabé perd l'usage de ses membres inférieurs. Il n'est plus en mesure de diriger l'exploitation. Il lui faut déléguer cette tâche soit en constituant une société, soit en donnant à bail.

Une question se pose alors : le fait de mettre les vignes en bail leur enlève-t-il leur caractère de bien professionnel ? Oui, sous deux conditions. Le CGI (art. 885 P) indique : « Les biens donnés à bail à long terme [...] sont considérés comme des biens professionnels à condition, d'une part, que la durée du bail soit au minimum de dix-huit ans et, d'autre part, que le preneur utilise le bien dans l'exercice de sa profession principale et qu'il soit le conjoint du bailleur, l'un de leurs frères et soeurs, l'un de leurs ascendants ou descendants ou le conjoint de l'un de leurs ascendants ou descendants. » Reste à savoir : bail à ferme ou métayage ? Dans un bail à ferme, Barnabé redoute de perdre la direction de son exploitation.

Son notaire lui conseille alors de consentir un bail à métayage. Les parties décident d'écrire leur propre convention sans utiliser le contrat-type champenois. Selon ce contrat, Barnabé supporte les frais d'exploitation à proportion de la partie de récolte reçue. Aux yeux de tous, cela semble la solution idéale : Barnabé resterait exploitant sans participer aux travaux et le vignoble conserverait son caractère de bien professionnel. Il devrait ainsi échapper à l'ISF.

Plusieurs arguments plaident en faveur de cette analyse. Dans le contrat de métayage, le propriétaire n'encaisse pas de loyer, mais bénéficie d'une partie de la récolte. Si celle-ci n'est pas bonne sans qu'on puisse reprocher des fautes à l'exploitant, le propriétaire ne percevra aucun bénéfice alors qu'il aura participé aux frais. Le bailleur à métayage est un exploitant agricole et peut opter pour la TVA (inscription fiscale du 28 février 2005). Il est soumis à l'impôt sur le revenu agricole (art. 64 du CGI) comme il est, du reste, cotisant à la MSA (art. 752-1 du code rural). Enfin, le bien en métayage est un outil de travail au sens de la réglementation applicable à l'ISF (mémento Lefebvre 2006, n° 6542).

Voilà pour les textes. Qu'en est-il de la jurisprudence ? Voit-elle également en Barnabé un coexploitant dont les terres ne doivent pas être soumises à l'impôt sur le revenu ? Une analyse détaillée met fin aux espérances de Barnabé d'échapper à l'ISF grâce au métayage. Le 6 octobre 1998, la Cour de cassation a déclaré que, pour échapper à l'ISF, il faut aussi que les bénéfices tirés du contrat de métayage constituent l'essentiel des revenus du propriétaire. Or, ce n'est pas le cas pour notre vigneron.

Ce principe a été confirmé par un arrêt du 26 juin 2007. Cette fois-ci, il a été jugé que les terres données à métayage constituaient un bien professionnel exclu de l'ISF parce que la majeure partie des revenus du propriétaire provenait bien de sa part de récolte reçue en métayage. Pour que des vignes échappent à l'ISF, il faut donc qu'elles procurent au bailleur sa ressource principale. Ainsi, un richissime étranger qui achèterait des vignes et les donnerait en métayage ne pourrait prétendre être dispensé de l'ISF.

Dernier point : si le propriétaire donne à bail à d'autres personnes que ses proches (art. 885 P du CGI), l'ISF subsiste mais la valeur vénale des biens imposés ne sera retenue que pour un quart de cette valeur jusqu'à 101 887 euros et à 50 % pour une valeur supérieure.

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