Des générateurs simples et robustes. Les générateurs de cristaux d'iodure d'argent employés par l'Anelfa sont composés d'une bouteille d'air comprimé reliée à un réservoir d'iodure d'argent dissous dans de l'acétone. L'air comprimé pousse la solution vers le gicleur de précision qui se trouve au fond de la chambre de combustion. La solution est pulvérisée, puis enflammée à l'aide d'une allumette. L'iodure d'argent s'élève dans les nuages où il se disperse au gré du vent. Chaque alerte entraîne une utilisation des générateurs pendant environ 10 heures. Le dispositif brûlant 1,1 litres de solution par heure, 11 litres sont nécessaires par alerte.
Comment se forme la grêle ?
La grêle est une précipitation de grains de glace d'au moins 5 mm de diamètre. Un orage de grêle type débute par l'apparition, au courant de l'après-midi, de cumulus blancs dans un ciel limpide. Leur base reste à 2 km au-dessus du sol, mais leur sommet s'élève jusqu'à 15 km d'altitude, où la température est très inférieure à 0°C. Des gouttelettes d'eau gèlent. Des précipitations de grésil et de grêle se développent.
Peut-on l'empêcher ?
Dans les années cinquante, des chercheurs américains ont découvert qu'on pouvait diminuer l'impact de la grêle en introduisant dans les nuages de façon préventive des noyaux d'iodure d'argent (AgI), qui aident la glace à se former. En augmentant le nombre de cristaux de glace dans le nuage, on réduit la dimension des grêlons. Ceux-ci tombent alors plus lentement et fondent en partie ou en totalité avant d'atteindre le sol.
Comment la lutte est-elle organisée en France ?
Essentiellement au sein de l'Association nationale d'étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Anelfa) qui coordonne un réseau de lutte par ensemencement des nuages en iodure d'argent. Ce sont des agriculteurs, des agronomes, des physiciens et des élus qui l'ont créée en 1951.
Qui fait partie de l'Anelfa ?
L'Anelfa fédère treize associations départementales ou interdépartementales dans le sud-ouest, le centre et le sud-est de la France. Celles-ci regroupent des bénévoles chargés de mettre en oeuvre la lutte sur le terrain. Chacun d'entre eux possède un générateur d'iodure d'argent confié par l'Anelfa. Chaque association locale a un responsable technique qui forme les bénévoles.
Qui finance cette organisation ?
Les associations locales sont financées, selon les cas, par les conseils généraux ou régionaux, les communes concernées par des cultures ou des biens à protéger, les chambres d'agriculture, les assurances, les syndicats agricoles ou viticoles et des entreprises privées.
Dans le Bergeracois, l'ODG a voté le paiement par les viticulteurs d'une cotisation de 0,50 €/ha en 2012 et 2013, puis de 1 €/ha dès 2014 pour financer l'Adelfa de Dordogne. Créée il y a cinq ans à leur demande, cette association a installé dix-sept générateurs d'iodure d'argent. Les 10 000 euros de cotisation attendus en 2014 couvriront un tiers de son budget.
Quels sont les vignobles couverts par l'Anelfa ?
Les treize associations adhérentes couvrent quinze départements qui englobent de nombreux vignobles. Dans le Sud-Ouest, on trouve le Bordelais, Cognac, le Bergeracois, les Landes et plusieurs vignobles de Midi-Pyrénées. Dans le Sud-Est, les vignobles des Bouches-du-Rhône et de la Drôme sont protégés, tandis que dans le centre de la France, les postes se concentrent sur Sancerre, le Loir-et-Cher, l'Indre et l'Indre-et-Loire.
Comment se déroule une alerte ?
Météo France et Keraunos, l'observatoire français des tornades et orages violents, préviennent l'Anelfa quatre heures au moins avant le début d'un risque d'orage de grêle. Un permanent de l'association déclenche alors un système automatique qui avertit, par téléphone, tous les opérateurs sur le terrain concernés par la zone géographique de l'alerte. Pour chaque poste, l'Anelfa dispose de trois contacts téléphoniques. Si le premier ne prend pas l'appel, le deuxième est contacté, puis le troisième. L'opérateur prévenu se rend alors au générateur et le met en marche. L'ensemencement s'effectue en amont des zones à protéger, ce qui suppose d'avoir repéré la direction des orages responsables des chutes de grêle. Chaque alerte entraîne l'utilisation des générateurs pendant environ 10 heures et chaque poste est mis en marche quinze à vingt fois par an.
Qu'est-ce qu'un générateur ?
Mis au point par l'Anelfa, le générateur de particules glacogènes vaporise de l'iodure d'argent vers les nuages et le diffuse jusqu'à environ 2 km de hauteur. La solution est dosée à 8 g d'iodure d'argent par litre, ce qui permet la production de 200 milliards de noyaux glacogènes par seconde. L'autonomie de fonctionnement d'un générateur est d'environ 30 heures. L'Anelfa essaie d'installer un générateur pour 100 kilomètres carrés. En Haute-Garonne, par exemple, 85 postes sont installés.
Combien cela coûte-t-il ?
Le coût global d'un poste est d'environ 2 000 euros par an. Cette somme comprend le générateur mis à disposition par l'Anelfa et son entretien, la prestation de service de Météo France et Keraunos, la transmission des alertes, l'observation de la grêle (mesure de la durée et de l'intensité des orages) et le coût des consommables. L'Anelfa fabrique sa propre solution d'iodure d'argent, ce qui lui permet d'en maîtriser le coût et la qualité. Elle la rétrocède à prix coûtant aux associations. Elle achète aussi le petit matériel, tels que les gicleurs qu'il faut régulièrement changer, les gants et les lunettes de protection des bénévoles. Elle revend sans marges ces articles aux responsables techniques départementaux qui approvisionnent les opérateurs avant le début de chaque campagne et vérifient que les postes sont en état de marche.
Est-ce efficace ?
Depuis 1987, l'Anelfa installe des grêlimètres près de chaque générateur et dans les départements limitrophes de ceux des associations adhérentes (voir photo). Selon l'association, qui fonde aussi ses dires sur les constats des assureurs, sur les zones protégées, on observe en moyenne une réduction de 42 % du nombre de grêlons de plus de 7 mm. Elle ne sait toutefois pas si l'allumage de tous les générateurs d'un secteur est nécessaire ou non en cas d'alerte orageuse.
En Dordogne, la zone de Saussignac et les vignobles allant du Fleix à Castillon-la-Bataille, non équipés de générateur, ont été grêlés cette année, alors que les secteurs voisins équipés ont été protégés. L'Adelfa de Dordogne est convaincue de l'efficacité du dispositif. Elle s'est récemment abonnée aux alertes de nuit, un orage récent ayant sévi en matinée, ce qui est rare, mais peut être désastreux.
Y a-t-il d'autres méthodes pour lutter contre la grêle ?
Oui, on peut employer des fusées paragrêles chargées d'iodure d'argent, par exemple. Le principe physique est le même qu'avec les générateurs de l'Anelfa. Une centaine de groupements d'agriculteurs, de viticulteurs et de responsables de communes se sont constitués pour se protéger par ce moyen. Une fois la zone à couvrir définie, ils installent des rampes de lancement tous les 1 ou 2 km. Quand l'orage arrive, deux à trois tirs par poste, à 5 minutes d'intervalle, suffisent. Les fusées, achetées en gros par le groupement, reviennent à environ 250 euros pièce. Il existe aussi des filets paragrêles, pas très adaptés à la vigne, même s'ils sont utilisés en Argentine ; des fusées à haute altitude pour ensemencer les nuages, mais incompatibles avec la circulation aérienne ; des traitements par avion, très coûteux, ou encore les canons antigrêles qui agissent en créant une onde de choc, suite à une détonation très bruyante, qui limite la taille des grêlons.
Selon l'Anelfa, les fusées paragrêles et le canon n'ont fait l'objet d'aucune étude scientifique permettant de vérifier leur efficacité. Et l'Organisation météorologique mondiale déclare qu'il n'existe aucune base scientifique qui puisse justifier l'utilisation des canons à onde de choc.