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VIN

Le défaut phénolé fait débat

GRÉGORY PASQUIER - La vigne - n°259 - décembre 2013 - page 48

Une chercheuse a démontré qu'en fonction de leur âge ou de leur profession, les professionnels du vin ne notent pas le défaut phénolé de la même façon. L'explication viendrait de l'apprentissage qu'ils ont reçu.
LES DÉGUSTATEURS DE MOINS DE 50 ANS notent le défaut phénolé avec une intensité plus élevée que les plus de 50 ans. © P. ROY

LES DÉGUSTATEURS DE MOINS DE 50 ANS notent le défaut phénolé avec une intensité plus élevée que les plus de 50 ans. © P. ROY

SOPHIE TEMPÈRE, post-doctorante à l'Institut des sciences de la vigne et du vin de Bordeaux (Gironde), a mené une étude pour « comprendre pourquoi il y a un tel débat et une telle diversité de perception et d'appréciation du caractère phénolé dans les vins ».

Elle a mené un premier essai à Saint-Émilion (Gironde) avec 72 dégustateurs professionnels. « Il y avait des oenologues, des viticulteurs, des courtiers, des négociants, des techniciens de laboratoire oenologique, des hommes et des femmes de tous les âges », précise-t-elle. Elle leur a présenté plusieurs verres. La moitié contenait un vin rouge sans phénol volatil et l'autre moitié le même vin additionné de 380 µg/l d'éthylphénol, un taux très proche du seuil de détection qui est de 400 µg/l.

Les oenologues perçoivent mieux le défaut phénolé. À ce niveau de concentration, « avec un vin assez simple comme celui qui avait été choisi, 85 % des dégustateurs ont décelé le défaut phénolé et ont pu juger de son intensité », indique la chercheuse. Pour aller plus loin, elle a croisé la note attribuée au défaut par chaque dégustateur avec ses caractéristiques socioprofessionnelles. Elle a ainsi pu montrer que les sujets de plus de 50 ans notent le défaut phénolé avec une intensité plus faible que les moins de 50 ans. Pourtant, « les sujets plus âgés n'ont pas des capacités olfactives moindres ». Mais l'odeur de sueur de cheval, typique du caractère phénolé, n'a été considérée comme un défaut qu'à partir des années quatre-vingt-dix. « Les gens qui ont suivi des cours d'oenologie à cette époque y ont été davantage sensibilisés. » Ils le notent donc plus sévèrement.

Ces résultats se confirment « si on s'intéresse à la profession du panel ». Lors de la dégustation réalisée à Saint-Émilion, les oenologues, qui ont suivi une formation dans une faculté d'oenologie, ont accordé une note plus élevée à l'intensité du défaut phénolé que les professionnels qui n'ont pas eu accès aux mêmes cours. « Ils ont également un seuil de perception des éthylphénols dans l'eau et dans le vin plus faibles. » Ils le décèlent donc à des niveaux plus bas.

« Comprendre la diversité de perception. » Dans une autre série de tests, Sophie Tempère a démontré que le jugement des oenologues vis-à-vis de ce défaut est plus systématique. Dès qu'ils détectent le caractère phénolé dans un vin, ils considèrent que ce vin présente un défaut. Les autres professionnels « sont plus réservés dans leur jugement ». Ils peuvent sentir la sueur de cheval sans pour autant considérer, dans tous les cas, que c'est un défaut.

Tout est donc une question d'apprentissage et « bien que l'on considère que le caractère phénolé est un défaut puisqu'il masque les notes fruitées et de typicité des vins, nous ne sommes pas là pour dire que les gens de plus de 50 ans ou qui n'ont pas eu une formation dans une faculté d'oenologie ne jugent pas correctement ce défaut. Au contraire, la diversité des perceptions fait la richesse de la dégustation. Cette étude permet simplement aux spécialistes de s'interroger sur leur jugement et de mieux comprendre la diversité de perception du caractère phénolé au sein de la profession », conclut Sophie Tempère.

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