Retour

imprimer l'article Imprimer

VENDRE - Observatoire des marchés

Vins biologiques Marché encombré

FLORENCE JACQUEMOUD - La vigne - n°259 - décembre 2013 - page 58

Les surfaces de vignes bios se multiplient, mais les ventes, bien qu'en forte progression, ne suivent pas le même rythme. La filière tente de se structurer pour s'ouvrir à de nouveaux marchés et promouvoir ses vins auprès du grand public.

« Le problème avec les vins bios, c'est que nous sommes très pauvres en chiffres ! reconnaît Richard Doughty, vigneron dans le Bergeracois et nouveau président de France vin bio, la fédération nationale interprofessionnelle des vins biologiques. Nous ne connaissons que les surfaces cultivées ou en conversion, mais nous ne savons rien sur les rendements et les volumes produits ou vendus, avec ou sans référence à l'agriculture biologique. Les chiffres présentés par l'Agence bio sont des extrapolations. »

Les chiffres nous apprennent toutefois que les surfaces en vignes bios ont fait un bond spectaculaire ces dernières années. De 22 500 ha en production et conversion exploités par 1 907 vignerons en 2007, la filière est passée à 40 000 ha certifiés en 2012, auxquels s'ajoutent 23 400 ha en conversion, aux mains de 4 593 vignerons.

En cinq ans, les surfaces cultivées en bio ont progressé de 188 % et le nombre d'exploitants de 158 %. En 2013, si l'on cumule la surface certifiée Agricutlure biologique (AB) de 2012 et les 10 990 ha en troisième année de conversion bio, le vignoble biologique certifié occupe environ 50 700 ha et représente 8,2 % du vignoble national.

Grand écart. Selon l'Agence bio, les volumes de ces vins ont augmenté de 41 % entre 2011 et 2012. Si l'on considère un rendement moyen de 40 hl/ha sur 39 700 ha de vignes cultivées en bio, la production 2012 s'établit à 1,59 million d'hectolitres. Or, l'Agence bio estime que 855 000 hl de vin bio ont été commercialisés en 2012. Des ventes en hausse de 15 % en volume sur l'année précédente. Un calcul simple qui montre que si les ventes avaient progressé au même rythme cette année, elles se seraient élevées à 983 000 hl. Soit un chiffre bien inférieur à la récolte 2012. Un autre calcul tout aussi simple montre que cette récolte correspond presque au double des volumes vendus la même année.

Entre la production et les ventes, l'écart est donc immense ! « Et vu les hectares de vignes en fin de conversion, qui seront certifiés ces prochaines années, nous attendons de gros volumes supplémentaires d'ici deux à trois ans, poursuit Richard Doughty. Nous allons devoir trouver le double de clients. »

« Sur certaines appellations, en Languedoc-Roussillon, il commence en effet à y avoir du stock. Car depuis deux ou trois ans, la production se développe plus vite que les ventes, confirme Gilles Louvet, producteur et important négociant en vins bios, à Narbonne (Aude). Tous les produits ne trouvent pas preneur. Mais pendant longtemps, ça a été le contraire. C'est cyclique. Il faut juste qu'un ajustement se fasse. »

Même s'il semble que les prix se soient maintenus en 2013, l'accumulation de stocks finira par peser sur l'économie des exploitations concernées. Une situation qui profite aux acheteurs. Gilles Louvet reconnaît qu'il a un très large choix, mais il préfère « faire monter la qualité plutôt que jouer sur les prix ».

Vers d'autres marchés. De gros volumes peuvent aussi ouvrir de nouveaux débouchés, comme en grande distribution, où se font 20 % des ventes de vins bios en France, ou en restauration collective, un marché encore quasiment inexploité. « Ces deux secteurs trouvaient la production biologique trop confidentielle, rappelle Richard Doughty. Mais maintenant que des caves coopératives s'y mettent et que des groupements se forment pour vendre du vrac, la commercialisation va pouvoir évoluer. »

Moins affirmatif, Gilles Louvet estime que les enseignes de la grande distribution ne semblent pas avoir la volonté de développer leur linéaire de vins bios. « Si nos vins ont toujours leur place en rayon, c'est parce que les enseignes en ont fait un axe de communication, mais ils ne sont pas rentables pour elles. Les rotations ne sont pas suffisantes. Les volumes vendus par les magasins sont très bas par rapport à ce qu'ils ont l'habitude de brasser. Quant à la restauration collective, tout reste à faire. Les fournisseurs de ces établissements n'étant pas des vendeurs de vin, ils ne pensent même pas à proposer des vins bios, qui doivent représenter à peine 2 % de leur catalogue. »

Communiquer des valeurs. Pour les opérateurs de la filière, la seule solution est de stimuler la demande des consommateurs. Et pour cela, il faut communiquer. Pas facile pour une filière qui n'a pas de budget et qui doit promouvoir un produit alcoolisé !

« Nous devons mettre l'accent sur la qualité des vins biologiques, sur les avantages pour l'environnement et la santé des producteurs et des consommateurs, mais aussi sur l'aspect civique de la production biologique, détaille Cendrine Vimont, responsable communication de Sud vin bio. Les exploitations viticoles bios emploient deux fois plus de main-d'oeuvre que les exploitations conventionnelles. Dans un premier temps, ce serait aux pouvoirs publics de communiquer sur ces sujets. Ils ont voulu développer les surfaces en bio. Maintenant, il faut qu'ils nous aident à accroître la consommation. »

Mais le gouvernement ne semble pas prêt à mettre la main à la poche. En août dernier, lors de sa visite dans le vignoble bordelais, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a expliqué au Syndicat des vignerons bios d'Aquitaine qu'il était de la responsabilité des bios de développer leur marché et de se poser la question de l'adéquation de leur offre à la demande.

Une filière mieux structurée

Créée en septembre dernier, à la place de la FNIVAB (Fédération nationale interprofessionnelle des vins de l'agriculture biologique), la fédération France vin bio a pour mission de structurer la filière et de promouvoir les vins biologiques. « Nous regroupons les associations interprofessionnelles de Champagne, du Val de Loire, d'Aquitaine et du Languedoc-Roussillon. Nous représentons la moitié des producteurs et négociants de la filière, indique Richard Doughty, président de France vin bio. Mais nous aimerions que d'autres se créent dans les bassins producteurs qui n'en ont pas, comme la région Paca. Nous voulons également travailler avec les interprofessions conventionnelles, avec lesquelles nous avons de bonnes relations. Elles pourraient nous aider à mettre en place une communication à destination du grand public, mais aussi à recueillir des données chiffrées sur les volumes produits et les ventes en bio. » France vin bio veut structurer des réseaux qui pourront avoir accès à de nouveaux marchés plutôt que de laisser s'installer une situation de crise. « Nous sommes sur la bonne voie », assure le président.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :