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AU COEUR DU MÉTIER

« Toujours à la recherche de nouveaux clients »

FLORENCE BAL - La vigne - n°260 - janvier 2014 - page 20

À JURANÇON, Sébastien Bordenave-Coustarret et sa mère ne ménagent pas leur peine pour vendre leurs vins. Pour mener tout de front sur leur petit domaine, ils comptent beaucoup sur la force des groupements de vignerons.
SÉBASTIEN BORDENAVE-COUSTARRET récolte en cagettes de 20 à 25 kg. Cette parcelle de petit manseng a été vendangée le 1er décembre à 16,5° au lieu de 19 habituellement. PHOTOS F. BAL

SÉBASTIEN BORDENAVE-COUSTARRET récolte en cagettes de 20 à 25 kg. Cette parcelle de petit manseng a été vendangée le 1er décembre à 16,5° au lieu de 19 habituellement. PHOTOS F. BAL

ISABELLE ET SÉBASTIEN DISPOSENT D'UN LOCAL POUR ÉTIQUETER et encartonner leurs bouteilles. Leur étiqueteuse est une CDA d'une capacité de 1 400 bouteilles à l'heure.

ISABELLE ET SÉBASTIEN DISPOSENT D'UN LOCAL POUR ÉTIQUETER et encartonner leurs bouteilles. Leur étiqueteuse est une CDA d'une capacité de 1 400 bouteilles à l'heure.

LE TABLEAU DE BORD DE LEUR EXPLOITATION

LE TABLEAU DE BORD DE LEUR EXPLOITATION

SÉBASTIEN BORDENAVE-COUSTARRET vérifie son pressoir Vaslin avant les dernières vendanges de moelleux prévues fin novembre.

SÉBASTIEN BORDENAVE-COUSTARRET vérifie son pressoir Vaslin avant les dernières vendanges de moelleux prévues fin novembre.

FIN NOVEMBRE, COMME LES FERMENTATIONS NE SONT PAS ENCORE ACHEVÉES et que le chai est déjà froid, Sébastien enveloppe cette cuve d'une toile aluminée afin d'éviter les déperditions de chaleur.

FIN NOVEMBRE, COMME LES FERMENTATIONS NE SONT PAS ENCORE ACHEVÉES et que le chai est déjà froid, Sébastien enveloppe cette cuve d'une toile aluminée afin d'éviter les déperditions de chaleur.

Sur leur petit domaine, mère et fils entretiennent une dynamique commerciale. Ils vendent tout en bouteilles et en direct au caveau, sur de petits salons, sur les marchés et à l'export. « J'adore le commerce, mais j'aime aussi être vigneron », affirme Sébastien Bordenave-Coustarret.

Installé avec sa mère Isabelle à Lasseube, dans les Pyrénées-Atlantiques, en appellation Jurançon, ce vigneron de 38 ans consacre plus de la moitié de son temps à la vente. Et il explique que sur un petit domaine, pour pouvoir assumer tous les facettes de son métier, il faut compter sur des groupements de vignerons.

Vente en direct. Le domaine Bordenave-Coustarret, en polyculture, est situé à 380 mètres d'altitude, face à la chaîne des Pyrénées. Il compte 4,8 ha de vigne, dont 4 en production. Il produit 20 000 bouteilles de trois vins, un sec et deux moelleux, vendus entre 8,50 et 15,50 euros le col au caveau, sur les marchés locaux, dans de petits salons sélectifs et à l'export. Outre la vigne, le domaine compte une quinzaine d'hectares de céréales. L'élevage laitier n'y a plus sa place depuis janvier 2013.

Après le décès de son époux en 1981, Isabelle Bordenave a livré la moitié de la surface en vigne à la coopérative, soit 1,2 ha, et ce jusqu'en 1995. Avec l'aide de son beau-père, Édouard, elle a continué de vinifier deux vins, un sec et un moelleux, qu'elle commercialise en direct aux particuliers. En 1997, Sébastien, titulaire d'un BTS viti-oeno s'installe. Ils sortent de la coopérative. L'exploitation vend alors 9 300 bouteilles par an.

« Après la grêle de 1991, où nous avons perdu 60 % de la récolte, nous avons eu du mal à fournir nos clients, se souvient Sébastien. Dès que nous avons récupéré les volumes destinés à la coop, nous avons eu un bol d'air. Mais il a fallu aller de l'avant pour trouver de nouveaux débouchés. »

Dès 1997, ils aménagent un spacieux caveau d'accueil de 50 m2. Ils instaurent leur week-end portes ouvertes d'avant Noël, désormais traditionnel. Parallèlement, Sébastien commence à développer une clientèle professionnelle « pour libérer du temps et avoir moins de contacts à gérer ». En 1998, un petit grossiste lui ouvre les portes de quelques cavistes en région parisienne et de quelques belles tables en province. Il écoule ainsi environ 1 000 bouteilles par an.

Les ventes progressant, Sébastien et sa mère agrandissent peu à peu leur vignoble. Tous les ans, ils plantent entre 10 et 30 ares. Le petit manseng devient majoritaire (55 % en 2013). Sébastien installe également du courbu pour se diversifier et, récemment, 30 ares de camaralet de Lasseube, un cépage blanc local remis au goût du jour.

Leur cuvée majoritaire est un assemblage de gros et petit manseng, un jurançon moelleux type vendu 10 euros le col. Leur haut de gamme s'appelle le Barou, un 100 % petit manseng, moelleux également. Ce vin est élevé de douze à quatorze mois en fûts (un tiers neuf, un tiers un vin et un tiers deux vins). Habituellement, la récolte se termine fin novembre. Cependant, cet automne, les pluies ont joué les trouble-fête. Sébastien a récolté ses derniers petits mansengs le 1er décembre, à 16,5° seulement, contre 19° en général. Il ne fera pas sa cuvée le Barou pour la première fois depuis 1993.

En 2004, il fait faire un saut qualitatif à son unique vin sec en le transformant en « un produit haut de gamme de gastronomie » qu'il dénomme Renaissance (8,50 euros le col). Cette cuvée est composée à 80 % de petit manseng et à 20 % de courbu. Le vigneron arrête les tries successives. Il attend une maturité poussée du petit manseng, de 15 à 16°, alors qu'il les récoltait auparavant à 12-13°. Les deux cépages fermentent ensemble et sont élevés huit à dix mois en cuve. « J'ai gagné en richesse et en concentration, commente-t-il. Cette cuvée est originale et qualitative. Elle plaît. Elle est très appropriée à l'export, où il y a une demande prioritaire sur les blancs secs. Elle nous ouvre des portes pour ensuite placer nos moelleux. »

Progression à l'export. Tous deux adorent l'accueil et le contact avec les clients. La vente aux particuliers leur procure plus de 80 % de leur chiffre d'affaires. Mais rien n'est acquis. En 2013, les ventes au caveau ont légèrement diminué. « Il faut tout le temps entretenir une dynamique commerciale pour trouver de nouveaux clients et pérenniser les ventes », admettent-ils.

Forts de ce principe, ils se rendent « au plus près des vacanciers » l'été. « Je vais les chercher jusque sur la côte basque », détaille Isabelle, qui participe à une vingtaine de marchés de producteurs pilotés par le réseau Bienvenue à la ferme. Les touristes adorent rencontrer des vignerons. « Il est important de garder ce lien avec eux », assure-t-elle.

En 2008, ils participent pour la première fois au Salon des vins de Mansle (Charente), organisé par le Rotary club près d'Angoulême. Le bouche à oreille aidant, ils développent ce réseau de salons privés sélectifs. « Ils n'ont pas une grande renommée, mais ils sont qualitatifs, peu cher - de 0 à 700 euros le stand - et de ce fait rentables », souligne Sébastien. Aujourd'hui, ils en font dix par an, ce qui génère près du tiers de leur chiffre d'affaires. Lui et sa mère se les partagent. « Chacun a ses habitués », s'amuse Isabelle. « Les salons deviennent vite onéreux, ajoute Sébastien. Dès que le coût du stand dépasse 700 euros, je préfère investir à l'export. »

Sur ce créneau, ils progressent depuis deux ans grâce à leur participation au groupement Vignerons et patrimoine qui leur donne accès à des salons internationaux à moindre coût (voir encadré). « Bien que nous soyons à l'ère d'internet, il est très important de tisser du lien, analyse Sébastien. La rencontre en chair et en os reste fondamentale. »

À ses yeux, ce groupe de dix-neuf vignerons est « un appui très important. C'est notre force. Une belle aventure commune, avec des résultats à la clef. Mais pour durer, nos relations ne doivent pas être purement commerciales. S'il n'y a pas un ciment commun, une chaleur humaine, une convivialité, le groupement est voué à l'échec ».

L'union fait la force. À la vigne aussi, l'union fait la force. Sébastien et sa mère ont beaucoup de matériel en Cuma : rogneuse, décompacteur, porte-outil Arriza, groupe d'embouteillage, etc. Leur pulvé Weber est en copropriété. Et ils viennent d'acquérir une machine à palisser Ero avec deux autres vignerons. « Chez nous, la hauteur de feuillage est à 2,30 m pour des rangs plantés à 2,50 m d'écartement, témoigne Sébastien. Le palissage doit donc être impeccable lors du passage des machines, sinon, on abîme le végétal. Mais c'est un travail très gourmand en main-d'oeuvre, dont l'impact est très lourd sur les charges. » La mécanisation de cette tâche doit lui faire gagner un demi à un trois quarts équivalent temps plein en terme de saisonnier.

Autre association, autre force : Sébastien participe également à un groupe de vignerons travaillant selon la méthode Hérody sur la qualité des sols. « Nous organisons des journées animées par des consultants spécialisés, raconte-t-il. Et nous échangeons beaucoup nos expériences entre nous. » Certains sont bios, d'autres pas. Depuis 2008, il n'emploie plus d'herbicides. Ses vignes sont enherbées et désherbées mécaniquement sous le rang. Il n'utilise plus que des produits de contact pour les traitements de la vigne. « Tout se passe bien », dit-il.

« À Jurançon, les vignerons sont très proches les uns des autres. Nous avons encore les pieds sur terre. Nous ravivons les valeurs d'humanité et d'entraide du Sud-ouest, continue Sébastien. Pour un petit domaine, il est indispensable d'appartenir à des réseaux différents et de les optimiser. »

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QUI A BIEN MARCHÉ

Ils ont choisi de participer à de petits salons, comme ceux de Mansles (Charente) ou de Sévrier (Haute-Savoie), moins onéreux, qui permettent d'étoffer la clientèle particulière.

L'appartenance à différents groupements ou associations de vignerons leur donne accès à du matériel (Cuma et copropriété), à l'export (SAS, voir page suivante) et leur permet d'échanger des idées.

Ils ont pu aménager séparément un chai, un caveau d'accueil, une salle d'étiquetage et un local de stockage. « Avant, nous étions obligés de déplacer en permanence le matériel. L'étiqueteuse encombrait le chai. »

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QU'ILS NE REFERONT PLUS

Ils ne vendent pas assez cher leur jurançon sec Renaissance, un vin produit à petits rendements. Lorsqu'ils l'ont lancé en 2004, ils l'ont commercialisé au même prix que la cuvée précédente : 7 euros. Depuis, ils n'ont pu augmenter le prix que de 1,50 euro. « Nous aurions dû vendre d'emblée cette cuvée plus cher que notre moelleux de base (10 euros). En 2013, le prix d'un tel vin sur le marché est de 12 à 13 euros le col. »

Ils ont arrêté les salons qui durent trois jours ou plus, car ils ne sont pas rentables. Le rapport entre le temps passé et les ventes est mauvais.

LEUR STRATÉGIE COMMERCIALE Actionnaires d'une SAS pour l'export

>> Depuis deux ans, ils commencent à récolter les fruits de leur engagement grâce à Vignerons et patrimoine, une SAS (société par action simplifiée) créée il y a trois ans, notamment pour l'export. Elle regroupe dix-neuf vignerons et 160 vins de toute la France. La société achète et revend les vins de ses membres et dispose d'une plateforme logistique située en Sologne, dans le centre de la France, au domaine du Rin du bois. Avec un commercial à temps plein, elle permet aux vignerons de participer aux salons Vinexpo, Vinisud et ProWein, ainsi qu'à des opérations France export organisées par Ubifrance, pour un montant forfaitaire de 3 000 euros par an. Chacun s'acquitte en sus d'une part variable (entre 3 et 7 %) sur ses ventes de vin et d'un coût de 150 euros supplémentaire tous les trois mois pour assumer les charges. « Nous sommes sur la bonne voie, car le but est que la structure s'équilibre tout en nous aidant à commercialiser nos vins, souligne Sébastien. Elle me donne une visibilité que je ne pourrais pas avoir tout seul. » Le domaine a gagné des clients dans cinq pays supplémentaires. En 2013, la part vendue à l'export est passée de 7 à 13 % du chiffre d'affaires.

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L'exploitation

- Surface : 4,8 ha de vigne, dont 4 en production, 15 ha de céréales et 20 ha de prairies.

- Appellation : Jurançon.

- Cépages : petit manseng, gros manseng, courbu et camaralet.

- Mode de taille : guyot simple et double.

- Densité de plantation : 3 300 et 4 000 pieds/ha.

- Main-d'oeuvre : lui, sa mère, un à un saisonnier et demi équivalent temps plein.

- Production totale : 150 hl.

L'essentiel de l'offre

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