ImprimerL'an dernier, avec un rendement moyen estimé à 42 hl/ha, le Beaujolais est resté loin de son rendement d'appellation fixé à 52 hl/ha. Mais il a fait bien mieux qu'en 2012, année où le vignoble n'avait vendangé que 30 hl/ha, avec des disparités énormes puisque certaines exploitations avaient dû se contenter de 12 hl/ha seulement !
Ce rappel n'est pas anodin : la très faible récolte 2012 pèse sur la campagne qui débute. À cause d'elle, les stocks sont négligeables, voire inexistants. La région ne pourra donc compter que sur le millésime 2013 pour fournir tous ses marchés. Et elle va manquer de beaujolais et de beaujolais villages.
L'ODG estime la pénurie à 60 000 hl pour les deux appellations. « Le calcul est simple, explique le président de l'organisme, Frédéric Laveur. Le volume de vins de garde disponible pour le négoce est d'environ 150 000 hl, alors que ses achats s'élèvent à 210 000 hl par an, en moyenne, sur les trois dernières années. Il manque donc 60 000 hl. »
L'ODG a communiqué ces chiffres à ses adhérents accompagnés d'un mot d'ordre : « Il faut impérativement commercialiser à un minimum de 180 €/hl en beaujolais et 200 €/hl en beaujolais villages. C'est essentiel pour atteindre des chiffres d'affaires indispensables à la survie des exploitations. »
Ces prix se fondent sur ceux des vins primeurs : 220 €/hl pour le beaujolais nouveau et 240 €/hl pour le beaujolais villages nouveau. Ils sont largement supérieurs à ceux qui étaient pratiqués jusqu'en 2011 (le vin de garde était rare en 2012), lesquels avaient atteint des niveaux ridiculement bas, parfois 80 €/hl.
La production se montre confiante pour atteindre ces objectifs. « Nous sommes sereins, affirme Jean-Luc Morion, président du Château des Loges, la cave coopérative du Perréon (Rhône). La qualité du millésime est excellente. Les stocks sont au plus bas et, surtout, la Bourgogne manque de vin. Les négociants bourguignons cherchent des volumes. Mi-décembre, les courtiers échantillonnaient dans tous les sens, bien plus que d'habitude à la même époque. Nous allons essayer d'assurer nos marchés existants et de fournir les négociants avec qui nous travaillons habituellement, mais pas question de brader nos vins à 150 €/hl ! »
Les crus du Beaujolais, dont on estime la récolte entre 42 et 48 hl/ha, misent également sur « l'atout bourguignon » pour soutenir les prix. Rappelons que le négoce replie ces vins en bourgogne, lequel peut contenir jusqu'à 30 % de gamay, ou en bourgogne pinot noir, qui peut renfermer jusqu'à 15 % de gamay issu des crus.
Prix élevés. Gilles Paris, le président de l'ODG qui regroupe les dix crus, martèle : « Notre production va se situer aux alentours de 240 000 à 260 000 hl. Nous devons impérativement profiter de l'absence de stock, de la très bonne qualité générale de nos vins et de la demande des Bourguignons pour valoriser notre production. »
Début décembre, les premiers lots de vins en vrac sont partis sur les bases des prix élevés du millésime 2012 : autour de 300 €/hl pour le brouilly, le juliénas et le morgon, entre 280 et 300 €/hl pour le côtes-de-brouilly, le chiroubles et le chénas, alors que le fleurie et le moulin-à-vent débutaient à 320 et 350 €/hl. « Ce sont les mêmes prix que l'an dernier, mais avec un démarrage de campagne beaucoup plus vif, analyse le courtier Olivier Richard, qui se veut lui aussi optimiste pour la campagne 2014. Même à ces niveaux-là, les crus restent une très bonne affaire pour le négoce bourguignon comparés au bourgogne. »
« La revalorisation des cours sur le marché amont doit absolument s'accompagner d'une augmentation du prix des bouteilles à la propriété, insiste pour sa part Gilles Paris. Il faut que les crus parviennent progressivement au seuil minimum de 10 euros le col en vente directe. »
Si ce n'est pas dit avec autant d'insistance que chez le voisin bourguignon, la montée en gamme des beaujolais est dans tous les esprits, y compris dans le sud, où l'on ne produit que du beaujolais et du beaujolais villages. « Ce sera un point important de notre politique en 2014 », expose Frédéric Laveur. Les prix du vrac connaissant une embellie, l'occasion serait belle en effet de réussir à faire passer une hausse du prix des bouteilles.
Quels volumes de coteaux bourguignons ? Reste une inconnue majeure pour 2014 : la nouvelle appellation Coteaux bourguignons commune au Beaujolais et à la Bourgogne va-t-elle enfin décoller ? La faible récolte 2012 l'avait réduite à la portion congrue.
« Cette fois, cela semble démarrer plutôt bien, annonce Philippe Thillardon, de la cave coop doria. Les prix gravitent autour de 180 à 200 €/hl, voire plus. On voit également des marchés se réaliser en blancs. L'objectif avec cette appellation est double : offrir un débouché valorisé et continu aux producteurs et enlever des volumes des marchés du beaujolais et beaujolais villages de garde. Cette année, on pourrait voir 10 000 hl produits dans le Beaujolais partir en coteaux bourguignons, pour un total de 17 000 à 18 000 hl de cette appellation pour toute la Grande Bourgogne. »
Au final, le Beaujolais semble être prêt à redresser une situation qui paraissait très délicate il y a encore un an. Durant l'été 2012, le CER Rhône avait annoncé que 500 exploitations étaient proches du dépôt de bilan. La faible récolte laissait alors présager le pire.
Aujourd'hui, le CER estime que « seulement » 50 exploitations ont disparu. Les autres ont pu survivre, notamment grâce aux diverses assurances (grêle, tempête et récolte) - estimées à 12 millions d'euros - versées en 2013 sur l'ensemble de la région et à la hausse des prix générale sur ce vignoble depuis 2012.
180 €/HL
C'est le prix minimum auquel l'ODG encourage les producteurs à vendre leurs beaujolais de garde. Ce minimum étant de 200 €/hl pour les beaujolais villages de garde.
Le Point de vue de
Frédéric Descombes, président de la cave de Juliénas-Chaintré (Rhône)
« Nous allons répartir nos volumes avec équité »
Frédéric Descombes © D. B.
« À la cave de Juliénas, nous allons produire environ 9 000 hl de nos diverses appellations, soit essentiellement des juliénas, mais aussi des saint-amours, fleuries, morgons, chiroubles et beaujolais villages, contre 12 500 hl en année pleine. Il nous manque donc plus de 30 % de volume. Mais nous avons quand même plus de vin que l'an dernier après la très petite récolte 2012. Pour nos ventes en bouteilles, nous travaillons avec une Sica (société d'intérêt collectif agricole) créée par la cave en 1967. Elle écoule environ 40 à 45 % de nos vins. Nous vendons le reste en vrac via des partenariats moraux avec une petite dizaine de négociants. Il va nous falloir répartir nos volumes le plus équitablement possible, c'est-à-dire en proportion du pourcentage habituel que prend chaque client. Nous allons également faire attention à la qualité. Nous allons proposer les mêmes cuvées que d'habitude à nos acheteurs, nous n'allons pas garder les meilleures pour nous ! C'est important de le signaler, car nous voulons conserver notre rapport de confiance avec les négociants. Concernant les prix auxquels nous pouvons espérer vendre, c'est encore un peu tôt (mi-décembre, NDLR). On voit que le négoce est un peu plus inquiet qu'à l'accoutumée. Il cherche des volumes, mais il prend le temps de goûter et de choisir ses cuvées. Pour moi, il est important de ne pas encourager la flambée des prix parce qu'il est difficile de la répercuter sur le prix de vente final et que cela demande de retenir les vins avant de les vendre. Or, l'important dans le secteur coopératif, c'est de payer les adhérents à temps. Il faut donc faire attention. On constate par ailleurs que les faibles récoltes que nous connaissons permettent de repartir sur des prix rémunérateurs, même si, évidemment, des volumes réduits augmentent les coûts de production à l'hectolitre. Il faut donc être prudent. »
