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Magazine - Etranger

Nitra Réputée pour ses mousseux

MATHILDE HULOT - La vigne - n°260 - janvier 2014 - page 74

Ce vignoble slovaque a vu naître la première entreprise produisant des effervescents de méthode traditionnelle en dehors de la Champagne. Ses vins restent toujours plébiscités par les consommateurs locaux.
VIGNOBLE DE TOPOĽČIANKY. Le village est situé à une centaine de kilomètres à l'est de Bratislava, au coeur de la région de Nitra. La Slovaquie a beau n'avoir que vingt ans, la viticulture remonte à plusieurs siècles. © PHOTOS M. HULOT

VIGNOBLE DE TOPOĽČIANKY. Le village est situé à une centaine de kilomètres à l'est de Bratislava, au coeur de la région de Nitra. La Slovaquie a beau n'avoir que vingt ans, la viticulture remonte à plusieurs siècles. © PHOTOS M. HULOT

PIED DE DEVIN. Ce cépage a été sélectionné pour sa résistance au froid et au gel. Ce croisement de traminer et de veltliner a la capacité de concentrer les sucres. Il fait la fierté des Slovaques, même s'il n'est pas encore très répandu.

PIED DE DEVIN. Ce cépage a été sélectionné pour sa résistance au froid et au gel. Ce croisement de traminer et de veltliner a la capacité de concentrer les sucres. Il fait la fierté des Slovaques, même s'il n'est pas encore très répandu.

SAMUEL WALDNER (en haut à gauche), fils d'un des propriétaires du château Topol'čianky, et Kamil Benko sont tous les deux chargés du commerce au château. Ils vendent surtout des blancs. Pour les rouges, « il est difficile de rivaliser avec des pays comme le Chili », expliquent-ils.

SAMUEL WALDNER (en haut à gauche), fils d'un des propriétaires du château Topol'čianky, et Kamil Benko sont tous les deux chargés du commerce au château. Ils vendent surtout des blancs. Pour les rouges, « il est difficile de rivaliser avec des pays comme le Chili », expliquent-ils.

ROMAN HOLEC est le directeur technique de Vinidi. La cave, construite très récemment, cherche encore sa voie. Sa capacité de 3 500 hl est encore loin d'être utilisée. « Le business du vin est un business de long terme », reconnaît-il.

ROMAN HOLEC est le directeur technique de Vinidi. La cave, construite très récemment, cherche encore sa voie. Sa capacité de 3 500 hl est encore loin d'être utilisée. « Le business du vin est un business de long terme », reconnaît-il.

LA CAVE D'HUBERT est située au centre-ville de Sered'. Cette société est équipée pour produire des vins mousseux presque entièrement consommés en Slovaquie. Ici, une cuve close. Les moteurs électriques animent des pales qui remettent les lies en suspension.

LA CAVE D'HUBERT est située au centre-ville de Sered'. Cette société est équipée pour produire des vins mousseux presque entièrement consommés en Slovaquie. Ici, une cuve close. Les moteurs électriques animent des pales qui remettent les lies en suspension.

INGRID VAJCZIKOVA, l'oenologue en chef d'Hubert, présente la gamme de vins effervescents comprenant un rosé et des vins sans alcool, comme le Hubert sans alcool ou le Bambino Party, destiné aux enfants.

INGRID VAJCZIKOVA, l'oenologue en chef d'Hubert, présente la gamme de vins effervescents comprenant un rosé et des vins sans alcool, comme le Hubert sans alcool ou le Bambino Party, destiné aux enfants.

Les Slovaques aiment raconter l'histoire compliquée de leur petit et tout jeune pays. Ils ne tarissent pas d'éloges sur la région viticole de Nitra, ville située à une centaine de kilomètres à l'est de Bratislava. Ils affirment que la reine Élisabeth d'Angleterre et d'autres monarques seraient tombés sous le charme de ses vins.

La région compte 3 900 ha de vignes. Elle est considérée comme nouvelle comparée aux traditionnelles Petites Carpates (voir « La Vigne » n° 256) et à Tokaj - célèbre appellation hongroise, dont deux communes sont situées en Slovaquie. En fait, le vignoble de Nitra a surtout été planté pendant l'ère communiste pour produire des vins de masse destinés à la consommation locale, vendus sous l'unique nom de Vínonitra, vin de Nitra.

La région héberge les trois plus grosses sociétés vinicoles de Slovaquie. La numéro un en terme de volume est Hubert. Créée en 1825 par Johann Fischer, elle a été la première à produire des vins selon la méthode champenoise en dehors de la Champagne.

Sous son impulsion, Bratislava est devenu le berceau des vins mousseux d'Europe centrale et la première ville non française à produire ce type de vin. En 1877, la famille Hubert rachète l'entreprise à Johann Fischer. Puis en janvier 2002, elle passe aux mains du groupe allemand Henkell & Co, spécialisé dans les effervescents, propriétaire de la maison de champagne Alfred Gratien en France.

Mousseux simples et doux. Hubert produit 16,7 millions de bouteilles, dont la moitié d'effervescents et l'autre moitié de vins tranquilles et de brandy, produits que la société vend depuis qu'elle a racheté sa consoeur Vitis Pezinok en 2008.

La cave principale et le siège d'Hubert se trouvent désormais au centre de la petite ville de Sered', entre Bratislava et Nitra. La société détient 94 % du marché des bulles en Slovaquie : « Les Slovaques sont habitués à nos vins. Ils n'aiment pas le champagne, sourit Ingrid Vajczikova, la responsable technique d'Hubert. Ils sont très conservateurs ! »

Née en 1975 à Bratislava, Ingrid Vajczikova est diplômée de biotechnologie. Elle est entrée chez Hubert en 2009. Elle nous présente une gamme de mousseux simples mais bien faits, dont le grand succès est la cuvée Hubert de luxe. C'est un mousseux à base d'oliver irsay, un cépage blanc très cultivé dans cette région d'Europe, et de muscat de Moravie. Doux, contenant moins de 8 % d'alcool, et élaboré en cuve close, il s'en est vendu 3,3 millions de cols l'an passé au prix de 4,80 euros la bouteille. « C'est un vin très populaire, surtout pour les fêtes », s'exclame la jeune femme.

À 30 km à l'est de Nitra, à l'opposé de Sered', le château Topol'čianky est une belle bâtisse de style renaissance qui servait de résidence d'été aux Habsbourg, puis aux présidents tchécoslovaques. L'entreprise qui porte son nom se trouve à une centaine de mètres du château, au pied d'une colline. Elle revendique la place de premier producteur de vins tranquilles, arguant qu'Hubert est surtout producteur de bulles et que le deuxième est un conglomérat de deux sociétés : Nitravini, avec 8 millions de bouteilles, et Modra (du nom de la ville), avec 2 millions.

Topol'čianky produit entre 6 et 8 millions de bouteilles selon les années. Elle possède 450 ha et achète 20 % de ses besoins à des cultivateurs. Elle va encore planter une cinquantaine d'hectares, de quoi augmenter sa production et pouvoir réellement revendiquer le haut du podium. L'entreprise semble avoir le vent en poupe. Les camions vont et viennent dans la cour et l'équipe commerciale tourne dans tout le pays.

La marque remonte à 1933. C'est l'époque de la première république tchécoslovaque. Le château de Topol'ianky est la résidence d'été de TomᚠGarrigue Masaryk, président de ce pays depuis son indépendance en 1918, après le démantèlement de l'Autriche-Hongrie. Grâce à lui, le village et ses vins sont devenus célèbres. Aujourd'hui encore, ses habitants revendiquent avec fierté ce passé qui alimente le discours marketing de la cave.

Du vrac à la bouteille. Après la Seconde Guerre mondiale, le château est nationalisé, comme toutes les caves du pays. Ce n'est qu'en 1994, cinq ans après la chute du mur de Berlin, que quatre employés reprennent l'affaire. Depuis, ils ont modernisé toute la cuverie, s'équipant d'un filtre tangentiel et d'une batterie de cuves neuves.

Jusqu'en 2000, les associés n'ont fait que du vrac. Depuis, ils passent progressivement à la bouteille. Ils vendent essentiellement des vins blancs du cépage grüner veltliner, très commun dans l'Autriche voisine, donnant des vins légers et faciles à boire, un style qui plaît aux Slovaques.

Le château vend également des rouges élevés en foudres anciens de 50 hl. Ses vins se retrouvent à 95 % en Slovaquie et pour 80 % en supermarchés autour de 3,50 euros le col. L'export ? « Nous n'avons pas assez de matière pour cela. Nous voulions conclure un marché avec la Pologne, mais comment le fournir ? » s'interroge Samuel Waldner, commercial et fils d'un des propriétaires.

Le vin attire également de nouveaux riches, comme en République tchèque ou en Hongrie. Près de la ville de Báb, un groupe d'entrepreneurs, dont certains ont fait fortune dans la pharmacie, a fondé la société Vinidi. Située au bord de l'autoroute entre Seged' et Nitra, la cuverie entourée de 50 ha de vigne semble vouloir attirer le public. Elle est équipée de pressoirs Europress de Scharfenberger, de cuves de macération, d'un chai à barriques et de foudres neufs.

Rentabilité. Mais la salle de réception est aussi immense que vide. Et la cave de vieillissement prévue pour recevoir 80 000 bouteilles n'en contient que quelques-unes : « Nos vins sont bus dans les deux ans », explique Roman Holec, le directeur technique, au visiteur surpris de voir ces locaux inoccupés.

À l'opposé, le personnel paraît pléthorique. Vingt-huit personnes travaillent ici pour produire 1 200 hl par an, des vins bien faits vendus 7 à 10 euros la bouteille en moyenne. Comment une telle affaire peut-elle être rentable ? Nous posons la question à notre hôte. « En Slovaquie, nous ne produisons pas de vin pour de l'argent, car les Slovaques n'en ont pas », rétorque-t-il. Ce qui n'empêche pas les propriétaires de continuer à investir. À l'image de ce pays tout neuf, récemment rentré dans l'Union européenne et dans la zone euro, la viticulture slovaque a encore beaucoup à construire.

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