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AU COEUR DU MÉTIER

AU LANDREAU, EN LOIRE-ATLANTIQUE « Un contrat sécurisant avec le négoce »

FLORENCE BAL - La vigne - n°261 - février 2014 - page 27

Rémi Pineau a signé un contrat triennal de livraison de moût avec le négoce Castel. Il a sécurisé une partie de ses débouchés. Il peut consacrer son énergie à ses tournées de vente directe.
RÉMI PINEAU remplace les nombreux pieds morts par l'esca en marcottant. Dans cette parcelle de melon de bourgogne âgée de 25 ans, il met en terre une baguette qu'il a laissé pousser à dessein.

RÉMI PINEAU remplace les nombreux pieds morts par l'esca en marcottant. Dans cette parcelle de melon de bourgogne âgée de 25 ans, il met en terre une baguette qu'il a laissé pousser à dessein.

Deux jours par semaine, il part livrer les restaurateurs. Il récupère ses bouteilles vides et les fait nettoyer.

Deux jours par semaine, il part livrer les restaurateurs. Il récupère ses bouteilles vides et les fait nettoyer.

CE BÂTIMENT DE 300 M2 abrite huit cuves en inox, quatre en fibre et des cuves enterrées. Ici, Rémi Pineau bâtonne un muscadet sur lie dans une cuve enterrée de 80 hl, une opération qu'il renouvelle deux fois par semaine.PHOTOS F. BAL

CE BÂTIMENT DE 300 M2 abrite huit cuves en inox, quatre en fibre et des cuves enterrées. Ici, Rémi Pineau bâtonne un muscadet sur lie dans une cuve enterrée de 80 hl, une opération qu'il renouvelle deux fois par semaine.PHOTOS F. BAL

LE VIGNERON produit 2 500 bibs de 10 litres tous les ans. Cette année, il a décroché une commande exceptionnelle de cent bibs de 5 litres de chardonnay et de sauvignon. Il a choisi une couleur jaune pour le sauvignon, car il voulait que cela flashe. « Le bouche à oreille, c'est le mieux et le plus simple. »

LE VIGNERON produit 2 500 bibs de 10 litres tous les ans. Cette année, il a décroché une commande exceptionnelle de cent bibs de 5 litres de chardonnay et de sauvignon. Il a choisi une couleur jaune pour le sauvignon, car il voulait que cela flashe. « Le bouche à oreille, c'est le mieux et le plus simple. »

LE TABLEAU DE BORD DE SON EXPLOITATION

LE TABLEAU DE BORD DE SON EXPLOITATION

« Je suis content d'avoir diversifié mes débouchés en contractant avec le négoce, affirme Rémi Pineau. Cet accord complète bien mes ventes directes. » À la tête du domaine de la Robinière, au Landreau, en Loire-Atlantique, ce vigneron cultive 24 ha de vignes : 15 en AOC Muscadet, 2 en AOC Gros-Plant et 7 en vin de France. Il cultive dix cépages et élabore onze vins et du jus de raisin.

Après un bac pro obtenu en 2004, Rémi Pineau rejoint ses parents Colette et René comme aide familial. Il reprend le domaine de 20 ha le 1er janvier 2006, à leur départ à la retraite. Il produit alors 45 000 bouteilles de neuf vins et vend le solde en vrac au négoce.

La priorité de Rémi est de replanter « pour assurer les revenus », tout en poursuivant une diversification en vin de cépage, initiée par son père. Il arrache les parcelles peu productives, puis il replante du chardonnay, du merlot et du pinot gris au rythme de 0,5 ha par an.

En 2012, il installe 2,2 ha de sauvignon, de chardonnay et de sauvignon gris. « J'ai 15 ha en muscadet. C'est suffisant, estime le jeune trentenaire. Les clients, surtout dans la restauration, mon principal marché, aiment que je leur propose une gamme large. Ainsi, ils ont un interlocuteur unique, ce qui leur simplifie la tâche. »

S'adapter au marché

Il valorise mieux ses cépages en vin de France que ses vins d'appellation, surtout les moins conventionnels. Par exemple, il vend son pinot gris à 3,80 euros alors que le muscadet sur lie plafonne à 3,20 euros. Ce pinot gris est le plus cher de ses vins tranquilles. Pour répondre au marché, il a créé en 2003 un muscadet de macération pelliculaire, qui dure une nuit. Il vend cette cuvée 3,50 euros. « Il est plus fruité et plus gras, c'est davantage un vin de garde. Il n'a pas ce côté perlant souvent présent dans les vins élevés sur lie qui gêne les consommateurs. Les clients apprécient. »

Ses muscadets sur lie sont bâtonnés deux fois par semaine. Il les veut très secs (0,5 à 1 g de sucre/l). En revanche, « toujours afin de m'adapter au marché, je désacidifie les moûts à 4 g équivalent H2SO4/l au lieu de 4,3 à 4,5 g, précise-t-il. Je les embouteille à 1 200 mg de CO2/l, au lieu de 1 400 à 1 500 mg/l dans la région ». Lors de la mise en bouteille, il incorpore 10 cl/hl de gomme arabique dans ces vins. Désacidification, décarbonication et ajout de gomme arabique « donnent davantage de rondeur aux vins. On a la sensation qu'il y a un peu de sucre résiduel, alors qu'en réalité, il y a davantage de gras », assure-t-il.

Rémi Pineau a vendu la moitié de sa récolte 2013 au négoce. Il garde l'autre moitié pour ses ventes directes, qui tournent autour de 45 000 bouteilles et de 2 000 bibs de 10 l. Son domaine a une clientèle historique de restaurateurs qui représente toujours 70 % de ses ventes conditionnées. Le reste est constitué de particuliers, certains clients faisant office de dépôt et redistribuant ses vins.

Le viticulteur n'a pas de caveau et ne vend qu'exceptionnellement au domaine. Ce n'est pas dans sa philosophie. Il prospecte peu. « Le bouche à oreille, c'est le mieux et le plus simple », pense-t-il. Deux jours par semaine, il effectue des tournées dans le Grand Ouest (Bretagne, Centre et Normandie) et en région parisienne. Il prévient ses clients par lettre de ses passages dans leur région pour fixer ses rendez-vous.

En août 2012, il signe son premier contrat triennal avec le négociant Castel pour 8 ha de muscadet et de muscadet sur lie. « Je vendais au cours du jour sans garantie de prix, ni de trouver un acheteur, raconte-t-il. Ce contrat triennal, c'est la certitude que le vin sera payé. Il me sécurise. C'est un bon moyen pour pérenniser mon entreprise. » Autre motif de satisfaction : il livre 8 ha en moût. « Je n'ai qu'à presser et à débourber. Cela me fait moins de travail en cave et moins de contraintes », poursuit-il. Et il n'a plus à vendre les vins finis.

Un rosé méthode traditionnelle valorisé

Le contrat de base stipule la quantité livrée en moût. Elle correspond à son rendement moyen selon sa déclaration de récolte - 30 hl/ha en 2012, 50 hl/ha en 2013 - multipliée par la surface contractée. Le document indique également les prix de vente, par exemple en 2013 : 100 €/hl pour le muscadet et 140 €/hl pour le muscadet sur lie auxquels il faut retrancher 15 €/hl de frais de vinification supportés par le négoce. Rémi Pineau est payé tous les mois pendant dix mois à partir de janvier.

« Bien sûr, si Castel propose d'augmenter les prix d'achat, je ne refuserai pas », plaisante-t-il. En 2013, à sa demande, il place également ses 2 ha de gros-plant sur lie en contrat. Du coup, cette cuvée disparaît de ses ventes directes. « Je n'avais pas vraiment de marché pour elle, témoigne-t-il. Et en vrac non plus. » Il va la remplacer par un rosé méthode traditionnelle qu'il valorisera à 4,70 euros au lieu de 2 euros.

L'année dernière, 36 % de son chiffre d'affaires provenait du contrat avec Castel. Durant les vendanges, un courtier goûte les moûts et organise leur enlèvement pour le négociant. Ce courtier lui achète également des vins en vrac : environ 100 hl par an de muscadet ou de sauvignon. « C'est plus simple à gérer pour moi. Je n'ai pas affaire à quinze intermédiaires », glisse le vigneron.

Rémi Pineau travaille pour l'essentiel tout seul, y compris durant les vendanges, où il conduit sa machine à vendanger Grégoire G85, presse sa récolte et vinifie ses vins. Il fait appel à une association d'intégration de personnes handicapées pour le tirage des bois avant la taille - « le déracage » -, la taille pour un quart des surfaces et l'épamprage, réalisé uniquement sur les jeunes vignes. À partir du mois de novembre, son père lui donne un précieux coup de main en taillant avec lui.

L'esca est son principal souci à la vigne. Il estime remplacer tous les ans de 300 à 500 pieds par hectare dans les parcelles qui le nécessitent, soit cinq cette année. Depuis 2005, il pratique le marcottage pour remplacer les manquants ou les pieds malades. Il travaille en conventionnel mais optimise ses coûts avec 16 000 euros de produits phytos par an. Il désherbe intégralement en deux passages et applique systématiquement deux antibotrytis. Sinon, « je ne suis pas en sécurité », certifie le jeune homme.

Toujours pour réduire ses coûts, il avait levé le pied sur la fertilisation. Mais cette année, il devra remettre des engrais pour assurer une production correcte. Il épandra 200 kg/ha d'engrais phosphatés potassiques et de 150 à 200 kg/ha de chaux pour dégrader les sarments, qui ne sont ni brûlés ni broyés.

En 2014 il va tester la microxygénation et la thermovinification en prestation de service pour assouplir ses rouges.

Renouvellement de la clientèle

Même s'il réduit ses coûts au maximum, « du point de vue de la rentabilité, c'est très juste, indique-t-il. Mes prix de vente sont très bas, de 2,20 euros (cabernet rosé) à 3,80 euros TTC (pinot gris) pour les vins tranquilles. Ma comptable estime que je devrais augmenter toutes mes cuvées de 20 centimes pour avoir de bons prix. Mais je pense que ma clientèle ne l'accepterait pas ».

L'an passé, son chiffre d'affaires a subi une érosion de 2 %, à 180 000 euros, malgré une récolte 2012 moitié moindre par rapport aux millésimes précédents. « J'avais des stocks de 2011, c'est ce qui m'a sauvé, explique-t-il. J'ai ainsi vendu 300 hl de vrac. Mais aujourd'hui, je n'ai plus de réserve. Plus aucun accident n'est permis. »

En 2015, dès la fin des remboursements de ses premiers emprunts (150 000 euros), il compte embaucher un salarié à mi-temps ou à temps complet pour se décharger d'une partie des travaux à la vigne et à la cave. Il conservera les livraisons : « J'aime bien et les clients apprécient de voir le vigneron », dit-il.

Il sait également qu'il doit renouveler sa clientèle vieillissante. « Je vais devoir me concentrer là-dessus, pour ne pas perdre de chiffre d'affaires, analyse-t-il. Mais, je ne sais pas comment je vais m'y prendre. »

SA STRATÉGIE COMMERCIALE Timide diversification à l'export

- 2013 est l'année où Rémi Pineau fait ses premiers pas à l'export. C'est d'abord un importateur de Jersey en vacances dans la région qui vient vers lui pour goûter ses vins. « Nous avons fait affaire rapidement, raconte Rémi. Il a pris une palette de muscadet sur lie à 3,50 euros HT le col. Je n'avais jamais exporté, j'avais un peu peur. » Finalement, le client a payé d'avance, ce qui a tranquillisé Rémi. Du coup, lorsqu'il a lu dans la revue « Le vigneron nantais » qu'un bar à vins californien cherchait deux ou trois opérateurs dans la région, il n'a pas attendu pour le contacter. L'affaire est en bonne voie et l'établissement devrait prendre ses trois muscadets en 2014. Comme ce bar est répertorié par les services de FranceAgriMer, Rémi est « tout à fait rassuré » quant à des risques éventuels. Ses deux premiers succès vont-ils l'inciter à se lancer à l'export ? Pas vraiment. Dans le futur, il répondra aux demandes, sans démarcher davantage. « Tout seul, je ne me vois pas le faire », indique-t-il. Pourtant, il valorise nettement mieux ses produits avec ces deux premiers clients à l'export puisqu'il les vend plus cher, hors taxes, que son prix TTC départ propriété.

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QUI A BIEN MARCHÉ

Avant 2006, le domaine vendangeait encore 6 ha à la main. Rémi est passé à la récolte 100 % mécanique, ce qui a réduit les coûts et simplifié son organisation.

Son contrat avec Castel le décharge de vinifier et de vendre une partie de sa récolte.

« La moitié du domaine est plantée de vignes de moins de quinze ans, prêtes à produire beaucoup », se réjouit-il.

Il est content de conserver les ventes directes.

Ses parents et ses quatre soeurs - il est le petit dernier - l'ont bien soutenu. « Ils ont toujours cru dans le projet », glisse-t-il.

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QU'IL NE REFERA PLUS

De 2006 à 2012, il a tenté de vendre sur des marchés et des petites foires d'avant Noël. « Je croyais que cela allait marcher, dit-il. Mais n'était pas du tout rentable. J'ai arrêté cette année. »

Sa comptable pointe tous les ans le coût de la machine à vendanger acquise en 2007. Il aurait mieux valu continuer en prestation de services ou avoir cette machine en copropriété.

En 2007, il a testé un muscadet élevé en fût de trois vins pendant six mois. Il a produit 1 200 bouteilles. Cela a été un « échec magistral ». Il en a envoyé la moitié à la distillerie.

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L'exploitation

- Surface : 24 ha dont 15 en AOC Muscadet, 2 en AOC Gros-Plant et 7 en vin de France.

- Cépages : melon, folle blanche, sauvignon, chardonnay, merlot, cabernet franc, pinot gris, grolleau, gamay et sauvignon gris.

- Plantation : 6 500 pieds/ha.

- Taille : guyot.

- Main-d'oeuvre : lui et l'équivalent d'un mi-temps.

- Production : 1 200 hl en 2013, 1 500 hl en année normale.

L'essentiel de l'offre

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