Pour alimenter la réflexion du gouvernement, l'Inra a planché sur les performances de l'agriculture biologique, comparées à celles de l'agriculture conventionnelle. En octobre dernier, l'institut a rendu un rapport réalisé sous la direction d'Hervé Guyomard, son directeur scientifique pour l'agriculture. Il constate que la productivité est moindre en bio.
En viticulture, la baisse de rendement se situe entre 5 et 30 % suivant les situations. À l'appui de ses dires, l'Inra cite les résultats d'une étude menée en 2005 selon laquelle la production moyenne s'élève à 42 hl/ha en bio, contre 58 hl/ha en conventionnel (enquête Agreste sur 96 parcelles en bio et 94 parcelles comparables en conventionnel dans neuf vignobles).
Satisfaction au travail.
À la vigne, la pression des bio-agresseurs, variable en fonction du climat de la région, est moins facile à contrôler en bio qu'en conventionnelle. Les interventions sont plus nombreuses, qu'il s'agisse de traiter ou de travailler le sol pour maîtriser l'enherbement. Dans son rapport, l'Inra cite une enquête qui pointe une augmentation de 115 % de la consommation de carburant.
Par ailleurs, la préservation de l'eau et de l'air est meilleure en bio. Concernant le sol, la conduite en bio a des effets positifs - augmentation de la matière organique et de la vie biologique - et des effets négatifs - le travail du sol plus fréquent peut favoriser le compactage ou l'érosion.
Le compte rendu de l'Inra s'appuie sur le recensement agricole de 2010 pour affirmer que la surface moyenne des exploitations spécialisées en viticulture est de 13 ha en bio, contre 9 ha en conventionnel. Plus souvent en cave particulière, les premières nécessitent aussi plus de main-d'oeuvre : 3,5 équivalents temps plein, contre seulement 1,8 en conventionnel. Un élément positif sur le plan social, note l'institut, puisqu'il permet de créer des emplois dans les territoires ruraux.
Plusieurs études abordent la satisfaction au travail, qui se révèle bien meilleure en bio. Les agriculteurs qui ont changé leur mode de conduite se sentent plus en accord avec leurs convictions. Les défis techniques à gérer sont plus complexes. Mais ils les amènent à remettre l'observation au coeur de leur métier et à gagner en autonomie.
Production suffisante
Avec plus de frais de personnel, mais moins d'achats d'intrants et des prix de vente plus élevés, les exploitations viticoles en bio arrivent le plus souvent à contrebalancer la baisse de rendement. La rentabilité, très variable, n'est ainsi pas significativement différente en bio et en conventionnel. C'est ce qui ressort d'une enquête réalisée en Provence en 2012, ainsi que de la comparaison des chiffres de deux échantillons d'exploitations du Réseau d'information comptable agricole en 2010.
Au chapitre de la qualité sanitaire, nutritionnelle et organoleptique des produits alimentaires, le rapport ne dit rien sur les vins. Il ne parle que des céréales, des fruits et des légumes pour constater qu'ils contiennent moins de nitrates, quasiment pas de résidus de produits phytosanitaires de synthèse et plus de polyphénols, ces derniers ayant un effet bénéfique sur la santé.
Enfin, l'Inra note que la production de vins bios suffit à couvrir la consommation, sans qu'il y ait besoin de recourir aux importations, contrairement aux autres filières agricoles. Elle permet aussi d'alimenter l'export. En 2011, les vins ont représenté à eux seuls 46 % des 192 millions d'euros de ventes de produits bios exportés
Freins et leviers au développement du bio
L'Inra a réalisé une enquête auprès des producteurs, des transformateurs et des distributeurs pour évaluer les obstacles à l'essor du bio. Au niveau de la production, les freins les plus cités par les vignerons sont la charge de travail importante, le manque de solutions alternatives pour protéger le vignoble et les coûts trop élevés par rapport aux vins bios originaires d'autres pays. Pour faciliter son développement, les leviers les plus mentionnés sont les innovations techniques, la formation et le conseil, ainsi que la structuration de la filière au sein d'un cadre interprofessionnel. Les consommateurs, eux, jugent les prix trop chers comparés à ceux du conventionnel, ce qui limite l'accès aux produits bios.