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VENDRE - Paroles de consommateurs

Au salon Noël gourmand, à Paris. « Apprendre le vin est une affaire de patience »

AURÉLIA AUTEXIER - La vigne - n°261 - février 2014 - page 52

« La Vigne » est partie à la rencontre des consommateurs pour leur demander de raconter leur initiation au vin. Pour tous, les débuts ont été difficiles. Voici leurs témoignages.
Marie-Béatrice et Bernard, retraités. « S'initier au vin fait partie de la culture française. C'est aussi un moment convivial. » PHOTOS A. AUTEXIER

Marie-Béatrice et Bernard, retraités. « S'initier au vin fait partie de la culture française. C'est aussi un moment convivial. » PHOTOS A. AUTEXIER

Jacqueline, retraitée. « C'est mon frère, un vrai épicurien, qui m'a initiée. » Germaine, 51 ans, fonctionnaire. « Je suis entourée d'amis connaisseurs. »

Jacqueline, retraitée. « C'est mon frère, un vrai épicurien, qui m'a initiée. » Germaine, 51 ans, fonctionnaire. « Je suis entourée d'amis connaisseurs. »

Kevin, 26 ans, employé de banque. « Rencontrer des viticulteurs, c'est l'occasion d'apprendre. »

Kevin, 26 ans, employé de banque. « Rencontrer des viticulteurs, c'est l'occasion d'apprendre. »

Philippe, 40 ans, conseiller en système d'information. « Je n'ai pas eu d'initiateur. Pour moi, le vin, c'est j'aime ou je n'aime pas. »

Philippe, 40 ans, conseiller en système d'information. « Je n'ai pas eu d'initiateur. Pour moi, le vin, c'est j'aime ou je n'aime pas. »

Annie, 59 ans, retraitée. « C'est mon mari qui m'a appris à déguster. » Sa fille, Lucile, 23 ans, étudiante. « Mon père me fait goûter quand il ouvre une bonne bouteille. »

Annie, 59 ans, retraitée. « C'est mon mari qui m'a appris à déguster. » Sa fille, Lucile, 23 ans, étudiante. « Mon père me fait goûter quand il ouvre une bonne bouteille. »

Léo, Alexandre et José, 20 ans, étudiants. « Devant un producteur, on se sent libres de poser toutes les questions qu'on veut. »

Léo, Alexandre et José, 20 ans, étudiants. « Devant un producteur, on se sent libres de poser toutes les questions qu'on veut. »

Isabelle, 47 ans, chef de projet dans l'événementiel. « Qui dit initiation, dit modération. »

Isabelle, 47 ans, chef de projet dans l'événementiel. « Qui dit initiation, dit modération. »

Les consommateurs se souviennent souvent très bien de leur première rencontre avec le vin, parfois avec une précision étonnante. « J'avais 20 ans. Mon frère m'avait invité au restaurant et, le même jour, il m'a fait découvrir le blanc, le rouge et les cuisses de grenouilles ! Je garde un très bon souvenir de ce repas où je suis sortie un peu guillerette », sourit Jacqueline, une retraitée de 68 ans.

Beaucoup se rappellent même du vin qu'ils ont goûté la première fois. « C'était un côtes-du-rhône rouge, à la table familiale. J'avais une vingtaine d'années », se souvient Marie-Béatrice. « C'était à la foire de Paris et j'ai bu un bourgogne rouge », raconte Sara, 56 ans. Annie a commencé en goûtant « un blanc d'Alsace à table. J'avais 14 ans. » « Ma grand-mère me mettait une goutte de vin rouge dans un verre d'eau lors des grandes réunions de famille », se remémore Lucile. Bernard avait « 17 ans. C'était un moulin-à-vent ».

« La Vigne » a rencontré tous ces consommateurs au salon Noël gourmand organisé du 20 au 22 décembre en plein coeur de la capitale, au palais Brongniart. C'était l'occasion choisie pour leur demander de raconter la première fois qu'ils ont goûté au vin et comment s'est passée leur initiation. Leurs réponses nous permettent de mieux cerner l'importance de ce moment d'accès à la consommation qui ne va pas de soi.

Il arrive souvent que cette première rencontre ne soit pas un souvenir agréable. Dans ce cas, « je n'ai pas aimé » est l'expression qui revient le plus souvent (pour Marie-Béatrice, Philippe, Kévin et Isabelle). Mais les autres réponses sont aussi peu flatteuses. Bernard a « été surpris » ; « Cela m'a brûlé la gorge », grimace Jacqueline ; « J'ai trouvé cela désagréable », dans la mémoire de Léo.

Les deux seules bonnes expériences sont celles d'Annie qui, à 14 ans, a goûté un riesling d'Alsace, et de Sara qui a dégusté un grand bourgogne rouge à 25 ans. Faut-il y voir que les vins monocépage sont les mieux indiqués pour initier quelqu'un au vin ? Les spécialistes de la dégustation s'accordent à dire que, pour une première fois, il est préférable de goûter un vin flatteur, voire sucré, plutôt qu'un rouge trop tannique... Mais les témoignages recueillis montrent que cette première expérience se fait le plus souvent avec un vin rouge - couleur la plus consommée en France - plutôt qu'avec un liquoreux, un blanc sec ou un rosé.

Boire du vin pour la première fois est également parfois ressenti comme un rite, un brin initiatique, consacrant une étape d'approche ou d'entrée dans le monde des adultes. Alexandre, étudiant de 20 ans, cherche dans ses souvenirs : « C'était à un repas de famille, j'avais 10 ou 11 ans et je voulais vraiment essayer. Je n'ai pas aimé le goût mais j'étais content de mon expérience. »

En dépit de cette première impression de mauvais goût, nos testeurs ont tous recommencé... Toutes les personnes interrogées reconnaissent que l'initiation au vin est longue. Presque tous considèrent qu'il vaut mieux avoir un, voire plusieurs initiateurs. Souvent, ce sont les parents, et plus spécifiquement le père. « Il m'a appris les différentes étapes de la dégustation : avec les yeux, le nez, la bouche », indique Léo, 20 ans, étudiant. « Mon père était artisan maçon et, dans sa cave, il n'avait que des vins de Bourgogne et du Beaujolais parce qu'il avait rencontré un VRP spécialisé sur cette région », déclare Lucile, 23 ans, étudiante. « L'une des premières choses qu'il m'a expliquée, ce sont les cépages », évoque Bernard, aujourd'hui retraité. José, 19 ans, récapitule les connaissances délivrées par son père : « Il m'apprend les différentes régions viticoles, les cépages, la forme des bouteilles, ce qu'est qu'un vin tannique... Il me dit que pour s'y connaître, il faut beaucoup goûter. La connaissance du vin ne peut se faire que petit à petit... »

Les hommes qui ont la quarantaine passée identifient leur père comme premier initiateur. Les femmes du même âge reconnaissent que c'est plutôt leur mari qui leur a appris à apprécier le vin. Les plus jeunes générations, elles, citent plus facilement « les parents » comme introducteurs du monde du vin.

Les rares personnes qui déclarent « ne pas avoir eu d'initiateur » sont soit abstinents, soit de très modestes consommateurs, comme Philippe, 40 ans, qui révèle ne prendre qu'un verre de vin « environ une fois par mois ». Il détaille : « Idéalement, j'aurais bien aimé avoir quelqu'un dans mon entourage pour m'enseigner le vin, mais cela n'a pas été le cas. J'ai vraiment découvert ce monde par moi-même. Je ne me pose pas de question lorsque je goûte. Soit j'aime, soit je n'aime pas. Je suis simplement dans le plaisir de l'instant. »

Tous les amateurs de vin interrogés estiment que le chemin est long pour atteindre la connaissance. « J'apprends encore avec le vin. On apprend toujours dans ce domaine... », assure Bernard, retraité des travaux publics qui reconnaît avoir eu la chance de déguster de très bonnes bouteilles au cours de ses repas d'affaires.

Chacun peaufine son savoir au gré des circonstances. Les rencontres avec les vignerons sont un moment jugé important. « Nous habitons le Vaucluse. C'est donc d'abord auprès des domaines du coin que nous nous approvisionnons », confient Marie-Béatrice et Bernard. « À chaque fois que je vais dans une région viticole pendant mes congés, je fais au moins une visite de cave, avoue Kévin, 26 ans, employé de banque. J'aime bien rencontrer les producteurs. Ce sont des gens passionnés. Ils ont toujours quelque chose d'intéressant à expliquer. » Même bon souvenir pour le parisien Léo, 20 ans : « Mes parents profitent des vacances pour aller acheter du vin directement chez les viticulteurs. J'apprécie ces visites où je n'ai pas honte de poser des questions. Après tout, je suis jeune et j'ai tout à apprendre. »

Les salons sont l'autre occasion de rencontrer des professionnels du vin. « J'en fais au moins sept par an, affirme Sara. Je n'achète pas systématiquement, mais c'est l'occasion de découvrir de nouvelles bouteilles. » Léo, quant à lui, « aime bien les foires de producteurs. L'ambiance y est sympa. On fait des rencontres. Quand je découvre un viticulteur dont j'aime le vin, j'en parle sur les réseaux sociaux pour que mes amis viennent goûter ».

Les personnes rencontrées sont formelles : l'initiation au vin est jugée importante pour au moins trois raisons. Tout d'abord, « cela fait partie de la culture française » pour Marie-Béatrice, Bernard, Kévin, Alexandre et José. C'est aussi « une initiation au goût », estiment Jacqueline, Germaine, Sara et Léo. Enfin, « c'est l'occasion de parler de modération auprès des jeunes », pour Isabelle.

Une première rencontre en famille ou en vacances

Dans sa thèse, Céline Simmonet-Toussaint, psychologue clinicienne, montre que la consommation de vin chez les jeunes est directement liée à la sphère familiale, contrairement à d'autres boissons comme la bière ou les spiritueux qu'ils découvrent ou consomment davantage avec leurs amis. La chercheuse confirme aussi que le discours sur le vin est bien souvent associé à la figure paternelle. Mais si la première approche s'opère souvent dans le cadre familial, en grandissant, l'amateur découvre le vin par bien d'autres moyens. Une étude commandée par le site ventealapropriete.com, réalisée par l'Ifop à la mi-novembre 2013, fait le point. En premier lieu, cette découverte s'effectue « en goûtant des vins locaux lors des vacances » pour 49 % des réponses, puis « lors d'un déjeuner ou d'un dîner » (44 %) ou « en se rendant dans un hypermarché ou supermarché » (36 %), « en suivant les conseils de son entourage » (34 %), « lors des repas de fêtes » (33 %), en « se rendant à une foire ou à un salon » (30 %), « en suivant les conseils d'un caviste » (29 %), « en suivant les conseils des médias et revues spécialisées » (8 %), sur « un site internet de vente de vin » (4 %) et en participant à « un cours d'oenologie » (2 %).

INITIER UN NÉOPHYTE

Commencez par lui proposer des vins flatteurs, gourmands, voire sucrés pour apprivoiser son palais. Mieux vaut débuter avec un liquoreux, un blanc sec ou un rosé plutôt qu'avec un rouge tannique.

Expliquez les grandes lignes de la dégustation : d'abord par les yeux, puis le nez et enfin la bouche.

Mettez votre « élève » à l'aise pour qu'il ose prendre la parole et parler de ses sensations.

Adaptez votre discours au niveau de connaissance de votre interlocuteur.

Ne vous formalisez pas des questions posées. Comme disait Albert Einstein : « Il n'y a pas de question idiote, il n'y a que des réponses idiotes. »

Rappelez les conseils de modération.

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