Cet hiver aura été particulier. Les pluies abondantes ont parfois été à l'origine de crues et d'inondations. Pour beaucoup de viticulteurs, un tel excès d'eau est quasi historique. Concernant les températures, avec un excédent de 1,8°C à l'échelle nationale, l'hiver 2013-2014 est le troisième hiver le plus doux enregistré depuis cinquante ans.
Ainsi, tout le monde se rejoint sur l'idée d'un débourrement très précoce. Les sols étant gorgés d'eau, beaucoup de travaux d'hiver n'ont pu être réalisés, notamment le désherbage chimique, ce qui suscite des inquiétudes. Les viticulteurs redoutent aussi des gelées tardives, un risque auquel leurs vignes seront exposées pendant de longues semaines.
Une douceur exceptionnelle
Benoît Bazerolle, conseiller viticole à la chambre d'agriculture de Côte-d'Or remarque « l'absence de période de froid marqué. Cela a un effet sur les sols, car d'habitude, le gel crée un fractionnement en profondeur, favorable au décompactage ».
En Loire-Atlantique, la chambre d'agriculture constate que l'arrêt de sève n'a pas eu lieu durant l'hiver. Stéphanie Savagny, conseillère viticole, observe que la vigne commençait à pleurer dès le mois de décembre et s'interroge sur la réaction des vignes vis-à-vis d'un manque de mise en réserve.
En Provence, les températures dépassent les 15°C presque tous les après-midi depuis plusieurs semaines. La vigilance est donc de rigueur vis-à-vis d'un débourrement précoce. En Alsace, les techniciens viticoles s'accordent pour dire que « si les conditions climatiques restent les mêmes, on peut estimer que le débourrement interviendra à la fin du mois de mars dans les zones les plus précoces ».
Dans l'Hérault, Laurent Gourdon, de la chambre d'agriculture, considère que si aucun refroidissement ne s'installe sur la région, « nous pouvons estimer un débourrement à partir du 15 ou 20 mars. Le travail de taille ayant déjà été retardé par une chute des feuilles tardive, beaucoup de vignerons auront des difficultés à terminer de tailler avant l'éclosion des bourgeons ».
En Côte-d'Or, Benoît Bazerolle, de la chambre d'agriculture, conseille aux vignerons « de se tenir prêt pour un débourrement prématuré. Le mieux serait que la taille et le pliage des baguettes soient terminés pour la mi-mars ».
Accessibilité réduite
Cette douceur est accompagnée d'un cumul pluviométrique très élevé pour beaucoup de vignobles. Comme le souligne Benoît Bazerolle, en Côte-d'Or, « les travaux mécaniques ont pris beaucoup de retard. Il y a encore de nombreuses parcelles où les sarments attendent d'être broyés, car les engins ne peuvent pas passer. Il en est de même pour les travaux de buttages ou de repiquage ». Ici, l'excédent pluviométrique est d'environ 40 % sur la période hivernale.
En Gironde, Cédric Elia constate que « les vignerons sont épuisés, car les conditions de travail sont très difficiles. La pluie a commencé à tomber à partir de la mi-décembre ; il semble qu'elle ne se soit quasiment pas arrêtée depuis ». En effet, sur la station de Bordeaux, Météo France relève un cumul de pluie de 314 mm entre janvier et février, contre 159 mm en moyenne habituellement.
Dans le Var, de graves crues ont submergé certaines parcelles. Le travail de nettoyage et de remise en état a demandé beaucoup de temps, mais les viticulteurs espèrent rattraper leur retard grâce à une météo plus clémente installée depuis quelques jours.
Alerte phytosanitaire !
Les conditions sont donc optimales pour la conservation des oeufs d'hiver de mildiou. Les techniciens redoutent un fort développement de la maladie en début de campagne. En Alsace, Frédéric Schwaerzler explique que « si la vigne débourre prématurément mais que, par la suite, la croissance traîne, les dégâts de noctuelles pourront être significatifs sur les jeunes pousses ».
Enfin, Cédric Elia, en Gironde, déplore « une catastrophe en terme de maladie du bois. Avec toute cette pluie, les spores en suspension dans l'air sont plaquées sur les plaies de taille, ce qui favorise les contaminations ». La vigilance est de mise.
Exception régionale
Alors que le reste de la France déplore des précipitations record, les départements de l'Aude, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales souffrent en cette sortie d'hiver d'un manque d'eau. C'est particulièrement le cas pour la région de Perpignan, en Pyrénées-Orientales, avec un déficit de 70 %. Selon les relevés de Météo France, la région n'aurait cumulé que 35 mm de pluie entre janvier et février, contre 116 mm en moyenne à cette saison. Dans l'ouest de l'Hérault, la situation est inquiétante avec un déficit de 50 % relevé sur la station de Béziers. À l'est, Montpellier enregistre un défaut de 20 %. Il est essentiel que les réserves hydriques des sols se reconstituent avant l'été afin d'éviter les stress hydriques prononcés entraînant des blocages de maturité.