BORDEAUX : Un distributeur de phytos prépare un nouveau service
Depuis l'été 2012, le Bordelais voit voler un drôle d'appareil lié au projet Vitidrones. L'objectif des chercheur et de leurs partenaires est de développer un service de zonage des vignes selon leur vigueur à l'aide d'un drone muni de capteurs multispectraux à haute résolution. Vitidrones s'appuie sur le système d'analyse des images aériennes mis au point par SpecTerra avec la filière viticole australienne pour définir l'état des vignes.
Porteur du projet, le distributeur de produits phytosanitaires Vitivista, installé à Mérignac (Gironde), s'est associé au constructeur de drones Fly-n-Sense, au fabricant australien de capteurs SpecTerra, aux chercheurs de Bordeaux Sciences Agro et à deux domaines viticoles.
« Nous avions déjà développé un service d'imagerie aérienne par avion avec SpecTerra, rappelle Alain Chemin, président de Vitivista. Nous avions réalisé des images sur 700 ha en 2013. Mais cela manque de souplesse. En effet, il faut une piste de décollage, le temps doit être découvert... Il y a beaucoup de contraintes. Prendre des photos aériennes par avion revient à près de 120 euros par ha. Avec un drone, tout est beaucoup plus simple. Nous n'avons pas encore calculé les coûts de l'intervention, mais ce sera beaucoup moins cher. »
Pertinence des images. Vitivista devrait proposer dès l'automne prochain à tous ses clients une application de ce programme de cartographie. Les viticulteurs pourront distinguer rapidement et précisément les grandes zones au sein de leurs parcelles selon la vigueur des vignes et piloter ainsi la nutrition, la protection et la vendange. Ils repéreront également les pieds manquants.
Bordeaux Sciences Agro a validé la pertinence des images prises par le drone et traitées par SpecTerra en les comparant à des relevés de terrain. Désormais, les chercheurs créent des références par cépage et type de sol. Cette phase doit aboutir ce printemps.
BUZET : La coopérative veut zoner son vignoble
Depuis juin dernier, le domaine de Gueyze, propriété de la Cave de Buzet, en Lot-et-Garonne, participe à un projet avec la société Telespazio France, filiale du groupe Thalès. Une fois par mois, les techniciens de Telespazio ont fait voler leur drone sur les 80 ha de vignes de l'exploitation, à une altitude de 80 à 100 mètres, prenant 1 500 photos en haute résolution. Partant de ces « imagettes », ils ont reconstitué le vignoble par « mosaïquage ».
Parallèlement, la coopérative a relevé le stade végétatif des vignes sur le terrain. Elle a également placé des capteurs de flux de sève à trois endroits dans une parcelle pour suivre le stress hydrique subi par les plants.
« Nous travaillons sur les données ainsi recueillies pour identifier les zones sèches et les zones vigoureuses, indique Sébastien Labails, responsable du vignoble à la Cave de Buzet. Dès le mois de mars, nous réaliserons des zonages pour mettre en place une fertilisation organique différenciée. Nous allons essayer d'automatiser cette fertilisation en utilisant un GPS sur notre tracteur. Notre but est d'homogénéiser les parcelles en les traitant différemment selon leur vigueur ou leur sensibilité à la sécheresse. »
Aide à la prévision de récolte. La cave poursuit d'autres buts. Elle veut notamment établir un modèle de croissance de la vigne pour apporter à ses adhérents une aide à la prévision de récolte intégrant l'hétérogénéité au sein des parcelles et entre les parcelles.
En reliant la mesure de l'état hydrique de quelques plants aux photos aériennes, elle espère en déduire l'état hydrique de toute une parcelle. Une donnée expérimentale intéressante qui ne sera toutefois pas un levier de progression sur l'exploitation, laquelle ne possède pas d'irrigation. Enfin, le système permet aussi de compter les pieds de vignes pour les contrôles de densité et de superficie.
BOURGOGNE : Simplifier la surveillance sanitaire
En Bourgogne, les recherches portent sur l'observation des maladies de la vigne. L'été dernier, le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), le constructeur de drones Novadem, le laboratoire Agrosup de Dijon et Global Sensing Technologies ont pris des photos avec un drone.
« Nos premiers travaux sont très concluants, se réjouit Franck Brossaud, directeur adjoint du pôle technique du BIVB. Nous avons utilisé un appareil de 12 mégapixels. L'inspection a duré dix à quinze minutes par hectare. La qualité des images est très bonne. Sur ces photos prises à six ou sept mètres de hauteur, on voit les nervures des feuilles. Et nous pourrions encore doubler la précision avec un appareil photo de plus haute résolution. Nous détectons les points suspects, comme des taches de mildiou ou de jaunisse. Le drone pourrait donc être très utile pour repérer des zones suspectes afin de s'y rendre ou d'adapter la protection phytosanitaire. On n'aurait donc plus besoin d'inspecter systématiquement les vignes, ce qui est très chronophage. »
Un logiciel de détection des plants atteints de flavescence dorée est en cours de mise au point. Il utilise des algorithmes innovants, basés sur des réseaux de neurones, comme dans le cerveau humain, pour automatiser la détection des pieds malades.
« Il s'agit d'un logiciel d'analyse automatique d'images en très haute résolution qui évolue avec le temps, confie Pascal Zunino, créateur de Novadem. S'il fait une erreur, on le lui indique et il l'enregistre pour ne pas la répéter. Il devient progressivement de plus en plus autonome. » Ce logiciel sera installé sur le drone U130 de Novadem, lequel fournira aux vignerons une « solution robotisée » dès l'été prochain.
En Espagne, une coopérative avant-gardiste
Depuis 2009, la coopérative viticole Martin Codax, implantée à Cambaos, au nord-ouest de l'Espagne, utilise des images prises par des drones, plus précises que les images satellites. L'organisme compte 270 adhérents et 300 apporteurs de raisin pour un chiffre d'affaires de 18 millions d'euros. Le drone lui a permis de zoner son vignoble et de différencier les parcelles selon leur vigueur. La coopérative a ensuite réalisé des microvinifications pour définir le potentiel aromatique de ses différentes parcelles. Elle a conclu que la meilleure expression de son cépage albarino était obtenue sur des vignes de vigueur moyenne et que la vigueur des plants avait plus d'influence sur l'arôme des raisins que la situation ou l'orientation de la parcelle. La cartographie réalisée grâce aux drones permet à Martin Codax de mener à bien une viticulture de précision en maîtrisant les amendements apportés pour homogénéiser ses vignes et obtenir la vigueur voulue.
Le Point de vue de
Jeanne Lacombe, directrice d'exploitation du château la Tour Carnet, à Saint-Laurent-Médoc (Gironde), et future pilote de drone
« Nous allons faire des économies d'intrants »
« Bernard Magrez a acquis un drone. Cet appareil, fabriqué en France, est entièrement équipé pour les prises de vues réelles et en infrarouge, sous forme de photos ou de vidéos. Il a coûté 50 000 euros, tous équipements compris, et sera utilisé sur toutes les propriétés de Bernard Magrez. Il est de faible envergure et équipé d'un parachute pour pouvoir voler au-dessus du château Pape Clément, qui est situé en zone urbaine, en AOC Graves. Dès que nous le recevrons, mi-mars, nous effectuerons des relevés parcellaires. Le drone peut fournir une précision centimétrique. Or, les derniers relevés effectués par un géomètre ont montré qu'il y a jusqu'à 20 % d'erreur entre la surface cadastrale des parcelles et la surface réellement plantée. Disposer de mesures exactes nous permettra de faire des économies d'intrants. En début de végétation et en fin de campagne, nous planifierons des vols pour repérer les pieds morts. Puis nous identifierons la variabilité au sein d'une même parcelle en repérant les ceps qui souffrent de stress hydrique. Nous pourrons alors adapter nos travaux en vert et notre travail du sol. Les images du drone nous permettront aussi d'observer la répartition des adventices et de gérer l'enherbement. Avec la caméra infrarouge, nous pourrons mesurer l'indice NDVI (Normalized Difference Vegetation Index), qui est corrélé à la vigueur des plantes. Nous pourrons prévoir et déclencher les vendanges avec l'aide de cet indicateur, lequel nous permettra de distinguer les parcelles de même niveau de maturité pour obtenir des cuves plus homogènes. Nous pensons réaliser un survol de chaque parcelle chaque mois entre mars et juin et deux entre juillet et septembre. Il faut une minute pour survoler un hectare à 80 mètres de hauteur et prendre entre dix et vingt photos. À cette hauteur, on peut mesurer la vigueur et la maturité. Pour les adventices, il faut voler plus bas. La première année, nous ferons analyser une partie des images, notamment en infrarouge, par la société Exametrics, dans les Pyrénées-Orientales. Mais nous ferons toutes les saisies nous-mêmes. »