EN 2011, PAUL A. KILMARTIN, professeur à l'université d'Auckland, en Nouvelle-Zélande, a étudié les conséquences du sulfitage de la vendange sur la composition aromatique des vins.
Il a récolté à la machine des raisins de sauvignon blanc à Rapaura, Awatere Valley et Wairau Valley, des zones viticoles de la région de Marlborough. Il a réparti la vendange en cinq lots. Le premier d'entre eux n'a pas été sulfité, les autres l'ont été avec des quantités de 30, 60, 120 et 300 mg de SO2/kg de raisins (soit 3, 6, 12 ou 30 g/hl). Après le pressurage et le débourbage, les fermentations alcooliques de chaque lot ont été conduites en conditions contrôlées à 15°C. Les moûts sulfités à la dose excessive de 300 mg/kg ont démarré leur fermentation une douzaine de jours après celle des moûts moins sulfités et ont conservé 8 à 9 g/l de sucres résiduels dans les vins finis. Il en restait moins de 2 g/l lorsque le sulfitage était plus faible.
« Dans nos conditions expérimentales, le maximum de thiol est obtenu avec un sulfitage de 120 mg/kg », rapporte le professeur Kilmartin. Les moûts sulfités à 120 et 300 mg de SO2/kg possédaient les niveaux de 3MH, le thiol responsable de l'odeur de pamplemousse (seuil de détection de 60 ng/l), les plus hauts. En outre, c'est avec un sulfitage à 120 mg/kg que la concentration en 3MHA, le thiol responsable de l'odeur de zeste d'agrume (seuil de détection de 4 ng/l), était la plus élevée. « Il y a une diminution de la formation du 3MHA lorsque la vendange est sulfitée à 300 mg/kg », constate-t-il.
Cette molécule est formée par la levure au cours de la fermentation alcoolique par acétylation du 3MH. Paul Kilmartin émet l'hypothèse qu'un excès de SO2 affecte ce mécanisme et conduit donc à des niveaux de 3MHA plus bas. Mais il n'a pas dégusté les vins pour savoir s'ils étaient moins aromatiques.
Le chercheur a poursuivi ses essais sur une vendange de 2012. Il a étudié l'effet d'un ajout de 30 mg/kg de SO2 seul ou additionné de 100 mg/kg d'acide ascorbique ou de la même dose de glutathion (1). Il a observé une augmentation des concentrations en 3MH et 3MHA dans les vins lorsque le SO2 est couplé à un autre antioxydant, par rapport au SO2 seul. Il a surtout noté une très forte augmentation de la 4MMP, le thiol responsable de l'odeur de buis (seuil de détection 0,8 ng/l), lorsque le SO2 est associé au glutathion. « Cet essai indique que les vignerons peuvent maximiser la formation de thiol en ajoutant un autre antioxydant à de faibles doses de SO2 », conclut Paul Kilmartin
(1) Pour le moment, l'emploi du glutathion pur n'est pas autorisé en oenologie. Seules des levures inactivées riches en glutathion peuvent être utilisées.
SO2 total bas égale moins de thiols
Frédéric Charrier, ingénieur oenologue à l'IFV pôle Val de Loire-Centre, cherche à obtenir des sauvignons blancs renfermant moins de 100 mg/l de SO2 total. Cela n'est pas sans conséquence, puisque plus la teneur en SO2 total est faible, moins les vins sont riches en thiols volatils. Ainsi, un mois après le conditionnement, l'un de ses vins renfermait 73 mg/l de SO2 total et 22 mg/l de libre et un autre, 19 mg/l de SO2 total et 5 mg/l de libre. La teneur en 3MH (zeste d'agrume) était alors de 562 ng/l dans le premier vin et de 128 ng/l dans le second, moins protégé de l'oxydation.