«C'est l'occasion, pour nos étudiants, de réaliser grandeur nature ce qu'est une foire aux vins », explique Georges Jousserand, proviseur du lycée de Blanquefort, en Gironde. Chaque début du mois de décembre, ce lycée organise une foire aux vins. Les étudiants en première année de BTS Viti-oeno ou de BTS Technicien de vente présentent et vendent les vins de leur lycée, mais aussi ceux des autres lycées viticoles de France adhérant au GIE Club des écoles, qui existe depuis 1991.
Le 6 décembre 2013, le lycée de Blanquefort a accueilli plus de 200 personnes à sa soirée VIP et 500 visiteurs le lendemain, lors du salon ouvert à tous. « Les étudiants se regroupent à deux ou trois et choisissent le vignoble qu'ils vont présenter, poursuit le proviseur. Cela les oblige à connaître le vignoble, à déguster les vins envoyés par le lycée de la région choisie et à les sélectionner, en accord avec l'établissement. »
Pour se préparer, ils présentent les vins à leurs enseignants avant de se retrouver face au public du salon. « C'est un projet pédagogique très important qui permet d'évaluer d'autres compétences que celles enseignées en classe, commente Georges Jousserand. Les étudiants découvrent ce qu'ils vont vivre dans la vie active. On est parfois surpris par le résultat de certains d'entre eux. La motivation joue pour beaucoup dans le nombre de bouteilles vendues sur un stand. »
Leur crédibilité en jeu. À Avize, dans la Marne, le salon Vino'folies est également un moment fort de l'enseignement. Ce sont les élèves de deuxième année de BTS Technico-commercial en vins et spiritueux qui l'organisent. Chacun a sa mission. Ils se répartissent par groupe de sept pour s'occuper de la communication, des partenariats, de la coordination et de l'animation. La dix-neuvième édition se déroule les 14 et 15 mars 2014.
« La notion de responsabilité est très importante dans ce projet, souligne Michèle Blanchon, leur professeur d'économie d'entreprise. Ce n'est pas comme dans un devoir, où ils sont seuls devant leur copie. Là, leur crédibilité est en jeu, aux yeux de tous. Ils se posent de vraies questions professionnelles : y aura-t-il du monde ? Est-ce que la presse va en parler ? Les visiteurs vont-ils acheter ? »
3 à 5 % du chiffre d'affaires sont reversés aux étudiants de première année - qui tiennent les stands - pour financer leur voyage de fin d'année. « Ce sont des commerciaux. Ils seront rémunérés à l'objectif dans leur vie professionnelle », observe Michèle Blanchon.
Cette enseignante reconnaît avoir été étonnée par la performance de certains étudiants. « Ce n'est pas forcément le plus extraverti qui est le plus performant. Parfois, un élève discret réussit bien car il est à l'écoute et comprend les attentes de son interlocuteur », remarque-t-elle.
« Une leçon d'humilité. » Dans cette mise en situation concrète, les enfants de viticulteurs sont-ils plus convaincants ? Pas toujours. S'ils sont en général plus à l'aise sur les sujets techniques, les étudiants issus d'autres milieux sont parfois davantage en phase avec les questions du consommateur lambda.
« Avant de participer à mon premier salon, celui de mon lycée viticole, je pensais que ce serait assez simple, confirme un vigneron des Côtes du Rhône. Mes parents avaient un caveau de vente. J'avais l'habitude de voir des clients. En fait, cela a été plus difficile que prévu, car je devais réussir à capter l'attention des visiteurs alors qu'au caveau familial, les clients sont déjà dans une démarche d'achat. Je n'avais plus non plus le statut confortable du fils du vigneron, qui me donnait la crédibilité de celui qui est né sur le terroir. Ça a été une belle expérience d'humilité. Tenir un stand demande beaucoup d'énergie et de savoir-faire. »
Ces salons de lycées ne sont pas les seules occasions où les élèves sont mis en situation de vente. « Nos étudiants le sont également lors de leurs stages ou quand ils vendent le champagne de notre coopérative dans notre caveau, précise Stephen Bonnessoeur, directeur du lycée d'Avize. Pour le Salon de l'agriculture, j'emmène chaque jour une quinzaine de jeunes de 16 à 22 ans. Pendant une demi-journée, ils participent à des démonstrations de greffage, de dégorgement à la volée, etc. C'est toujours impressionnant pour eux d'animer un stand sur un tel événement. »
La consommation responsable, une priorité
En décembre dernier, un parent d'élève du lycée Charlemagne, à Carcassonne (Aude), jetait un froid dans la profession. Dans un commentaire anonyme posté sur le site Rue89.fr, ce père s'indignait que son fils mineur ait dû participer à une vente de blanquette de Limoux pour financer un voyage scolaire (voir « La Vigne » numéro 260, de janvier 2014, page 14). Il s'inquiétait aussi de la banalisation de l'alcool en milieu scolaire. Il fustigeait l'absence du message de prévention sur les documents présentant les bouteilles en vente. Les proviseurs n'ont, bien sûr, pas attendu ce témoignage pour mettre en place une surveillance étroite de la dégustation d'alcool dans leurs établissements et pour sensibiliser leurs élèves à la consommation responsable. « Il n'y a pas de tabou sur ce sujet, précise Stephen Bonnessoeur, directeur du lycée d'Avize (Marne). Depuis sept ans, un éthylotest est installé dans le bureau du CPE. Le règlement, signé par les parents et par l'élève, stipule que nous pouvons faire un contrôle d'alcoolémie à tout moment. Des spécialistes viennent également parler d'addictologie. Nous accueillons chaque année 350 élèves, 300 apprentis et plus de 1 000 adultes en formation. En dix ans, je n'ai rencontré que deux élèves avec des problèmes de dépendance. Des problèmes qu'ils avaient déjà avant d'entrer au lycée. »
Le Point de vue de
ALICE NAUDÉ, ÉTUDIANTE EN DEUXIÈME ANNÉE DE BTS TECHNICO-COMMERCIAL VINS ET SPIRITUEUX À AVIZE (MARNE)
« Cela nous oblige à nous adapter »
« Dans le cadre de notre BTS, nous organisons le salon Vino'folies tous les ans au mois de mars. Mais nous participons auparavant à des actions commerciales auprès des cavistes. Nous avons donc déjà une petite expérience de la vente. Je fais partie de la commission communication et je m'occupe du partenariat avec les radios. Organiser un tel événement nous apprend à gérer un dossier de A à Z, à échanger les informations entre tous les organisateurs et à veiller à ne faire aucune erreur qui pourrait avoir des conséquences importantes. En 2013, nous avons eu 400 visiteurs et avons vendu 1 100 bouteilles. Cette année, nous visons 600 à 700 personnes. Pendant le salon, il nous arrive de rencontrer des amateurs qui ont parfois plus de connaissances que nous. Il faut aborder cette situation comme un échange, en les interrogeant sur leurs préférences et sur leurs attentes. Il y en a qui posent beaucoup de questions, d'autres qui nous contredisent. Cela nous oblige à nous adapter à la personne que nous avons devant nous. En général, les participants sont plutôt bienveillants : ils savent que nous sommes étudiants. »