ABDESSAMAD BENNANI, chef d'entreprise « Convivialité au travail rime avec efficacité »

Cet ingénieur des arts et métiers est à la tête d'une entreprise depuis vingt-six ans. Une expérience dont il a tiré des conseils pratiques.

Abdessamad Bennani dirige la société AGX, à Toulouse (Haute-Garonne), qui crée des logiciels pour les auto-écoles. Au travail, il prône la « conviviale attitude ». Celle-ci consiste à « cultiver l'enthousiasme », à « oser dire du bien » ou encore à « signaler puis pardonner ». Il a publié l'ouvrage « La Conviviale attitude au travail », aux éditions Le Dauphin blanc. Il répond à « La Vigne ».

Comment définiriez-vous la « conviviale attitude » ?

Abdessamad Bennani : C'est un ensemble de pratiques qui permettent de vivre son travail comme un moment de joie et non comme une contrainte. Par exemple, je conseille d'être en avance dans ses tâches, car cela permet d'être plus efficace et de travailler dans le plaisir. Je sais que mes fiches de paie doivent être prêtes le 30, alors je m'en occupe le 24 pour éviter d'être sous pression le 30. Quand on pense à la convivialité, on pense aux à-côtés du travail (apéritifs, repas entre collègues, etc). Or, c'est aussi pendant le travail qu'il faut la cultiver.

Quels sont les bénéfices pour un employeur ?

A. B. : Le premier d'entre eux est d'avoir des relations apaisées au travail. Et sur le plan de la rentabilité, une équipe n'est jamais aussi efficace que lorsqu'il y a de la convivialité, de la créativité et de la responsabilité. Les salariés se sentent partie prenante de leur entreprise. Ils ne viennent pas juste chercher un salaire.

Vous êtes vous-même chef d'entreprise. Quels efforts demandez-vous à vos salariés ?

A. B. : Je leur demande, quand ils sont dans l'entreprise, d'être à 100 % dans leur travail. Cela signifie de ne pas répondre à des courriels ou à des appels personnels, sauf s'il y a une urgence. C'est un contrat passé entre eux et moi : je fais en sorte qu'ils partent à l'heure le soir et n'aient pas à travailler chez eux mais, en échange, ils doivent être totalement impliqués pendant les heures de travail.

Comment abordez-vous la question des salaires ?

A. B. : Il faut motiver ses salariés par une rémunération correcte. L'argent ne doit pas être un sujet tabou dans une entreprise. Je demande à mes employés s'ils sont contents de leur salaire, avec le risque qu'ils me disent non. Il faut alors que j'argumente ma décision. Un salarié qui est augmenté est en général plus créatif et plus motivé, car il a reçu une marque de reconnaissance. On fait parfois de mauvais calculs en refusant une augmentation. Une seule bonne idée d'un collaborateur peut vous faire gagner beaucoup d'argent et de temps.

Comment gérer une mésentente entre deux employés ?

A. B. : Il faut faire la chasse aux tensions et ne surtout pas les laisser grossir. C'est comme pour les mauvaises herbes : si vous désherbez toutes les semaines, vous pourrez les retirer facilement avec deux doigts. Mais au bout de deux mois, il vous faudra une bêche. Il est facile de repérer une tension entre deux personnes. Les regards sont différents, le ton des échanges également. Il faut tout de suite comprendre où est le problème, les aider à le formuler et à trouver une solution. C'est indispensable de motiver les gens à former une équipe qui a un but commun.

Et si l'un des deux ne souhaite pas apaiser la relation ?

A. B. : Pour qu'il y ait un combat, il faut être deux. Si l'un montre une autre voie, l'autre sera obligé de suivre. Mais l'influence du manager est capitale. Il doit montrer l'exemple en parlant avec bienveillance de ses clients, de ses fournisseurs et de ses collaborateurs.

Est-ce qu'on vous qualifie parfois de naïf ?

A. B. : Oui, bien sûr, mais la conviviale attitude fonctionne, puisque je l'applique depuis vingt-six ans et que mon entreprise va bien. Je ne nie pas les problèmes. J'essaie toujours de trouver des solutions. Nous passons trop de temps à nous plaindre.

La lecture de votre livre laisse penser que l'on attend trop des autres...

A. B. : Oui et c'est le principal message que je souhaite faire passer dans cet ouvrage. Nous nous épuisons à vouloir faire en sorte que les autres changent. Or, cela ne marche pas. Si vous voulez changer quelque chose dans une relation ou dans une organisation, changez vous-mêmes et les autres vont progressivement suivre.

Selon vous, un dirigeant doit accepter les critiques.

A. B. : Oui. Nous avons peur de la critique, mais elle est très intéressante pour progresser. En acceptant et en suggérant les critiques, je pousse mes salariés à proposer des choses et à être acteur de la convivialité et du bon fonctionnement de l'entreprise.