Retour

imprimer l'article Imprimer

GÉRER

L'art de motiver des saisonniers

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°262 - mars 2014 - page 72

Le domaine Gayda fait appel à des équipes déjà constituées pour les travaux en vert et les vendanges. L'accueil et la formation y sont soignés pour que les salariés se sentent impliqués. Un investissement en temps qui donne entière satisfaction.
FATIMA CEBALLOS-SIMON ET VINCENT CHANSAULT, du domaine Gayda, apprécient de travailler avec des équipes de saisonniers qui se connaissent bien. © F. EHRHARD

FATIMA CEBALLOS-SIMON ET VINCENT CHANSAULT, du domaine Gayda, apprécient de travailler avec des équipes de saisonniers qui se connaissent bien. © F. EHRHARD

«En 2013, après plusieurs années de galère, nous avons enfin réussi à trouver des saisonniers efficaces pour les travaux en vert », apprécie Vincent Chansault, directeur technique du domaine Gayda, dans l'Aude. Celui-ci regroupe 10 ha de vignes à Brugairolles et 7 ha à La Livinière. Les travaux en vert (ébourgeonnage, épamprage et relevage) nécessitent cinq personnes durant quatre à cinq semaines réparties sur mai et juin.

« Par Pôle emploi, nous n'arrivions pas à constituer une équipe. Une partie des saisonniers abandonnait rapidement. Des nouveaux les remplaçaient, qu'il fallait former à leur tour. C'était prenant, et au final, le travail n'était pas fait à temps », relève Vincent Chansault. Un essai avec un prestataire de services n'a pas été plus concluant. « L'entreprise se partageait entre plusieurs clients qui en avaient besoin au même moment et elle n'arrivait pas à suivre le rythme de croissance de la vigne chez chacun », note-t-il.

La solution a finalement été d'embaucher une équipe de quatre Espagnols. « Nous les avons trouvés grâce au bouche-à-oreille, en sollicitant les personnes que nous connaissons dans le milieu du vin, explique Fatima Ceballos-Simon, responsable qualité et développement. Ces jeunes se connaissaient déjà. Ils sont venus ensemble d'Andalousie. Il a fallu trouver un gîte pour les loger. Mais ils étaient motivés et sont restés jusqu'au bout. » Un saisonnier audois, qui vient depuis plusieurs années pour les vinifications, se trouvait disponible à ce moment-là ; il a complété l'équipe.

Un livret d'accueil. Le premier jour de leur embauche a été consacré à l'accueil et à la formation. « Auparavant, nous nous contentions d'expliquer le travail avant de démarrer, se souvient Vincent Chansault. En 2011, nous avons suivi une formation sur l'accueil menée par Christine Fali. Nous avons repris ses conseils et rédigé un livret que nous remettons désormais aux salariés à leur arrivée. Il leur donne des repères sur notre domaine, ce qui facilite leur intégration. »

Ce livret pose les objectifs du domaine (obtenir des vins de qualité commercialisés auprès d'une clientèle internationale) et souligne l'importance du travail d'équipe pour y parvenir. Il contient un organigramme avec la photo, le nom et la fonction de chaque permanent. Les nouveaux venus y trouvent également un plan des lieux, des conseils aux salariés à la vigne, à la cave, à la vente et à l'administration, ainsi que des règles pour bien vivre ensemble (ponctualité, respect des lieux, des personnes, des règles de stationnement, etc.).

« Nous prenons le temps de commenter notre livret en salle, de même que celui de la MSA sur la prévention des risques, que nous distribuons aussi », précise Fatima. Le livret d'accueil, réactualisé chaque année, est imprimé en format A5 au domaine en fonction des besoins.

Vincent explique ensuite aux saisonniers les objectifs des travaux en vert, puis les amène dans une parcelle pour leur apprendre le travail. Il commence par les vignes en cordon de royat. Une fois que les saisonniers y ont fait toutes les interventions, il les emmène dans des vignes conduites en guyot. Il termine par les gobelets. « Je rappelle aussi les consignes tous les matins, et je reste à leur écoute s'ils ont des questions », complète-t-il.

Les jeunes Espagnols de l'an dernier avaient déjà taillé des oliviers. Ils s'intéressaient au végétal, à son fonctionnement, et ont très bien compris ce qu'ils devaient faire. « J'ai pu les laisser travailler de façon autonome », rapporte Vincent. Cette année, il prévoit de former un des permanents à la fonction de chef d'équipe, pour lui déléguer l'encadrement des saisonniers au quotidien.

Une équipe, une mission. « Notre objectif est de former des équipes à qui nous confions une mission et qui se sentent responsables de la mener à bien. Quand les gens se connaissent déjà, c'est plus facile. Ils s'épaulent et ont une force d'action collective », assure Fatima. Les jeunes Espagnols qui ont fait les travaux en vert en 2013 ont peut-être trouvé depuis un emploi en CDI dans leur pays. « Nous allons les contacter en mars. S'ils ne sont plus disponibles, nous chercherons une nouvelle équipe », anticipe-t-elle.

Pour les vendanges, le domaine emploie une autre équipe d'Espagnols, la même depuis 2005. Il partage ces ouvriers avec un autre vigneron de La Livinière, qui a une maison pour les loger. « Sur nos exploitations, nous ne vendangeons pas tous les jours, car nous attendons la maturité de chaque parcelle, observe Vincent. En nous organisant à deux, nous arrivons à faire travailler l'équipe à temps plein durant six semaines. »

Les saisonniers connaissent bien les parcelles et sont autonomes. « Nous n'avons pas besoin de les encadrer. Nous détachons seulement deux permanents du domaine qui s'occupent du transport des cagettes », se réjouissent les responsables du domaine. À la fin des vendanges, un repas est organisé pour remercier l'équipe de son engagement.

Pour les vinifications, le domaine a fidélisé des saisonniers audois. Ceux-ci travaillent la plus grande partie de l'année chez des vignerons coopérateurs et font ensuite les vendanges dans des caves particulières. « Nous les embaucherions volontiers pour les travaux en vert. Mais ils sont déjà pris à cette période », regrette Vincent. Ce sont également des Audois qui viennent faire le tri des raisins à la réception en cave.

Un management participatif

« Nous prenons le temps d'échanger avec nos salariés sur ce qu'ils peuvent observer dans les vignes. Nous effectuons aussi un retour sur le travail qu'ils ont fait. Ils se sentent ainsi reconnus dans leur fonction », affirme Vincent Chansault, le directeur technique. Avant de démarrer la taille, par exemple, il fait le point avec les deux permanents affectés au vignoble et un consultant, qui apporte un regard extérieur. « Chacun donne son avis, en fonction du rendement de l'année précédente et de la vigueur. J'ajuste alors les consignes pour la saison à venir dans chaque parcelle », explique-t-il. L'objectif de ces échanges est d'amener les salariés à s'impliquer. Vincent Chansault constate alors que « le travail est mieux fait. Cela contribue à la qualité des vins, et c'est une source de satisfaction pour tous ».

Un domaine, plusieurs activités

Basé à Brugairolles, dans l'Aude, le domaine Gayda a été créé en 2003 par quatre associés : Tim Ford, un Anglais, Anthony Record et Marc Kent, deux Sud-Africains, et Vincent Chansault, un Français. Il regroupe 17 ha de vignes et achète du raisin ou des vins à des vignerons du Languedoc-Roussillon avec lesquels il travaille en partenariat. En tout, il commercialise 800 000 cols par an, principalement en IGP Pays d'Oc. Au caveau, la fourchette de prix va de 3,50 à 20 euros par col. Un restaurant, géré par le chef Pascal Ledroit, est installé sur le domaine ainsi qu'une école du vin et une résidence pour accueillir les amoureux du vin.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :