GEORGES TRUC SUR LE PLATEAU DES GARRIGUES, à Vacqueyras (Vaucluse), saisit une poignée de galets blancs caractéristiques de cette appellation. © C. SARRAZIN
« Ce qui compte, c'est ce qui se cache en dessous, sourit Georges Truc en saisissant une poignée de ces petits galets blancs qui recouvrent le plateau des Garrigues, à Vacqueyras, dans le Vaucluse. Ce plateau compose 60 % de l'aire de cette appellation. En le parcourant, on peut ressentir de la monotonie. Mais lorsqu'on s'intéresse à son sous-sol, une étonnante diversité de matériaux se dévoile : argile, sables fins ou combinaisons d'argiles sableuses. Cela explique les différences entre les vins de ce secteur. »
Les vignerons de Vacqueyras viennent de lui confier une étude de leur terroir. Depuis quinze ans, ce géologue enseignant à l'université de Lyon I aide les viticulteurs de la vallée du Rhône à mieux connaître leurs sols et, surtout, à en parler simplement.
« Après avoir passé ma carrière à traduire des données scientifiques pointues à des étudiants, je suis persuadé qu'on peut tout expliciter simplement. C'est une nécessité, sans quoi on reste incompris », assure-t-il. Plutôt que d'utiliser le vocable argilo-calcaire qui, selon lui, « veut tout et rien dire », il conseille aux vignerons d'employer les termes « cailloutis » ou « argiles ». « C'est plus parlant, dit-il. Quand on marche dans les vignes, on butte sur des cailloux ou on s'enfonce dans l'argile quand la terre est mouillée. »
Agenda bien rempli. La cave Balma Vénitia, à Beaumes-de-Venise, a été la première à le solliciter en 1997. À l'époque, elle venait de lancer la cuvée du Trias, du nom d'une formation géologique vieille de 230 millions d'années dans les Dentelles de Montmirail. « J'ai animé des séances de présentation de cette cuvée, poursuit le chercheur. Ce massif est unique en son genre, il témoigne d'un d'événement tectonique d'une grande ampleur dans le sud de la France. Il renferme de nombreux substrats, du sel, du calcaire, du magnésium, du potassium... »
En 2005, il prend sa retraite. Peu de temps auparavant, il a fondé le cabinet d'études G'Eau, à Visan, sa ville natale. Plusieurs syndicats d'appellation font alors appel à ses services : Gigondas, Rasteau, Grignan-les-Adhémar, et, cette année, Vacqueyras ainsi que les Costières de Nîmes.
À 71 ans, son agenda est bien rempli. Avant toute chose, il fait creuser des fosses de deux à trois mètres de profondeur, jusqu'à la roche mère. « De cette façon, nous disposons d'une vision très précise des éléments qui composent le sol et le sous-sol », explique-t-il.
À Gigondas, il a distingué deux terroirs : les marnes calcaires qui donnent des vins puissants et charpentés et les safres - des marnes sableuses -, où les vins sont plus fins. Il a découvert des terroirs à blancs sur des parcelles plantées en rouges sur l'AOC Grignan-les-Adhémar. Depuis, des vignerons implantent des cépages blancs, du viognier en particulier, qui viennent étoffer leur gamme.
Le syndicat de l'appellation Vacqueyras lui a demandé de cartographier les terroirs et de rédiger des fiches explicatives. Inter-Rhône l'a chargé de réaliser des fiches synthétiques de chaque AOC rhodanienne. Il anime également des master class - des dégustations assorties d'explications approfondies. Il en est convaincu : grâce au terroir, on peut développer un oenotourisme pointu.
« De plus en plus de personnes parcourent le vignoble et ses paysages. Elles veulent en savoir plus sur leur influence sur les vins », observe le retraité débordé. Il espère un jour les conduire dans les fosses pour leur montrer les relations entre le sous-sol, la vie souterraine - vers de terre, larves, mycorhizes... - et la vigne.