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VIGNE

Azote Les clés pour bien fertiliser

ADÈLE ARNAUD - La vigne - n°263 - avril 2014 - page 32

La vigne a de faibles besoins en azote. Mais quand ce nutriment vient à manquer, les rendements et la vigueur chutent. Voici comment savoir si une fertilisation est nécessaire et comment la mener.
EN PRÉSENCE D'UN ENHERBEMENT PERMANENT, il est essentiel de positionner les engrais sous le rang afin que l'azote apporté ne soit pas consommé par le couvert végétal. ©  C. WATIER

EN PRÉSENCE D'UN ENHERBEMENT PERMANENT, il est essentiel de positionner les engrais sous le rang afin que l'azote apporté ne soit pas consommé par le couvert végétal. © C. WATIER

Comment savoir si une vigne est carencée ?

Par l'observation. C'est le meilleur moyen d'évaluer l'alimentation azotée de ses vignes. Une couleur de feuillage vert pâle, un faible développement des bois et un rendement insuffisant sont généralement associés à une carence en azote.

Ces observations peuvent être complétées par des analyses de pétiole ou de limbe à la mi-véraison. À ce stade, on considère que 0,6 à 0,8 % d'azote total dans la matière sèche des pétioles est le signe d'une alimentation moyenne. Pour le limbe, la fourchette se situe entre 1,8 et 2,4 % d'azote dans la matière sèche. Cornelis van Leeuwen, de l'Énita de Bordeaux, en Gironde, insiste sur le fait que ces valeurs ne sont qu'indicatives. « Un affinage par cépage est nécessaire, car il existe une réelle variabilité de la teneur en azote du limbe et des pétioles selon les variétés », explique-t-il.

La teneur en azote assimilable des moûts est un autre paramètre. En principe, elle doit se situer entre 120 à 160 mg/l. Mais là encore, les variations sont importantes selon les cépages et le rendement.

Quant à l'analyse de sol, elle est sans grand intérêt pour repérer les risques ou les cas de carence.

Comment raisonner ses apports ?

Pour une production modérée (inférieure à 10 t/ha), aucun apport n'est préconisé sur une vigne de vigueur équilibrée, non enherbée ou enherbée un rang sur deux. Jean Pascal Goutouly, chercheur à l'Inra de Bordeaux, démontre que la minéralisation de la matière organique libère naturellement 50 kg d'azote par ha et par an en moyenne. C'est généralement suffisant pour couvrir les besoins d'une vigne à rendements moyens. Mais ce chiffre dépend fortement des caractéristiques pédoclimatiques des parcelles et peut donc être très différent d'une région à l'autre. Le chercheur souligne également que les sarments issus du bois de taille apportent, en fonction de la vigueur, 6 à 10 kg d'azote par ha s'ils sont restitués à la parcelle.

Lorsque la vigueur et les rendements sont insuffisants, un apport de 15 à 50 unités d'azote est conseillé sur les cultures non enherbées ou enherbées un rang sur deux.

Pour un objectif de rendement élevé (supérieur à 10 t/ha), ces chiffres doivent être majorés de 15 à 20 unités. Il est donc recommandé d'apporter 15 à 20 unités si ce rendement est atteint et 30 à 70 unités dans le cas contraire.

Faut-il fertiliser d'avantage les vignes enherbées tous les rangs ?

Sur les vignes équilibrées et enherbées de façon permanente, il est préconisé d'apporter de 0 à 30 unités d'azote afin de compenser les pertes liées au couvert herbacé. La dose varie en fonction de la nature du sol et de sa capacité à minéraliser la matière organique présente.

Si la vigueur et les rendements sont faibles, l'apport doit être au minimum de 30 unités et peut atteindre 50 unités. Lorsque l'on recherche des rendements très élevés, les doses peuvent varier de 15 à 50 unités pour des vignes de vigueur équilibrée et de 45 à 70 unités pour relever des rendements insuffisants.

Isabelle Méjean, conseillère viticole à la chambre d'agriculture de la Drôme, a réussi à relever de façon notable le rendement d'une parcelle de faible vigueur avec peu d'azote. Pendant quatre ans, elle a étudié une parcelle de grenache enherbée. Les rangs fertilisés avec 30 unités d'azote ont produit en moyenne 40 % de rendement en plus que les témoins non fertilisés. Isabelle Méjean a réalisé le même essai sur une parcelle de grenache au sol travaillé. Là, l'apport d'azote a permis une hausse de 22 % du rendement, le poids de récolte par souche passant de 2,8 kg pour le témoin à 3,4 kg pour les rangs fertilisés.

Si l'apport d'azote ne permet pas de relever la vigueur et le rendement, c'est que l'enherbement est trop concurrentiel. Il faut le revoir : détruire un rang sur deux, changer d'espèce...

Quelle forme d'engrais faut-il apporter ?

Pour une alimentation azotée équilibrée, les techniciens privilégient les amendements organiques. Ces derniers améliorent la structure et l'activité biologique des sols. Mais leur effet n'est pas immédiat.

Pour une correction rapide de la vigueur et des rendements, les engrais minéraux sont les plus adaptés. Concentrés en azote, ils sont aussi moins coûteux que les engrais ou les amendements organiques. Ils présentent néanmoins un caractère généralement acidifiant et leur utilisation est interdite en agriculture biologique.

L'azote contenu dans ces engrais est rapidement assimilable par la vigne. En fonction de leur formulation, du type de sols et de la pluviométrie, il ne sera disponible que de quelques semaines à quelques mois, puis sera lessivé.

L'azote nitrique, directement assimilable par les racines, est très soluble et migre très rapidement dans le sol. Les apports sont déconseillés en sol sableux à moins d'être fractionnés. L'azote ammoniacal est peu lessivable. Il doit d'abord se transformer en azote nitrique pour que les racines puissent l'absorber. Ce processus peut être rapide.

Pour l'alimentation de la vigne, les nitrates doivent migrer jusqu'au système racinaire situé entre 15 et 40 cm de profondeur. Selon le traité de François Champagnol (1), la profondeur de migration des nitrates est égale à deux fois et demie la quantité d'eau reçue sur un sol lourd et à six fois et demie sur un sol léger. Autrement dit, 40 mm de pluie entraînent les nitrates à 10 cm de profondeur en sol argileux et à 26 cm en sol très sableux.

Concernant l'azote uréique, Pascal Guilbault, chef du service expérimentation à la chambre d'agriculture de Gironde, suggère que « cette forme est d'un intérêt limité en apport au sol. Elle est en revanche utilisée pour des fertilisations foliaires ».

Quand faut-il apporter les engrais minéraux ?

La vigne a besoin d'azote à partir du stade quatre à six feuilles étalées mais elle n'en absorbe de façon notable dans le sol qu'à partir de la floraison.

Les apports d'azote nitrique et ammoniacal se feront donc entre le débourrement et le stade quatre à six feuilles étalées, en fonction du type de sol et de la pluviométrie de la région. D'une façon générale, ils sont à réaliser de manière plus précoce dans les régions sèches afin que les engrais reçoivent suffisamment de pluies pour atteindre les racines. Cette précocité sera renforcée sur sol argileux. Dans les régions humides, ils doivent être plus tardifs, notamment en sol léger.

Les engrais minéraux doivent être apportés en surface et de préférence sous le rang. Cette localisation devient obligatoire dans le cas des vignobles enherbés.

Quand positionner les engrais organiques ?

Les engrais organiques apportent de l'azote non lessivable qui doit être minéralisé pour être absorbé par les racines. Cette libération est progressive et dépend de l'activité biologique du sol. Pour un effet rapide, il est conseillé d'utiliser des produits rapidement minéralisables et de les appliquer au plus tôt fin février début mars. Les engrais organiques à minéralisation lente et progressive peuvent être amenés à l'automne, comme les amendements.

Les engrais organiques sont utilisables en agriculture biologique. Ils peuvent être associés à des fertilisants minéraux.

Que penser des engrais composés ?

S'il s'agit uniquement de corriger la nutrition azotée, ces engrais sont sans intérêt. Éric l'Helgouach, de la chambre d'agriculture du Vaucluse, conseille « d'éviter les engrais ternaires (NPK) qui apportent inutilement du phosphore, ou alors de choisir les formulations contenant le moins de phosphore ». En revanche, selon les situations, il peut être intéressant d'utiliser des formulations NMg ou NK.

Par ailleurs, selon la chambre d'agriculture de Gironde, les engrais dits « retard » ou « à libération progressive » ne semblent pas présenter d'avantages significatifs en viticulture.

Les apports foliaires ont-ils un intérêt ?

Pour corriger les rendements, mieux vaut apporter de l'azote au sol, car la plante s'alimente principalement par les racines. Les pulvérisations foliaires ont surtout pour objectif de corriger une carence azotée des moûts. Dans cette optique, elles doivent être réalisées au moment de la véraison.

1. « Éléments de physiologie de la vigne et de la viticulture générale », de François Champagnol, 1984.

Augmenter l'azote assimilable dans les moûts

En 2011 et 2012, l'IFV Sud-Ouest a testé plusieurs espèces comme engrais vert. La féverole (Vicia faba) cultivée s'est révélée la plus intéressante. Elle a produit la plus grande quantité de biomasse. Elle a permis une augmentation significative de la teneur en azote assimilable des moûts, jusqu'à + 65 %, sans augmenter les rendements. Et grâce à son fort pouvoir germinatif, elle s'est installée dans une large gamme de conditions climatiques. L'IFV a également testé quatre modalités d'implantation et de destruction de cette légumineuse. Un semis en octobre, suivi d'une destruction par broyage, puis d'un enfouissement début mai paraît être la meilleure modalité.

Le rôle prépondérant du sol

La teneur en azote d'un sol est principalement liée à la quantité de matière organique qu'il renferme et à sa capacité à minéraliser l'azote organique sous sa forme nitrique, la seule forme assimilable par les racines. La vitesse de minéralisation par les micro-organismes du sol dépend fortement de la nature de ce dernier, de la température et de l'hygrométrie. Plus le sol est riche en calcaire et en argile, moins la minéralisation est rapide. La température optimale se situe à 30°C. L'eau joue un rôle clé. En plus de ses effets positifs sur la vitesse de minéralisation, elle est essentielle pour amener l'azote jusqu'aux racines. C'est pourquoi un sol sec peut limiter l'alimentation azotée de la vigne, même s'il contient de l'azote assimilable. Il en est de même pour un sol trop acide. Toutes les pratiques améliorant la structure et l'activité biologique des sols (amendements, travail du sol, chaulage...) peuvent relancer l'alimentation azotée de la vigne.

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