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VIGNE

Clones Les mélanges préservent la diversité

ADÈLE ARNAUD - La vigne - n°263 - avril 2014 - page 36

Planter différents clones d'un cépage sur une parcelle est un moyen d'obtenir des vins plus complexes. Cette pratique doit suivre quelques règles, car il s'agit de cultiver ensemble des clones semblables ou complémentaires.
LE PANACHAGE de différents clones sur une parcelle permet d'améliorer la complexité des vins mais aussi de stabiliser ses rendements. © P. ROY

LE PANACHAGE de différents clones sur une parcelle permet d'améliorer la complexité des vins mais aussi de stabiliser ses rendements. © P. ROY

La sélection clonale est apparue en France dans les années soixante puis s'est rapidement imposée. Bien qu'ayant permis de relever l'état sanitaire et agronomique du vignoble, cette pratique a néanmoins entraîné une forte diminution de la diversité génétique intravariétale. Certains tendent même à dire qu'elle est à l'origine d'une standardisation des vins.

Pour contrer ce phénomène, des viticulteurs décident de planter différents clones dans une même parcelle. On parle de « plantation polyclonale ». Pascal Bloy, du pôle national du matériel végétal de l'IFV, conseille « d'éviter le plus possible une culture monoclonale afin de bénéficier de plus de diversité dans le vignoble. On peut jouer sur la complémentarité entre les clones, explique-t-il. La plantation polyclonale permet d'obtenir des vins moins standardisés et un peu plus complexes d'un point de vue aromatique, bien sûr, mais aussi sur les plans de la coloration et de l'acidité ». Il donne pour exemple certains clones de chardonnay qui apportent des arômes muscatés.

Armand Baur, propriétaire du domaine Charles Baur, à Eguisheim (Haut-Rhin), en Alsace, pratique la plantation polyclonale sur de grandes parcelles et sur tous ses grands crus. « Il est plus intéressant de planter différents clones pour les vinifications parcellaires. Cela apporte plus de diversité aromatique à mes vins et m'évite d'avoir quelque chose de trop standardisé. C'est important pour les vins de terroir. Mais il faut choisir des clones de même qualité », précise-t-il.

Complémentarité entre les clones. Il alterne en moyenne cinq rangs d'un clone, puis cinq rangs d'un autre et ainsi de suite. Au moment de la vendange, tout est récolté ensemble. Pour le gewurztraminer, son pépiniériste préconise de planter en grand cru environ 50 % d'une parcelle avec le clone 1076, considéré comme très qualitatif, et le reste avec les clones 1075 et 1077, de production moyenne, à parts égales. Pour ceux qui recherchent un rendement élevé, le clone 1078 peut représenter la majorité des vignes.

Sébastien Velletaz, des pépinières Colomb Velletaz, recommande à ses clients ce type de plantation. Fervent défenseur de la conservation de la diversité génétique, il souligne qu'« il est essentiel de rester sur des clones aux caractéristiques agronomiques proches ». En effet, le principal inconvénient de cette pratique résulte du risque d'hétérogénéité au moment de la récolte. Il prévient que « si les clones présentent une trop grande variabilité au niveau de leur précocité et de leur productivité, il y a un risque de vendanger des grappes en surmaturité et d'autres en sous-maturité et donc de produire des vins déséquilibrés ».

Il conseille donc de planter des clones de même catégorie (A, B ou C), choisis en fonction des objectifs de rendement. Ainsi, selon lui, le clone de syrah 470, à fertilité et production faibles, ne peut pas être associé sur une même parcelle au clone 747, qui présente un niveau de rendement élevé. En revanche, le 470 peut être planté avec les 1140, 1141 et 1188, de production moyenne à faible et récemment inscrits au catalogue des variétés, venant combler le manque de clone peu sensible au dépérissement.

Sébastien Velletaz suggère également de prendre en compte les caractéristiques physiologiques des clones afin de faciliter l'entretien du vignoble. Par exemple, dans une parcelle de syrah, il déconseille de sélectionner le clone 174, au port dressé, avec le 524 ou le 747, au port retombant.

Les mêmes raisonnements s'appliquent à d'autres cépages dans d'autres régions. Thierry Paucant, des pépinières Guillaume, préconise de planter ensemble les clones de merlot 343, 347 et 181, car ils sont proches agronomiquement et tous trois considérés comme qualitatifs. Ceux qui recherchent des vins plutôt corsés pourront augmenter la proportion du clone 181, aux baies plus petites et donc au rapport jus/pellicule plus faible.

Jean-François Ranvier, propriétaire du domaine des Muretins, à Tavel, dans le Gard, accorde beaucoup d'importance à la complémentarité entre les clones. Il réalise des polyclonales à chaque nouvelle plantation. En plus du gain de complexité organoleptique, il cherche à stabiliser ses rendements. « Mes parcelles répondent mieux au climat qui accompagne chaque millésime, confie-t-il. En grenache par exemple, les clones 362 et 513 sont plus coulards que d'autres. Lors des années peu coulardes, ces deux clones sont très qualitatifs, car leurs grappes sont très lâches et leurs baies concentrées. Mais en année défavorable, la récolte peut être mise en péril. La plantation de ces clones avec d'autres moins sensibles à la coulure permet de maintenir la quantité et la qualité de récolte pour chaque millésime. »

À la recherche de nouveaux clones. Il mène la même réflexion sur la sensibilité à la pourriture grise. En année humide, les clones à grappes lâches comme le 362 permettent d'assurer un bon état sanitaire. En années sèches, les baies plus grosses du clone 1064 garantissent un rendement correct.

Afin de préserver la diversité au vignoble, les prospections continuent. Pour les cépages principaux, il s'agit de trouver de nouveaux clones aux caractéristiques particulières. Pour les cépages secondaires, il s'agit tout simplement d'en trouver. Pour 63 variétés, aucun clone n'est à ce jour agréé. Le carignan blanc est dans ce cas. Des prospections ont été menées récemment dans le Languedoc, car ce cépage oublié semble revenir à la mode.

Une priorité : conserver la biodiversité

À travers un gros travail de recensement et de prospection dans les vignes les plus anciennes, les conservatoires régionaux ont pour objectif de regrouper, conserver et maintenir la plus large diversité possible au sein d'un cépage donné. Lorsque toutes les vieilles parcelles auront été arrachées, ces conservatoires seront l'unique ressource pour de prochaines sélections clonales. Gérés par l'Inra ou l'IFV, il en existe à ce jour plus de 150. Au château de Mons, à Caussens, dans le Gers, 129 variétés du Sud-Ouest sont ainsi conservées sur 8 ares. La prospection reste très active afin de conserver le plus de biodiversité possible, tant pour les cépages principaux que pour les variétés secondaires, comme le mouyssaguès ou le fel blanc.

Quand les clones ne suffisent plus...

Pour Christophe Hébinger, responsable de la pépinière du même nom, à Eguisheim (Haut-Rhin), en Alsace, rien ne vaut la sélection massale pour amener complexité et richesse au vin. Engagé dans cette démarche depuis 1987, il propose à ses clients des sélections massales provenant d'une quinzaine de parcelles, toutes agréées par FranceAgriMer. Au départ, des viticulteurs souhaitaient conserver le patrimoine d'une de leurs vieilles parcelles leur donnant satisfaction. Christophe Hébinger a réalisé ce travail à leur demande. En même temps, il a observé les aptitudes agronomiques (productivité, précocité et richesse en sucre à la récolte) de ces différentes parcelles. Puis il a demandé à leurs exploitants l'autorisation de diffuser les bois des plus intéressantes de ces vignes. Il commercialise ainsi une quinzaine de sélections massales provenant d'autant de parcelles différentes. Beaucoup de ses clients se tournent vers elles, mais ils déplorent l'impossibilité de toucher les primes à la restructuration pour ce type de plantation.

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