Retour

imprimer l'article Imprimer

VIGNE

LalVigne Mature Les promesses d'un dérivé de levure

ADÈLE ARNAUD - La vigne - n°263 - avril 2014 - page 38

Lallemand travaille sur un nouveau produit dont l'application sur vigne semble améliorer la structure tannique des vins rouges.
LALVIGNE devait initialement être utilisé comme engrais foliaire : les composants de levures étant supposés alimenter la vigne. C'est par hasard que Lallemand a constaté un effet sur les vins. © C. WATIER

LALVIGNE devait initialement être utilisé comme engrais foliaire : les composants de levures étant supposés alimenter la vigne. C'est par hasard que Lallemand a constaté un effet sur les vins. © C. WATIER

La société Lallemand a présenté au public ce jeudi 20 mars le premier dérivé de levure à appliquer sur la vigne : LalVigne Mature. Ce produit est composé de fractions spécifiques de levures oenologiques inactivées. La firme pensait en premier lieu l'utiliser comme engrais foliaire, supposant que les composants des levures (acides aminés, minéraux...) pouvaient alimenter la plante. C'est par hasard qu'elle a constaté un effet sur les vins. Selon elle, LalVigne Mature améliore la rondeur, la qualité des tannins et la qualité en bouche des vins rouges.

Une centaine de personnes curieuses de découvrir ce nouveau produit s'est retrouvée au château Cransac, à Fronton, en Haute-Garonne. Après la révélation de divers essais menés par des chambres d'agriculture et des viticulteurs, beaucoup d'interrogations n'ont pas trouvé de réponses. L'action du produit paraît en effet irrégulière.

Lallemand a réalisé soixante essais dans le monde à travers des partenariats avec des instituts techniques et des vignerons. Le 20 mars, Anthony Silvano, responsable du développement et des applications en oenologie de la société, a présenté le bilan des vingt-six tests les plus rigoureux, autant au niveau du protocole expérimental que de l'analyse sensorielle.

Dans 95 % de ces derniers essais, les vins issus des raisins traités avec LalVigne Mature ont été jugés différents des vins témoins selon divers critères gustatifs et aromatiques.

L'intensité et la qualité tanniques se trouvent significativement améliorées dans douze essais. Dans deux expérimentations seulement, les vins traités sont moins bien notés selon ces deux critères. Dans les autres, les dégustateurs n'ont pas perçu de différence significative.

Pour d'autres critères, les résultats sont plus variables. Quatre essais montrent une augmentation significative de l'amertume alors que huit s'achèvent par une diminution. Le produit semble orienter les vins vers des notes de fruits mûrs plutôt que vers des notes de fruits frais. Cependant, quatre tests suggèrent le contraire.

Olivier Cor, ingénieur agronome chez Lallemand Plant Care, avoue être incapable d'expliquer les mécanismes mis en jeux au sein de la plante. Il suppose que « ces fractions de levures contiennent des précurseurs ou inducteurs favorisant la biosynthèse de certaines molécules. Elles seraient responsables, entre autres, d'un assouplissement des tannins ». Il ne se risque pas à formuler d'explications plus précises. Des études, notamment avec l'Inra, sont en cours afin de comprendre ce qui se passe au coeur de la plante.

Avant le bilan présenté par Anthony Silvano, trois techniciens ont exposé leurs propres résultats. Tous trois ont appliqué le produit selon les préconisations de la firme : une première fois en début de véraison puis dix à quatorze jours après, à une dose de deux litres par hectare.

À Chinon (Indre-et-Loire), Philippe Gabillot, de la chambre d'agriculture, a mené en 2012 et en 2013 des essais sur cabernet franc. Il a testé trois modalités : un témoin, une modalité avec deux applications de LalVigne Mature seul et une modalité avec LalVigne Mature sur vigne ayant au préalable reçu un traitement Greenstim. Afin d'optimiser l'action du produit, Lallemand a souhaité ajouter cette dernière modalité, car Greenstim est préconisé pour lutter contre le stress hydrique.

En effet, Olivier Cor, souligne que « LalVigne Mature ne peut bien fonctionner que si la vigne est en capacité de répondre aux messages qui lui sont envoyés. En cas de stress hydrique ou nutritionnel, l'effet est diminué ».

Autant en 2012 qu'en 2013, un jury de trois professionnels a préféré les vins issus des parcelles traitées avec Greenstim puis avec LalVigne, leur attribuant les meilleures notes pour la rondeur et l'amertume. La modalité LalVigne seule est venue ensuite, puis le témoin. Ce résultat a été confirmé par la suite par un jury professionnel de dix-sept dégustateurs, lequel a préféré la modalité LalVigne associée au Greenstim.

L'an dernier, Jean-Christophe Crachereau, responsable des expérimentations à la chambre d'agriculture de Gironde, a observé des résultats similaires sur les critères de qualité tannique. Dans son essai, la modalité traitée au Greenstim puis au LalVigne Mature a été jugée moins astringente et moins amère que le témoin. En revanche, elle se révèle plus végétale et moins longue en bouche. L'augmentation du caractère végétal a également été perçue lors d'essais menés en 2013 par la société Loire vini viti distribution (LVVD) sur des cabernets francs d'Anjou.

À Bordeaux, malgré l'augmentation de la note végétale, la modalité traitée au Greenstim puis au LalVigne a été mieux notée que le témoin, car elle a donné un vin plus souple, avec une finale moins agressive. La modalité LalVigne seul a par contre donné un vin inférieur au témoin, semblant plus maigre en bouche.

Il est alors facile de supposer que seule l'application de Greenstim améliore la qualité des composés phénoliques du raisin. Comme le souligne Jean-Christophe Crachereau, « il serait intéressant de mettre en place une modalité Greenstim seul afin de voir s'il existe une réelle synergie entre les deux produits ».

LalVigne Mature semble incontestablement agir sur le profil sensoriel des vins rouges. Malgré plusieurs résultats en faveur de l'amélioration de la rondeur, beaucoup d'interrogations subsistent. Il apparaît nécessaire de comprendre les mécanismes mis en jeu dans la plante pour optimiser l'utilisation de ce produit.

Deux applications à la vigne pour un effet sur le vin

LalVigne Mature s'applique en deux pulvérisations foliaires à 2 l/ha chacune, au début de la véraison, puis dix à quatorze jours plus tard. Olivier Cor, ingénieur agronome chez Lallemand, explique que cette répétition est nécessaire pour que la vigne puisse assimiler et répondre au stimulus qui lui est envoyé. Le produit, sous forme liquide, doit être dilué dans environ 200 litres d'eau, car il est nécessaire que le feuillage soit bien humecté pour une bonne efficacité. Dans l'attente de retours d'études à ce sujet, la firme préconise d'utiliser LalVigne Mature seul afin d'éviter toute interaction avec des produits phytosanitaires. Le lancement sur le marché est prévu pour cette année. Le produit devrait être vendu autour de 24 euros le litre, soit 96 €/ha pour les deux applications. Il peut être utilisé en agriculture biologique.

À chacun ses goûts...

 © V. SANCHEZ

© V. SANCHEZ

Le château Planères, situé à Saint-Jean-Lasseille, dans les Pyrénées-Orientales, a mené des essais en 2013 sur une parcelle de syrah IGP. Le 20 mars (notre photo), les invités de Lallemand pouvaient comparer la modalité traitée avec Lalvigne Mature au témoin non traité. La quasi-totalité des personnes présentes a constaté que la structure tannique du vin traité paraissait plus ample et plus ronde. Toutefois, une partie des dégustateurs a préféré le témoin non traité, suggérant qu'il présentait plus de caractère et de typicité. Il est vrai que l'équilibre d'un vin ne peut être jugé qu'à travers un seul critère. Guy Jaubert, cogérant du domaine, souhaite continuer les essais pour confirmer des premiers résultats satisfaisants à ses yeux. En effet, un de ses clients grossiste a nettement préféré le lot traité avec LalVigne. Il a commandé l'ensemble de la cuve pour destiner les bouteilles à ses marchés à l'export.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :