Le futur régime d'encadrement des nouvelles plantations de vignes entre en application le 1er janvier 2016. Les droits de plantation disparaîtront. Ils seront remplacés par des autorisations de plantation, sachant que chaque pays ne sera pas autorisé à en accorder plus de 1 % par an de sa superficie plantée en vigne.
La France pourra ainsi attribuer au maximum 7 500 ha de plantations nouvelles. Pour mettre en place ce dispositif, le ministre de l'Agriculture a demandé aux bassins de production d'exprimer leurs souhaits. Voici leurs réponses
Ils veulent croître : Cinq bassins entreprenants
Cognac : 8 000 ha rapidement.
« Nous pouvons tabler sur une progression de 3 % par an de nos ventes de cognac sur les quinze prochaines années », assure Jean-Marc Morel, président du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC). Forts de cette perspective, négoce et viticulture s'expriment d'une seule voix pour une extension des surfaces plantées.
La profession propose deux scénarios au ministre de l'Agriculture. Dans le premier, les plantations nouvelles démarreraient dès 2016. Elles porteraient sur 7 800 ha effectuées en sept ans. Dans le second, le chantier commencerait à partir de 2017 et concernerait 8 200 ha sur quatre ans. Aujourd'hui, Cognac s'étend sur 73 000 ha.
« Ces plantations seront encadrées par des indicateurs de pilotage, précise le responsable. Si l'un d'entre eux vire au rouge, il sera possible de retarder ou de stopper les plantations. »
Midi-Pyrénées : des plantations pour tous les vins.
La viticulture du Sud-Ouest souhaite bénéficier d'un taux de croissance supérieur à 1 % pour développer les AOP, les IGP et les vins sans IG. Les faits parlent d'eux-mêmes : les droits attribués sur 2013-2014 pour les AOP et IGP s'élèvent à 511 ha de plantations nouvelles, soit + 1,25 % du vignoble total (41 155 ha) ou + 1,60 % si l'on considère uniquement les AOP et IGP (31 000 ha).
La profession ne souhaite pas que les demandeurs soient soumis à des critères d'éligibilité mais, si la somme des demandes dépasse le contingent accordé, la priorité devrait être donnée aux petites entreprises, aux jeunes agriculteurs et aux vignes en pente.
Languedoc-Roussillon : stopper le déclin.
Le 7 avril, le conseil de bassin s'est prononcé unanimement pour une augmentation de la capacité de production, sans préciser le taux de croissance annuel. La filière veut mettre fin à l'érosion du potentiel régional qui s'est traduite par l'arrachage de 50 000 ha ces dix dernières années.
Sur le sujet de la plantation de vins sans IG, la production a fait valoir son inquiétude d'un possible transfert des vins issus de parcelles plantées sans IG vers les marchés d'AOC ou d'IGP (voir encadré).
Corse : 1 %, c'est insuffisant.
Jean-Marc Venturi, coprésident du bassin, rappelle que la Corse a beaucoup perdu de vignoble entre 1980 et 1990 et, qu'aujourd'hui, « il faudrait plus de 1 % par an pour pouvoir répondre à la demande des marchés AOP et IGP » de l'île. À propos des plantations de vins sans IG, la filière insulaire « ne souhaite pas autoriser la plantation de cépages hors des cahiers des charges de l'appellation ou des IGP ».
Bourgogne-Beaujolais : pour une croissance globale de 1 %.
Le comité de bassin Bourgogne-Beaujolais-Savoie-Jura a fixé la croissance annuelle de son potentiel de production au maximum, à savoir 1 %. Ce taux s'applique de façon globale, sans distinguer entre appellations, indications géographiques protégées et vins sans IG. Pour ces derniers, les professionnels ont toutefois posé l'interdiction de planter des cépages figurant dans les cahiers des charges des AOC ou des IGP.
Ils visent la stabilité : Six bassins prudents
Aquitaine et Val de Loire : une vision commune.
Les bassins d'Aquitaine et du Val de Loire ont tous les deux opté pour un taux de croissance annuel de plantation compris entre 0,3 et 0,5 % pour leurs AOC et leurs IGP.
À Bordeaux, où le conseil s'est réuni le 3 avril en l'absence du négoce, occupé par les primeurs, on se montre prudent. La région se souvient qu'entre 1997 et 2003, elle a planté quelque 10 000 ha et qu'elle a ensuite eu du mal à gérer cette croissance rapide. Dans ces deux bassins, la production est opposée aux plantations nouvelles pour les VSIG.
Vallée du Rhône et Provence : les IGP plus ambitieuses que les AOC.
Les représentants de la vallée du Rhône comme ceux de la Provence ont fixé un taux de croissance compris entre 0,3 et 0,5 % (ou 0,4 %) pour leurs appellations. Plus ambitieuses, les IGP de ces régions, y compris les vins de pays du Var, ont demandé 1 %, le maximum.
Au sujet des plantations de vins sans IG, la filière rhodanienne est restée divisée entre production et négoce (voir encadré). Quant à la Provence, elle a exprimé son scepticisme, considérant que ces vins ont peu de potentiel de développement du fait des bas rendements dans la région. « Si des opérateurs veulent toutefois investir dans des vignes de VSIG, ils devront faire la preuve de leurs débouchés commerciaux et s'engager à planter des cépages différents de ceux des AOC », exige Guy Gaspérini, membre du comité de bassin.
La Champagne : pas de plantations jusqu'à la révision de l'aire.
« Le commerce a toujours guidé notre évolution. Or, actuellement, les indicateurs ne sont pas porteurs. De plus, la quasi totalité de la superficie classée dans l'aire est plantée. Aussi, la filière dit "stop" à toute nouvelle plantation jusqu'en 2017-2018, date de la révision de l'aire », explique Pascal Férat, président du syndicat des vignerons et membre du comité de bassin. Concernant les vins sans IG, la Champagne estime qu'ils ne sont pas d'actualité. « Il n'existe pas de repli de l'AOC Champagne. On ne peut produire que du champagne », note-t-il. Par ailleurs, les Champenois estiment qu'il serait « déloyal de permettre la plantation de vin sans IG pour faire des vins effervescents en limite de l'appellation Champagne ».
Alsace : compenser les pertes.
Les Alsaciens déclarent se contenter de 0,2 %. Ce niveau compense la perte d'une quarantaine d'hectares par an - due à l'urbanisation - et maintient la surface du vignoble à 15 300 ha. À noter que leurs voisins lorrains souhaitent planter 4 à 5 % de vignes nouvelles par an. Il est vrai que leur vignoble ne représente que 200 ha.
Les VSIG, mal aimés dans plusieurs vignobles
Si la croissance des vins d'appellation et d'indication géographique a fait l'objet de consensus, celle des vins sans indication géographique est une réelle pomme de discorde. Quelques vignobles se sont opposés à toute plantation nouvelle pour eux. C'est le cas des bassins de Champagne et de l'est de l'Alsace.
La plupart des autres posent des conditions. La production craint en effet de voir les vins plantés sans IG se retrouver sur les marchés d'AOC ou d'IGP. « Si nous ouvrons le droit de nouvelles plantations aux VSIG, nous n'aurons plus aucune maîtrise de notre potentiel de production, puisque ces vignes pourront produire de l'IGP d'Oc dans la mesure où elles respectent le cahier des charges », argumente Jacques Gravegeal, le président de l'IGP Oc. Cependant, la production assouplirait sa position si un système de traçabilité des droits apportait la garantie que des parcelles plantées sans IG restent définitivement dans cette catégorie.
En Aquitaine, la production semble sur la même position. « Le négoce pousse au développement des VSIG, observe Paul-André Barriat, le président de l'interprofession de Bergerac. Mais il faudra verrouiller le système. »
D'autres solutions sont envisagées pour garantir l'étanchéité des marchés. Ainsi en vallée du Rhône, la production accepte la plantation en vins sans IG de cépages hors des appellations. Mais cela ne satisfait pas le négoce qui veut bénéficier des cépages identiques à ceux des Côtes du Rhône.
Une « croissance zéro » pour les VSIG est-elle recevable ? L'article 63 du règlement OCM semble l'exclure. « Toute restriction [au droit à la croissance de 1 % annuelle par État] produit une croissance d'un niveau supérieur à 0 % et [doit être] motivée », dit le texte. L'acte d'application, en cours de préparation au niveau européen, devrait préciser comment interpréter cette règle.