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DOSSIER - Oïdium : mobilisation générale

Oïdium Mobilisation générale

PAR CHANTAL SARRAZIN - La vigne - n°264 - mai 2014 - page 20

Porté par le changement climatique et l'essor de souches résistantes aux fongicides, l'oïdium prend de l'ampleur dans la plupart des vignobles. Les distributeurs modifient leurs programmes pour contrer sa montée en puissance.
LE NOMBRE DE TRAITEMENTS contre la maladie a progressé de 19 % entre 2011 et 2013 selon Bayer. En Champagne, cela fait dix ans que l'oïdium est préoccupant. © J.-C. GUTNER

LE NOMBRE DE TRAITEMENTS contre la maladie a progressé de 19 % entre 2011 et 2013 selon Bayer. En Champagne, cela fait dix ans que l'oïdium est préoccupant. © J.-C. GUTNER

L'oïdium figure en première place des maladies jugées dangereuses par les vignerons. Ils sont en effet 85 % à considérer qu'il présente un risque élevé pour leur culture. Il arrive juste devant les maladies du bois (84 %), le mildiou (80 %) et loin devant le botrytis (50 %). Ces résultats proviennent d'une enquête conduite par Bayer, en avril 2013, auprès de 335 viticulteurs.

Les inquiétudes se cristallisent dans trois régions : le Sud-Est (Languedoc, vallée du Rhône et Provence) où 86 % des interrogés jugent l'oïdium à haut risque, le Bordelais (85 %) et le bassin Bourgogne-Beaujolais (82 %). Les vignerons sont aussi 38 % à penser que le parasite progresse, contre 13 % seulement pour le mildiou.

Un sondage, réalisé par le groupe UPL Ltd, qui détient Cerexagri, recoupe ces résultats. Plus des trois quarts des vignerons français s'y seraient déclarés « particulièrement préoccupés par l'oïdium, soutient Philippe Sunder, chef de marché cultures pérennes chez Cerexagri. Ce sentiment est encore plus marqué dans le Sud-Est. Les professionnels de cette région et ceux de l'est de la France notent une progression plus marquée du parasite ».

Ces deux enquêtes surviennent un an après le millésime 2012, qui a marqué les esprits. Dans les vignobles de la moitié est de la France, les vignerons ont difficilement jugulé le fléau. Certains ont vu leurs lots de raisins déclassés.

Toujours selon Bayer, le nombre de traitements contre la maladie a progressé de 19 % entre 2011 et 2013. « Nous sommes passés de 5,2 à 6,6 traitements par an, affirme Jean-Luc Dedieu, chef de marché vigne de l'entreprise. Cela représente 1,4 passage de plus en deux ans. » Conséquence, la dépense phytosanitaire contre l'oïdium affiche une hausse d'environ 20 % sur cette même période. Elle varie toutefois du simple au double suivant les vignobles pour atteindre de 80 à 160 €/ha.

À la chambre d'agriculture de Côte-d'Or, Pierre Petitot, conseiller viticole, confirme : « Autrefois, nous parvenions à maîtriser le champignon. Depuis 2004, l'intensité des attaques a notablement progressé. » Le chardonnay, très sensible, a été la première victime. Depuis peu, le pinot noir cède aux infestations. La Côte-d'Or et le Mâconnais sont les secteurs les plus touchés.

2008, 2012 et 2013 n'ont pas laissé de répit aux vignerons. « L'an passé, pour la première fois, la maladie s'est propagée à la vitesse grand V sur les grappes courant août, avec 70 à 80 % d'intensité d'attaques dans les cas extrêmes, annonce Pierre Petitot. Les vignerons n'avaient rien remarqué sur les feuilles. » D'où une phobie à l'égard du champignon. « Il a un caractère insidieux, ajoute le conseiller. Il ne se repère pas d'emblée. Quand on le voit, il est déjà trop tard, ce qui provoque un sentiment d'impuissance. » La chambre d'agriculture a donc rédigé, cette année, la première note oïdium de son histoire.

En Champagne, le point de rupture remonte à 2003. « La maladie a pris brusquement de l'ampleur cette année-là, se souvient Marie-Laure Panon, chef de projet viticulture au Comité interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC). Depuis, nous observons régulièrement entre 30 et 50 % d'attaques sur grappes. En 2000, les niveaux avoisinaient 5 à 10 % seulement. »

Comme en Bourgogne, le chardonnay en fait les frais, suivi du pinot noir. Les vignerons se sentent également désemparés. « Il y a un décalage entre ce sentiment et les dégâts que cause l'oïdium, enchaîne Marie-Laure Panon. Ainsi, en 2012, année de forte pression, il a affecté à peine 2 % du volume de la récolte. Il est moins nuisible que le botrytis, qui a touché 20 % du volume de la récolte en 2010. » Dont acte.

Dans le Midi méditerranéen, les vignerons ont davantage l'habitude de ce parasite. « Il conditionne la protection de nos vignobles, souligne Emmanuel Rouchaud, chef de service viti-oeno à la chambre d'agriculture de l'Aude. Nos conditions climatiques favorisent son installation et sa propagation. »

Mais ici aussi, la pression se renforce. « Les attaques présentent plus d'ampleur depuis le début des années 2000, révèle Blandine Broquedis, ingénieur viti-oeno à la chambre d'agriculture du Gard. Elles se manifestent surtout sur le carignan et le chardonnay, mais également sur la roussanne, le muscat à petits grains, etc. »

Plusieurs facteurs expliquent cette montée en puissance. De l'avis de tous les observateurs, le changement climatique influe. Mais difficile de savoir dans quelle mesure. Une certitude pour Pierre Petitot : « Les conditions météorologiques de l'année précédente ont un rôle prépondérant sur le développement de la maladie pendant l'année en cours. »

De plus, ces dernières années, les vignerons, encouragés par les services officiels, ont eu tendance à démarrer la lutte plus tardivement et avec des produits curatifs, les QoI en particulier. Pour Jean-Baptiste Drouillard, expert technique vigne chez Syngenta, c'est une autre clef d'interprétation. « Les vignerons en ont bien conscience, précise-t-il. Ils reviennent à des interventions plus précoces avec des produits préventifs, tel que le souffre mouillable. »

Les ruptures de cadence dans les programmes de protection et la qualité de pulvérisation entrent également en jeu. « En Côte-d'Or, les vignerons sont principalement équipés de pulvérisateurs à jet projeté. Bien souvent, les produits restent bloqués au niveau des feuilles et n'atteignent pas les grappes. Or, la qualité de la pulvérisation, c'est le nerf de la guerre », assure Pierre Petitot.

La chambre d'agriculture sensibilise les utilisateurs au bon réglage de leurs appareils. « Ils doivent effectuer des tests avec des papiers hydrosensibles, vérifier l'état et le positionnement des buses et adapter leurs réglages à la vitesse de conduite », recommande Pierre Petitot. De plus en plus de vignerons investissent dans des pulvérisateurs à jet porté ou pneumatique, réputés plus efficaces.

Pour finir, l'oïdium a développé des résistances à plusieurs familles chimiques. Les QoI et les IDM seuls ont atteint leurs limites. Les premiers sont déconseillés cette année. Quant aux seconds, il est recommandé de ne pas utiliser deux fois le même IDM durant la saison et de se limiter à deux applications non consécutives. Devant ces phénomènes, les firmes phytosanitaires développent des spécialités innovantes. Une nouvelle bataille s'engage contre le fléau.

La Champagne prend le problème à bras-le-corps

En Champagne, les services techniques de l'interprofession (CIVC) mettent l'accent sur la formation à l'observation du parasite. « Nous voulons permettre au vigneron de cerner le risque parcellaire en temps réel et agir pour endiguer l'épidémie, expose Marie-Laure Panon, chef de projet viticulture au CIVC. En effet, les parcelles qui présentent des taches précoces sur feuilles sont les plus exposées aux attaques durant la saison. » Le CIVC conseille aux vignerons d'observer les parcelles les plus sensibles au stade dix feuilles. « Ils doivent regarder la face inférieure des feuilles des premiers étages foliaire. Des taches grisâtres, semblables à un feutrage, sont le signe de la maladie. » L'interprofession conduit également des essais avec les firmes phytosanitaires et les distributeurs sur les stades d'intervention et l'efficacité des anti-oïdiums. « Nous voulons définir des références spécifiques à la Champagne, poursuit la responsable. Car celles qui existent aujourd'hui ne sont pas suffisamment représentatives de notre vignoble. »

Cet article fait partie du dossier Oïdium : mobilisation générale

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