De mai à juillet, ébourgeonnage, épamprage et relevage se succèdent au rythme de la croissance de la vigne, parfois dans l'urgence. « Durant cette période, les problèmes les plus fréquents sont des maux de dos, des entorses ou des insolations. Il y a moins d'accidents déclarés qu'à la taille ou aux vendanges. Ces accidents sont aussi moins graves », constate Christelle Guillet, conseillère en prévention à la MSA du Maine-et-Loire.
Mais ils peuvent malgré tout décourager ceux qui en sont victimes, particulièrement les saisonniers ! Pour préserver votre santé et celle de vos équipes tout au long de la saison, mieux vaut prendre des précautions qui peuvent apporter en même temps un gain de confort.
1. Prenez garde aux entorses et aux insolations
Ceux qui n'ont jamais travaillé à l'extérieur ne se rendent pas compte des contraintes climatiques. C'est souvent le cas des saisonniers. Mieux vaut leur rappeler la nécessité de se protéger du soleil et leur conseiller de porter un chapeau et un T-shirt à manches longues, même s'il fait chaud. « Certains pensent bronzer. Ils se mettent torse nu. Ils ne mesurent pas les risques de coups de soleil après une journée de travail », déplore Christelle Guillet.
Les insolations sont également un problème bien réel. Pour limiter ce risque, certains vignerons fournissent des casquettes. « Il faut aussi penser à apporter de l'eau pour que chacun puisse boire », rappelle la conseillère. Et ne pas hésiter à commencer très tôt pour éviter de travailler aux heures les plus chaudes.
Durant les travaux en vert, les saisonniers marchent souvent une dizaine de kilomètres par jour sur un sol irrégulier. « Suggérez-leur de venir avec des chaussures qui tiennent bien la cheville, pour éviter les entorses. Et de prévoir des vêtements adaptés à la pluie ou au vent pour se changer dans la journée, car le temps est souvent incertain », ajoute-t-elle.
2. Alternez les tâches pour diminuer vos maux
Lors de l'ébourgeonnage et de l'épamprage, la position courbée sur les ceps peut entraîner des maux de dos. « L'idéal est d'alterner les tâches pour ne pas rester dans la même posture toute la journée », observe Christelle Guillet. Lorsque ce n'est pas possible, l'utilisation d'un siège de vigne permet de soulager le dos.
Lors du relevage, ce sont surtout les épaules qui travaillent. « Il peut y avoir des tendinites, voire une rupture des ligaments, lorsqu'on soulève un poids de végétation important durant une longue période », alerte-t-elle. Les risques sont d'autant plus importants que le travail se fait sous tension, dans l'urgence. « Dans ces moments-là, on force davantage sur les articulations », note la conseillère.
Le relevage en deux fois évite de soulever une masse de feuillage importante du bas jusqu'en haut du palissage. Lorsqu'il n'y a qu'une paire de fils releveurs, il est possible d'ajouter une barrette pour poser les fils à mi-hauteur. « C'est un gain de temps et c'est moins fatigant », apprécie Loïc Baranger, vigneron à Concourson-sur-Layon (Maine-et-Loire). Pour réaliser le relevage en deux fois, il a équipé ses vignes d'une barrette qui tourne sur son axe. « Placée à l'horizontale, elle supporte les fils de chaque côté au premier relevage. Au second relevage, on la met à la verticale pour qu'elle ne gêne pas le rapprochement des rameaux », précise-t-il.
3. Protégez-vous des traces de produits phytos
Les traitements et les travaux en vert ont lieu à la même période, ce qui nécessite une bonne organisation pour respecter les délais de rentrée dans les parcelles. Tous les risques ne sont pas supprimés pour autant, car il reste toujours des traces de produits phytosanitaires sur le feuillage. « Les produits sont très dilués par rapport au moment de la préparation des bouillies. Mais cela n'empêche pas de prendre des précautions pour éviter le contact avec la peau nue », fait remarquer Ronan Vigouroux, chef de projet à l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP).
Depuis 2011, le syndicat des firmes phytosanitaires mène des essais sur ce thème en Gironde avec la coopérative des Vignerons de Tutiac et des vignerons indépendants (voir « La Vigne » n°259 du mois de décembre 2013, page 30). « Lors du relevage, les mains et les bras frottent contre la végétation, qui est abrasive. La peau irritée joue alors moins bien son rôle de barrière, rapporte le syndicat. Il peut donc y avoir des réactions au contact des produits, rougeurs ou démangeaisons par exemple. » Pour limiter les risques, mieux vaut porter des gants adaptés (voir encadré), des T-shirts à manches longues et des pantalons.
« Au moment des pauses, il faut également pouvoir se laver les mains et le visage avant de boire, manger, fumer une cigarette ou encore téléphoner », relève Christelle Guillet. Pour mettre en oeuvre cette mesure d'hygiène, il suffit d'un jerrican d'eau pourvu d'un robinet. Elle conseille aussi de porter des lunettes de protection, empêchant de se frotter les yeux, un geste fréquent lorsqu'il fait chaud, et de se doucher sur le lieu de travail puis de changer de vêtements avant de rentrer chez soi.
Les vignes conduites en bio ne font pas exception. « Le soufre, irritant, peut provoquer des rougeurs sur la peau ou des maux de tête », souligne la conseillère de la MSA. Pour les éviter, elle propose de ne pas travailler toute la journée dans une parcelle qui a été soufrée les jours précédents. Une précaution qui nécessite une bonne circulation de l'information. « Il faut indiquer les vignes qui ont été traitées aux salariés de l'exploitation, mais aussi aux équipes des prestataires de main-d'oeuvre ainsi qu'aux techniciens qui réalisent des prélèvements dans le vignoble », avertit Claude Duverneix, responsable prévention de la MSA de Gironde.
FRÉDÉRIC HÉRIT, VIGNERON COOPÉRATEUR SUR 55 HA À MARCILLAC (GIRONDE) « Je propose des équipements à mes saisonniers »
« Pour les travaux en vert, j'emploie quatre à cinq saisonniers. Depuis 2013, je mets à leur disposition des équipements de protection. J'ai participé avec eux aux essais menés par l'UIPP qui ont mis en évidence la présence de traces de produits de traitement sur le feuillage. Pour le relevage, les saisonniers peuvent utiliser par temps sec des gants en nitrile respirants sur le dessus de la main, qui préservent bien la dextérité. Par temps humide, il faut protéger tout l'avant du corps. Les saisonniers ont à leur disposition des gants entièrement recouverts de nitrile, complétés de manchettes et de tabliers en toile cirée. La plupart les utilisent et adaptent eux-mêmes l'équipement en fonction de l'humidité. Je fais de même. Depuis, j'ai la peau moins irritée. Nous amenons aussi un jerrican d'eau avec un robinet à la vigne, ce que nous ne faisions pas avant. C'est appréciable de se laver les mains avant la pause ! Pour prévenir le mal de dos, nous avons construit, avec mon frère Stéphane, des sièges sur roues. Nous les avons testés, puis nous en avons fabriqué pour toute l'équipe. Chacun en a un à sa disposition et l'utilise quand il le souhaite pour changer de position. Ces sièges ne sont pas motorisés mais il est facile de les faire avancer avec les jambes dans les rangs enherbés. Ils réduisent la fatigue et aident à tenir le rythme jusqu'à la fin de la journée. Quand nous le pouvons, nous alternons aussi les tâches. Pour l'ébourgeonnage, ce n'est pas évident. Avec l'épamprage et le relevage, qui se fait en deux fois, c'est plus facile. Au moment de faire le premier relevage, nous passons sur chaque rang, à l'aller, pour descendre les fils du haut et épamprer puis, au retour, pour relever la végétation. Au second relevage, nous épamprons à nouveau en même temps. Cela permet d'alterner les postures et les gestes. Nous ménageons aussi une pause d'au moins une heure à midi, pour que les saisonniers aient le temps de se reposer. Nous leur avons aménagé une cantine et des sanitaires. Tous ces efforts sont bien perçus et nous aident à les fidéliser. »
Des gants et des lunettes adaptés
Lors du relevage, mieux vaut porter des gants pour éviter le contact avec les traces de produits phytosanitaires présentes sur le feuillage. « Par temps sec, vous pouvez utiliser un modèle en tissu respirant dont la paume est recouverte de nitrile. Par temps humide, l'ensemble du gant doit en être recouvert », recommande Ronan Vigouroux, de l'UIPP. Ces gants protègent en même temps des fils en inox qui peuvent être coupants. Ils seront d'autant mieux acceptés par les salariés qu'ils n'entravent pas la dextérité de la main. Parmi les marques possibles, citons Mapa professionnel, ATG (modèle MaxiDry), Maprotec ou encore Manulatex, ce dernier proposant aussi des tabliers. Le port de lunettes de protection évite de se frotter les yeux et de se mettre un rameau dans l'oeil au moment d'entrer dans la végétation pour la relever. « Les gens portent plus volontiers des lunettes confortables, traitées contre la buée et qui ne glissent pas », souligne Christelle Guillet. Parmi les marques spécialisées, on peut citer Bollé ou Swiss One (modèle Crackerjack).