L'organisme de défense et de gestion (ODG) de chaque AOP est chargé des contrôles dits internes auprès de ses adhérents. Comme le souligne Hélène Legueil, technicienne à l'ODG de l'AOP Saint-Chinian (Hérault) et responsable de ces contrôles, « le rôle de l'ODG est avant tout pédagogique. Bien que je sois contrôleur, je souhaite d'abord être considérée comme un soutien auprès des viticulteurs ».
L'experte a pour mission de contrôler chaque année 15 % de la superficie déclarée en AOP, ce qui correspond pour Saint-Chinian à 470 ha en 2014. « Ici, les parcelles présentent une superficie moyenne de 43 ares, il me faut donc faire le tour d'environ 1 000 parcelles pendant la saison. Je débute ma campagne en avril pour la terminer en septembre. C'est pourquoi chaque parcelle ne sera pas contrôlée à la même époque ni donc sur les mêmes critères. »
Depuis 2013, l'Inao a accepté l'idée de se focaliser sur les situations problématiques. Hélène Legueil explique que « désormais, je passe plus régulièrement et sur l'ensemble des parcelles des adhérents ayant déjà rencontré des problèmes de production. À l'inverse, lorsqu'un producteur a prouvé une bonne régularité dans la conduite de son vignoble, je ne contrôle plus que quelques parcelles de son exploitation. Cela me permet de repasser plus souvent dans les vignes problématiques ».
Toujours dans l'idée de gagner du temps et de travailler plus intelligemment, les techniciens des ODG ont obtenu la reconnaissance par l'Inao de leur « avis d'expert ». Désormais, ils apprécient de visu les critères qu'ils sont tenus de noter. Et c'est seulement lorsqu'ils jugent des points non conformes ou trop proches de la valeur cible du cahier des charges qu'ils procèdent à des mesures ou à des comptages.
Le mardi 22 avril, « La Vigne » a accompagné la contrôleuse sur le terrain. À cette période de l'année, le contrôle est assez rapide. Outre le taux de manquants, le principal point à vérifier est le respect des règles et des modes de taille. À Saint-Chinian, la taille doit être courte (gobelet, Royat) et limitée à dix yeux francs par souche.
La première parcelle que nous visitons, conduite en cordon de Royat palissé, est de petite taille. Hélène Legueil parcourt un rang et revient par un autre. À première vue, la spécialiste constate qu'il y a moins de 20 % de manquants. Puis elle s'attarde à deux reprises sur une petite série des souches qu'elle juge représentatives de la parcelle. En quelques instants, elle compte avec minutie le nombre de rameaux sortis sur chaque cep. C'est bon ! L'état général étant également correct, elle valide la parcelle.
La parcelle suivante est en gobelet. L'objectif de la visite reste le même, mais la méthode change. La technicienne effectue ses contrôles approfondis sur un ensemble de ceps voisins, non alignés les uns par rapport aux autres. Là encore, la taille est conforme au cahier des charges. Mais pour les manquants, c'est une autre affaire. Nous pouvons facilement noter différentes zones au sein de la parcelle. La contrôleuse décide alors de compter les manquants sur cent ceps dans trois zones qu'elle a identifiées. Après avoir calculé la moyenne, elle trouve un taux de 30 % de manquants.
« Ceci ne peut être considéré comme un manquement, notamment sur une vieille parcelle comme celle-ci, juge cependant Hélène Legueil. En revanche, bien qu'a priori, les sorties ne semblent pas excessives, je repasserai plus tard en saison afin de vérifier la charge. » Car il n'est pas question qu'une charge excessive compense le taux de manquants.
Hélène Legueil raconte : « Un jour, un viticulteur me soutenait qu'il était en règle avec le rendement butoir de 45 hl/ha alors que sa parcelle présentait 30 % de manquants. Il a fallu que je lui explique que les souches restantes ne doivent pas compenser un taux de manque important. » Hélène Legueil a alors proposé au viticulteur de déclasser sa parcelle, ce qu'il a accepté sans contester. « Dans la plupart des cas, le problème est réglé en interne, sans passer par LRO, l'organisme de contrôle externe, et l'Inao », souligne la technicienne.
Hélène Legueil assure qu'elle applique le même raisonnement lors d'un dépassement mineur des règles de taille. « Lorsque je constate qu'il reste onze yeux francs sur une parcelle, je ne relève pas immédiatement le manquement, détaille-t-elle. Je le note afin de repasser plus tard en saison pour contrôler la charge. C'est à ce moment-là que je verrai si, oui ou non, il est nécessaire de demander au viticulteur de mettre en place une mesure corrective ».
Après chacun de ses passages, l'experte envoie une note au viticulteur. « Si j'ai détecté un problème, je lui propose une mesure corrective. Il est vrai que certains ne sont pas du tout contents de mes observations. Dans ce cas, je les laisse vider leur sac avant d'amorcer avec eux un dialogue constructif. La plupart du temps, les viticulteurs comprennent et acceptent la solution proposée. Mais parfois, il est trop tard, notamment lors d'une grave contamination par une maladie. Dans ce cas, je propose le déclassement de la parcelle pour l'année. Si le viticulteur conteste, je dois alors transférer le dossier à LRO. »
Ce dernier établit alors en son nom propre un rapport d'inspection qu'il transmet, en cas de manquement constaté, au directeur de l'Inao. Celui-ci prend une sanction pouvant aller de l'avertissement au retrait de l'habilitation. En 2013, treize hectares sur les 480 contrôlés ont été déclassés à Saint-Chinian. Les problèmes les plus récurrents sont liés à la charge, à l'état sanitaire et à l'état cultural global (friches, absence de maîtrise de l'enherbement, développement de ronces...).
Hélène Legueil confie aussi que « lorsqu'un problème a été détecté, le viticulteur concerné est toujours suivi de près au niveau des contrôles oenologiques et il peut être certain d'être contrôlé l'année suivante ». Elle conclut en assurant « toujours contrôler en gardant en tête le produit final, c'est-à-dire le vin. Mais je n'oublie pas de prendre en compte le côté vivant de la plante et l'aspect humain dans ma démarche ».
Des caves coopératives volontaires
Une ODG peut souhaiter que les contrôles réalisés au sein d'une cave coopérative soient reconnus comme contrôles internes. Une convention est alors établie avec la coopérative volontaire. La cave Sylla, à Apt (Vaucluse), a mis en place cette collaboration avec les ODG Ventoux et Lubéron. Comme l'explique Geneviève Robert, directrice de la cave, « nous réalisions déjà des contrôles équivalents au plan d'inspection proposé par l'ODG auprès de nos coopérateurs. La mise en place de la convention n'a donc pas du tout été un problème. Si une anomalie importante est relevée, une fiche de non-conformité est alors envoyée à l'ODG concernée, mais cela reste rare. Nos techniciens accompagnent les adhérents tout au long de l'année afin d'éviter les problèmes lors des contrôles (juillet-août) ».
Les principaux points soumis au contrôle
Mesure de la hauteur du feuillage.
Vérification du respect des règles et des dates de taille.
Estimation du nombre de manquants.
Vérification de l'encépagement.
Contrôle de l'état cultural global (parcelle en friche, entretien du sol, maladies...).
Estimation de la charge par comptage et taille des grappes.